Vers de nouvelles habitudes alimentaires ?

Entre obésité et malnutrition, et face à une population mondiale grandissante, comment faire évoluer nos pratiques pour mieux consommer ? Des spécialistes en alimentation nous éclairent.

Vers de nouvelles habitudes alimentaires ?
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Comment mieux consommer ? Manger mieux et manger moins, deux consignes à suivre pour notre santé mais aussi à une échelle plus large : pour la santé de notre planète ! Selon Catherine Esnouf, ingénieure des Ponts, Eaux et Forêts, directrice scientifique adjointe "Alimentation" à l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) de Paris, la question principale à l’heure actuelle en terme d’alimentation est de savoir "comment nourrir durablement le monde, non seulement en quantité, mais aussi en qualité". Car le problème est double : consommer des aliments de mauvaise qualité cause des carences et une malnutrition, alors qu’une consommation trop élevée peut conduire à l’obésité. Malnutrition et obésité représentent ainsi aujourd’hui un "double fardeau au sein d’une même population, parfois même d’une même famille", selon l’ingénieure.

Alors, comment faire pour gérer ces enjeux ? Une des pistes évoquée est de travailler sur les comportements alimentaires pour changer certaines habitudes.

Tout d’abord, un point essentiel est de limiter les pertes et le gaspillage alimentaire. En effet, selon Barbara Redlingshöfer, ingénieure d’étude en recherche et société pour le développement durable à l’INRA : "au niveau mondial, des études estiment les pertes et gaspillages à environ 30 % tout au long de la chaîne alimentaire". La solution ? De véritables actions de sensibilisation pour moins gâcher et "la mise en place de circuits de redistribution et de récupération, comme il en existe dans l’histoire depuis l’Antiquité !", détaille Bruno Laurioux, historien directeur de l’Institut d’Études Culturelles et Internationales (IECI) de l’Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines.

Un second objectif est celui de "consommer moins, et notamment moins de calories d’origine animale", précise Catherine Esnouf. En effet, depuis la mise en place de la production industrielle et l’accès facilité aux produits de consommation nous absorbons plus de calories que nous en aurions besoin pour vivre sainement. Principales concernées, les protéines animales : "la part des produits animaux dans l’apport calorique total pourrait être en moyenne de 500 kilocalories par jour et par personne, alors que ce chiffre est actuellement supérieur à 1200 dans les 34 pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE)", explique Sébastien Treyer, directeur des programmes de l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI). Une réduction qui pourrait bien être bénéfique à notre santé puisque comme tendent à le montrer plusieurs études, la viande rouge notamment pourrait être impliquée dans la survenue de cancers. De plus, une telle pratique permettrait aussi de répartir la disponibilité mondiale limitée des produits animaux sur toute la planète.

Mais par quoi remplacer ces calories animales ? Par les calories végétales ! "Il faut remettre au goût du jour les protéines végétales comme les légumineuses [pois, haricots secs, lentilles… ] dont la production a récemment diminué. L’enjeu est d’en faire des produits pratiques à cuisiner et facilement digérables", développe l’ingénieure Catherine Esnouf. Une évolution de l’offre alimentaire pourrait alors permettre un changement des pratiques alimentaires acquises ces dernières années en cassant "la routine sociale et ménagère des consommations" selon Catherine Esnouf. Mais que les esprits futuristes fantasques redescendent sur Terre : l’alimentation en pilules n’est pas encore à l’ordre du jour car "s’il n’y a pas de volume ingéré, l’intestin s’atrophie et ne fonctionne plus", précise Jean Fioramonti physiologiste chef de département adjoint de la structure "Alimentation Humaine" à l’INRA de Toulouse.

Pour plus d’informations : lire L’Alimentation à découvert, ouvrage co-dirigé par Catherine Esnouf, Jean Fioramonti et Bruno Laurioux aux éditions CNRS.