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Ne tirez pas sur le pianiste !

Le 6 novembre, François-Frédéric Guy jouera Erlkönig, d‘Hugues Dufourt et les Préludes, de Claude Debussy, à la Cité de la musique. BALTEL/SIPA

Les as du clavier sont cette semaine à Paris. François-Frédéric Guy pour Debussy à fleur de peau, Menahem Pressler pour une immersion totale dans Schubert et l'apollinien Kristian Bezuidenhout au pianoforte pour Mozart et Beethoven.

François-Frédéric Guy

Quinze ans! Cela fait quinze ans que le Français François-Frédéric Guy arpente en long, en large et en travers l'œuvre pianistique du grand Ludwig. Quinze ans qu'il nous surprend, aux détours de sentiers maintes fois battus, par son étonnante maturité artistique.

La profondeur de son approche sans cesse renouvelée ne ressemble à aucune autre. Non que le pianiste renie l'héritage des grands du passé. Les Fischer, Kempff et autres Brendel lui ont transmis, au travers de leurs enregistrements, «une culture beethovénienne établie.» Mais il y a, dans ce dialogue permanent entre une vision globale et la conscience aiguë de l'instant, une présence écrasante qui prend aux tripes. Une signature qui tient en trois lettres: FFG.

Après avoir enregistré les cinq concertos sous la baguette de Philippe Jordan (Naïve) et l'intégralité du cycle des 32 sonates (Zig Zag Territoires), le pianiste, qui s'est tellement abreuvé de Beethoven qu'il en a épousé la chevelure ébouriffée et l'ardeur romantique, explore cette année sa musique de chambre, épaulé notamment par le violoniste Tedi Papavrami et le violoncelliste Xavier Phillips.

Si Beethoven constitue, comme il le rappelle lui-même, «la pierre angulaire» de son répertoire, «l'incontournable somme de tous les possibles en matière d'engagement artistique», FFG n'hésite pas à nourrir son approche en allant puiser à d'autres sources. Il l'a prouvé lors de ses voyages imaginaires chez Marc Monnet, compositeur et directeur du Printemps des arts de Monte-Carlo. Entre la musique d'aujourd'hui et le début du XIXe siècle, il y a le grand basculement opéré par Wagner et Debussy, qui firent passer le piano du romantisme au XXe siècle.

François-Frédéric Guy les confrontera bientôt à l'Arsenal de Metz, où il est en résidence. Pour l'heure, il rend hommage au Français dans le cadre du cycle que la Cité de la musique, consacre à ce maître des «sonorités en suspens», revu à la lumière de l'un de nos contemporains: Hugues Dufourt. De ce dernier, FFG jouera Erlkönig, hommage à l'innovation pianistique du XIXe siècle, composé en 2006. Pour Debussy, ce sera un autre cycle monumental: le second livre des Préludes,dont les audaces stylistiques n'ont rien à envier à certaines avancées beethovéniennes. Les prémices - qui sait? - d'un nouveau projet d'intégrale discographique?

François-Frédéric Guy, Cité de la Musique,221, av. Jean-Jaurès (XIXe). Tél.: 01 44 84 44 84. Dates: le 6 nov. à 20 h. Places: de 20 à 25 €.


Menahem Pressler

Menahem Pressler a entamé une carrière de soliste à l'âge de 85 ans! (c) Marco Borggreve

C'est un jeune homme de 90 ans dont on fête l'anniversaire à Pleyel. Ce maître du dialogue y sera rejoint par la pianiste Wu Han, le ténor Christoph Prégardien et le Quatuor Ébène. Légende vivante de la musique, Menahem Pressler a la carrière la plus atypique qui soit. Juif ­allemand obligé de quitter l'Allemagne nazie avec ses parents pour s'installer en Israël, il eut après-guerre des débuts américains en fanfare: la carrière de concertiste lui ouvrait les bras, mais il opta pour la musique de chambre, fondant en 1955 le Beaux-Arts Trio dont il allait être la colonne vertébrale pendant plus de cinquante ans. Cinq décennies pendant lesquelles l'ensemble allait se maintenir sur l'Olympe.

À la dissolution de ce trio mythique, au lieu de cultiver son jardin, il entama à 85 ans une carrière de soliste! Commençant prudemment par quelques récitals à Verbier, au festival Piano aux Jacobins et à la Cité de la musique, il rencontra un tel accueil qu'on le demande désormais partout. Il est vrai que l'entendre est une expérience indescriptible, tant il semble faire revivre un paradis perdu. Quand il aborde Mozart ou Schubert, ce n'est pas en virtuose, c'est en poète. Son toucher d'une délicatesse inouïe, sa sonorité boisée, sa manière unique de faire chanter non seulement la moindre phrase mais la moindre note ­relèvent d'un art d'autrefois, où l'on croit entendre Le Monde d'hier dont parlait Stefan Zweig. Il y a à peine deux ans, il nous disait: «Quand je joue, c'est comme si j'avais 30 ans, quand j'enseigne j'ai l'impression d'en avoir 40, mais quand je monte les escaliers, je sais que j'ai 88 ans.» Pas d'inquiétude: il y a un ascenseur à Pleyel!

Menahem Pressler , Salle Pleyel, 252, rue du Faubourg- Saint-Honoré, VIIIe. Tél.: 01 42 56 13 13. Date: le 7 novembre à 20 h. Places: de 10 à 60 €.


Kristian Bezuidenhout

Kristian Bezuidenhout, un maître de l'équilibre. Marco Borggreve

Comme il est loin, le temps où l'on considérait que les instruments anciens étaient le refuge de ceux qui n'avaient pas la technique pour jouer «normalement»! Aujourd'hui, les lignes ont bougé, la polyvalence est de mise. À 34 ans, le Sud-Africain Kristian Bezuidenhout en est l'exemple emblématique. Ne vous arrêtez pas à son nom imprononçable. Ce spécialiste du pianoforte joue tout aussi bien du clavecin que du piano moderne. Depuis son succès au Concours de Bruges à 22 ans, cet élève de Malcolm Bilson s'est installé tout en haut de sa discipline. Artiste apollinien, son jeu n'a pas les bizarreries génialement perturbantes d'un Andreas Staier: Bezuidenhout (il faudra bien vous habituer!) est un maître de l'équilibre. Son Mozart et son Beethoven, deux compositeurs qui figurent à son programme de l'Auditorium du Louvre, coulent de source avec évidence, grâce à une parfaite logique du discours et à un phrasé suprêmement élégant. Et si vous croyez encore à une fatalité qui voudrait que le pianoforte sonne comme une mauvaise guitare ferraillante, écoutez la palette de couleurs dont il pare l'instrument et la capacité avec laquelle il le fait résonner.

Harmonia Mundi ne s'y est pas trompé, qui a mis sur pieds avec lui une politique d'enregistrements, en particulier mozartiens, où une référence succède à une autre, sans tambours ni trompettes, sans battage médiatique ni photos de charme. Un pianofortiste au nom imprononçable qui fait carrière sans marketing mais sur la seule foi de sa probité musicale, avouez que c'est réconfortant.

Kristian Bezuidenhout, Auditorium du Louvre, Musée du Louvre (Ier). Tél.: 01 40 20 55 00. Date: le 6 novembre à 20 h. Places: de 16 à 32 €.

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