Jaloux, sous-doués, gagneurs : la société française vue par Le Point

Jaloux, sous-doués, gagneurs : la société française vue par Le Point

Les unes du Point dressent le portrait d’une France un chouïa caricaturée, partagée entre les « utiles » et les « boulets », les « gagneurs » et les « assistés ». On a regroupé les familles sociologiques de l’hebdo.

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La une du Point du 6 novembre 2014
La une du Point du 6 novembre 2014

Cette semaine, le magazine Le Point tape à cœur joie sur les « vaches à lait », qui « paient toujours pour les autres ». Ça tombe bien. Ces pauvres Français, qui « ont du mal à digérer la forte teneur en sel de l’addition » (sic), sont ceux qui achètent le magazine de la droite chic et choc.

A force de couvertures à l’emporte-pièce, Le Point s’est forgé une petite réputation sur Internet.

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La lecture des unes de ces deux dernières années dessine une France un chouïa caricaturée, une société partagée entre les « utiles » et les « boulets », le « petit peuple » et les « élites ».

Les familles « sociologiques » du Point sont regroupées dans l’application ci-dessus.

1Les persécutés

Classes moyennes, contribuables, entrepreneurs

 

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Les couvertures du Point : septembre 2013, novembre 2014, dcembre 2012
Les couvertures du Point : septembre 2013, novembre 2014, décembre 2012

C’est le royaume des travailleurs écrasés par l’impôt, qui se lèvent tôt et croisent dans les transports les noceurs de la veille, cigales sans-gêne qui ont cramé au One-Two-Two le produit du labeur des autres... Dans le persécuté, il y a un côté « loser » que le « gagneur » n’a pas...

Les « vaches à lait » sont de bons Français, pas méchants tant qu’on les respecte, partageux mais pas jusqu’à l’absurde. Lorsqu’ils se fâchent, ils deviennent des « contribuables hystériques », qui « s’arrachent les cheveux et téléphonent à leur inspecteur des impôts pour “essayer de comprendre” ».

Enfin, « classes moyennes », il faut le dire vite. Lorsque Le Point défend les « 20% des foyers qui ont absorbé plus de 75% des hausses d’impôts », il parle en réalité des neuvièmes et dixièmes déciles, « au niveau de vie supérieur à 32 840 euros par personne et par an ».

En dessous de ces hauts revenus, s’entassent les « patrons de PME, professions libérales et artisans », qui « créent de l’emploi, ne gagnent pas des fortunes » et pourtant « sont harcelés par la bureaucratie, le fisc, l’Urssaf et les banques ».

Ils sont fourbus. Imaginez-vous, il en ont marre de voir les « taxes et les prélèvements obligatoires s’empiler comme les couches d’un mauvais millefeuille de dix étages ».

2Les gagneurs

Jeunes expats’, vieux rayonnants, chefs qui ont la pêche

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Les couvertures du Point : mai 2014, janvier 2014, fvrier 2013
Les couvertures du Point : mai 2014, janvier 2014, février 2013

Le gagneur aurait pu être un persécuté. Heureusement, il a réussi à fuir la France, à se trouver un « business » porteur ou – à défaut – à positiver malgré la merditude des choses. Lorsqu’il vieillit, le « gagneur » garde « son énergie », comme Michel Rocard ou Paul Bocuse. C’est lui le « vrai jeune », pas celui mal élevé (voir ci-dessous) salement moulé par une école à la dérive.

Les gagneurs ont du mérite. Ils prouvent que « dans notre pays, il est aussi possible d’accomplir de grandes choses ». Exemple ?

  • Xavier Niel, le créateur de Free (et l’homme qui possède ceux qui possèdent Rue89), « qui a arrêté ses études après le bac pour créer sa première boîte » ;
  • Jean-Claude Decaux, « qui a bâti un empire de l’affichage publicitaire et du mobilier urbain après une idée de génie un été dans le magasin de ses parents » ;
  • Et, bien sûr, François Pinault (le propriétaire du Point), « qui a lâché l’école à 16 ans pour ensuite fonder un empire. »

Pour en arriver là, il est fortement conseillé au jeune gagneur de « partir pour réussir ». Il n’y a qu’à écouter ce « jeune trentenaire plein de talent et de belles références » qui ne cherche qu’à « exercer ce métier qu’il aime tant » :

« J’adore la France. Mes amis, ma famille. Je n’ai pas l’âme d’un mercenaire. Mais je ne supporte plus d’attendre une amélioration de la situation économique. Cela fait plusieurs semaines que je cherche. Je ne trouve que des petits boulots dans la restauration, payés des clopinettes. C’est le néant. Je ne peux pas rester plus longtemps ici les bras croisés. »

3Les sous-doués

Socialistes, eurosceptiques, haut fonctionnaires

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Les couvertures du Point : fvrier 2014, juin 2014, novembre 2013
Les couvertures du Point : février 2014, juin 2014, novembre 2013

Souvent énarque, le « sous-doué » a pu évoluer de deux façons dans la vie : il peut être un hiérarque administrato-socialiste, le genre de type qui ne parle que de moquette et de primes lors de ses nombreuses pauses café. Ou un isolationniste forcené, qui préfère les clochers de la France rabougrie aux charmes de la mondialisation.

Les sous-doués sont souvent des syndicalistes, mais de la trempe de ceux qui refont faire leurs appartements parisiens aux frais de la princesse. A leur décharge, les sous-doués se rendent compte qu’ils sont des boulets, mais en privé seulement. Ils adorent les phrases telles que « C’est le foutoir ». Tout cela pour montrer qu’ils ont quand même de l’humour.

Le reste du temps, le sous-doué s’échine à faire couler des entreprises par son incompétence et son incompréhension des principes de base de l’économie de marché :

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« Ceux qui ont mis la France dedans, ce sont évidemment les corporatismes chauvins, représentés jusqu’à la caricature par les braillards de la CGT ou de Sud, qui, avec 14% seulement de grévistes à la SNCF, bloquent le pays. »

Lorsque le sous-doué ne peut goûter l’Europe, il devient un « néocon » :

 « Mais ils sont bien plutôt les héritiers des partisans de la ligne Maginot, qui ont cru pouvoir arrêter les chars et les avions allemands en édifiant à notre frontière orientale une gigantesque tranchée bétonnée. Ils avaient retenu les leçons de la guerre de 14 mais n’avaient pas prévu l’efficacité offensive du binôme char-avion, bien compris par un certain colonel de Gaulle... »

4Les chouchous

Fonctionnaires, syndicats, corporatistes

 

Les couvertures du Point : juin 2013, septembre 2014, octobre 2013
Les couvertures du Point : juin 2013, septembre 2014, octobre 2013

Les chouchous sont les gardiens du temple des sous-doués. Ce sont les fonctionnaires, les professions réglementées, les syndicalistes de base. Tout ceux qui profitent de l’Etat et de ses largesses. Généralement, le chouchou ne réalise pas qu’il est chouchouté. Il est moins cynique que le sous-doué, un peu plus benêt. D’où son incompréhension face à la colère des lecteurs du Point.

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Il existe toutefois une catégorie de « chouchous » qui pue la méchanceté : ce sont les « assistés ». L’assisté adore les phrases comme : « Vous croyez que je vais me lever à 4 heures du matin pour gagner 132,73 euros de plus ? » Ce qui permet aux honnêtes gens de s’indigner.

Mais la majorité des « chouchous » sont de « vrais rentiers » : les taxis, les notaires, les pharmaciens. Ils sont parfois encore moins respectables, comme les intermittents, « dont la mobilisation perpétuelle permet de sauver l’essentiel d’un système qui, s’il était généralisé, provoquerait la faillite de l’Etat providence ».

Il faut s’indigner devant « la pluie d’aides qui s’abat sur ces populations ». Mais il y a encore pire, la version évoluée : les « enfants gâtés ». C’est le gratin des chouchoutés. Alors que certains sont assommés d’impôts, ces privilégiés continuent de prospérer. Il est alors de bon ton de citer – sans rire – Jacques Attali :

« La France reste très largement une société de connivences et de privilèges. »

Heureusement qu’il y a les « trublions de l’Internet » – les « gagneurs » – qui « partent à l’assaut de nombreux bastions, comme les taxis, les auto-écoles, les ventes de lunettes en ligne... »

Enfin, les vrais « chouchous » sont bien sûr les fonctionnaires, qui ont « la certitude d’être bichonné[s] par le pouvoir en place, qu’il[s] soi[en]t de droite ou de gauche... »

5Les jaloux

Délinquants relationnels, frustrés

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Les couvertures du Point : octobre 2014, juillet 2014
Les couvertures du Point : octobre 2014, juillet 2014

On quitte les catégories sociales tout en y restant... Les délinquants relationnels sont des produits d’une école décervelée et de l’incurie des « sous-doués ». Ils sont jaloux des « gagneurs » et mal élevés avec les « persécutés ». Ce sont des chouchous de bas-étage.

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