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Nature & environnement

Comment les champignons ont-ils évolué ?

Le séquençage du génome de 18 nouvelles espèces de champignons révèle l’histoire originale de l’évolution d’organismes qui ont façonné en profondeur les écosystèmes de la planète.
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Comment les champignons ont évolué ?
Laccaire améthyste Laccaria amethystina
© INRA

MYCORHIZES. Ni plantes, ni animaux, les champignons ont une histoire évolutive singulière mais connectée étroitement à la nature telle que nous la connaissons. Outre leurs actions de parasites et de pathogènes, ils remplissent en effet deux rôles essentiels. Certains sont des décomposeurs de la lignocellulose du bois tandis que d’autres sont associés aux arbres et aux plantes à travers des symbioses mycorhiziennes, un échange de bons procédés où le champignon apporte aux plantes le phosphore, l’azote et les microéléments dont elles ont besoin tandis que celles-ci fournissent au champignon les sucres qu’elles produisent par photosynthèse.

Les champignons ont ralenti la formation des gisements de charbon

Apparus à la fin du Carbonifère, il y a près de 280 millions d’années, les pourritures blanches ont développé l’arsenal enzymatique leur permettant de dégrader le bois s’accumulant dans les forêts de conifères de l’époque. Cette décomposition aurait ralenti la transformation du bois en charbon dans les couches géologiques en le recyclant sous forme de CO2. Les symbioses mycorhiziennes expliquent, elles, la colonisation de presque toute la planète par les plantes.

SCENARIO. « Grâce au séquençage massif du génome de dizaines de pourritures blanches et brunes, de champignons dégradeurs de litière, comme le champignon de Paris, et de champignons mycorhiziens, comme l’amanite, le bolet ou la truffe, nous pouvons proposer un scénario d’évolution de ces groupes de champignons au cours des 300 derniers millions d’années » expose Francis Martin, chercheur à l’Inra de Nancy et coordinateur du consortium qui a publié l’article résumant ces travaux lundi 23 février 2015 sur le site de Nature Genetics.

La question principale: les champignons mycorhiziens sont-ils dérivés des décomposeurs de bois ? «Les premiers à apparaître sont les pourritures blanches, poursuit Francis Martin. Elles sont xylophages et possèdent pour cela tout un arsenal d’enzymes qui leur permettent de dégrader la lignine et la cellulose, avec un cependant un défaut : le maintien de cet arsenal d’enzymes est très coûteux en énergie ».

La mérule est l'ancêtre du bolet

Aussi, l’étape évolutive suivante consiste à substituer ces enzymes dégradatives par des réactions chimiques d’oxydo-réduction capables de dépolymériser la lignocellulose et qui sont plus sobres en énergie. Ainsi apparaissent les pourritures brunes. Elles se débarrassent au cours de leur évolution des enzymes dont elles n’ont plus besoin par érosion de leur capital génétique.

DIALOGUE. Enfin, certaines pourritures brunes entament un dialogue avec les racines des arbres, étape qui intervient il y a environ 180 millions d’années. Elles réduisent alors fortement leur jeu d’enzymes de dégradation des parois végétales, inutiles, et ‘inventent’ les protéines de communication capables de contrôler les défenses immunitaires de la plante, condition indispensable à la pénétration des filaments des champignons, les hyphes, dans les racines des plantes. Ainsi, la grande famille des bolets descendrait d’une lignée de pourritures brunes qui comprend la redoutable et contemporaine Mérule, destructrice des charpentes en bois.

champignon

Amanite tue-mouche. © Inra

La comparaison des génomes des pourritures et des dégradeurs de litière avec ceux des champignons ectomycorhiziens fait apparaître d’autres parentés insoupçonnées : les amanites seraient apparentées aux champignons décomposeurs de litière comme les agarics (le champignon de Paris) tandis que les hébélomes seraient issus de pourritures blanches ancestrales. Ce scénario évolutif devrait se préciser dans les prochains mois avec les résultats de l’étude comparative en cours d’une vingtaine de nouveaux génomes mycorhiziens. « Nous pourrons ainsi affiner les étapes intermédiaires de cette histoire évolutive des champignons » annonce Francis Martin.

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