Le gouvernement saura, vendredi 11 octobre, s'il doit rebâtir une législation pour empêcher l'exploration et l'exploitation des huiles et gaz de schiste en France. Et interdire de nouveau l'usage de la fracturation hydraulique, technique qui consiste à fissurer les roches qui piègent huiles et gaz de schiste afin qu'ils soient libérés, en injectant un mélange d'eau, de sable et d'adjuvants chimiques, seule technique disponible aujourd'hui pour extraire ces hydrocarbures non conventionnels, mais dont les risques pour l'environnement ont été estimés trop élevés.
Le Conseil constitutionnel doit en effet valider ou invalider la loi du 13 juillet 2011, votée à l'initiative de Christian Jacob, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, et qui interdit la fracturation hydraulique.
Les quatre articles du texte législatif avaient été rédigés dans l'urgence. Il s'agissait de répondre à la mobilisation importante des habitants du sud de la France et de la région parisienne contre les permis accordés en 2010 par les services du ministre de l'écologie de l'époque, Jean-Louis Borloo, sans aucune consultation préalable de la population. Bonne pioche : certains se situaient dans le Parc national des Cévennes, bientôt inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco. Le député européen José Bové en a donc fait un nouveau Larzac.
PRINCIPE DE PRÉCAUTION OU PRINCIPE DE PRÉVENTION?
Cette urgence s'est traduite par une fragilité juridique du texte, qui n'a pas échappé à la compagnie pétrolière texane Schuepbach. Le groupe américain a déposé, en janvier, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Le ministère de l'écologie – Delphine Batho était à l'époque à la manœuvre – a tenté de stopper la route de la QPC, mais l'argumentaire juridique déployé n'a pas été retenu. La QPC a été transmise au Conseil d'Etat qui, le 12 juillet, décida de la transmettre au Conseil constitutionnel.
Fin septembre, lors d'une audience publique, les Sages ont écouté les arguments juridiques des parties prenantes. La bataille juridique tourne autour de deux points.
- Il s'agit d'abord de savoir si l'article 1 de la loi s'appuie sur le principe de précaution ou sur le principe de prévention. Le premier, inscrit dans la Constitution, peut être invoqué face à un danger potentiel pour la santé humaine ou l'environnement. Et conduit, par exemple, à une interdiction temporaire ou permanente d'un produit susceptible d'être dangereux. Le second est mis en avant quand les risques sont avérés.
- Deuxième point de discorde, la loi Jacob revêt, selon Schuepbach, un caractère discriminatoire dans la mesure où elle ne concerne que les huiles et gaz de schiste et non la géothermie – pour laquelle la fracturation est parfois utilisée.
Contestant ainsi l'ensemble des études scientifiques déjà publiées, Marc Fornacciari, avocat du groupe Schuepbach, assure qu'"il n'existe aucun élément pour étayer la notion de risque que représenterait la fracturation hydraulique".
En face, Me Sébastien Le Briero (France Nature Environnement) et Me Alexandre Faro (Greenpeace) ont décidé de venir défendre la loi du 13 juillet. Tous deux ont mis en avant les dangers de la fracturation hydraulique, tels que les évoque la littérature scientifique (mini-séismes, émissions de méthane). Et ce, afin de justifier l'usage du principe de prévention, fondement de la loi Jacob, selon le représentant du gouvernement également présent à la barre, Thierry-Xavier Girardot.
Si la loi devait être invalidée, l'abrogation de tous les permis – ceux de Schuepbach mais aussi ceux de Total – au nom de l'interdiction de la fracturation hydraulique ne serait plus justifiée. Les entreprises pourraient donc représenter leurs dossiers. Et réclamer aussi des indemnités puisque le préjudice aurait été avéré.
Le nouveau ministre de l'écologie, Philippe Martin, assure pour sa part que le gouvernement, conformément aux déclarations de François Hollande, "ne cédera pas sur le gaz de schiste", et proposera un nouveau texte à l'Assemblée nationale.
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