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Cumul, carrièrisme. La professionnalisation des politiques, un verrou français

Forte longévité des carrières, cumul des mandats et des fonctions… Les élus donnent aux citoyens le sentiment que leur démocratie fonctionne en vase clos.

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Publié le 18 février 2016 à 19h25, modifié le 17 mars 2016 à 10h25

Temps de Lecture 13 min.

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En transformant un mandat de quelques années en un métier que l’on exerce parfois pendant toute une vie, la professionnalisation nourrit une très forte longévité politique – des carrières interminables, des candidatures à répétition, des come-back sans fin.

En ce jour d’automne 2015, Florent Hérouard affiche une barbe naissante et un sweat-shirt à capuche qui tranchent avec l’allure traditionnelle des hommes politiques. Invité de France Bleu Normandie, ce géographe qui a inventé un système d’attache pour les skateboards est tête de liste aux élections régionales dans le Calvados. Une position qu’il n’a pas conquise au terme d’un long parcours au sein des instances dirigeantes de son parti : comme tous les candidats de Nouvelle Donne, le mouvement de Pierre Larrouturou, Florent ­Hérouard a été désigné au terme d’un tirage au sort. Il est, affirme-t-il avec fierté, un « candidat-citoyen » qui rêve de « faire de la politique autrement ».

Autrement ? Comme un amateur éclairé qui croit en la chose publique sans vouloir pour autant en faire son métier. Une idée que les grands partis considèrent souvent avec un brin de condescendance, comme si elle relevait de l’aimable folklore de la ­démocratie participative. La contribution des profanes à la démocratie est pourtant une idée très ancienne : dans l’Antiquité, les Grecs pratiquaient le tirage au sort et la rotation rapide des mandats afin, justement, de favoriser « l’autogouvernement de tous par tous, chacun étant à tour de rôle gouvernant et gouverné », souligne le politiste Yves Sintomer dans un texte publié en 2012 sur le site La Vie des idées.

Cet usage a survécu dans la justice – les jurés d’assises sont, aujourd’hui encore, tirés au sort –, mais il a ­disparu dans le monde politique : depuis le début du XXe siècle, et surtout depuis l’avènement de la ­Ve Répu­blique, la démocratie française est entrée dans l’ère de la professionnalisation. «  Aujourd’hui, la politique est un métier, constate Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po, le Cevipof. Les hommes politiques construisent des carrières longues  : ils occupent tour à tour des fonctions électives, des postes dans la haute fonction publique ou dans des cabinets, des responsabilités dans l’appareil des partis – et ce, parfois, pendant toute une vie. Le temps des néophytes issus de la société civile est terminé. »

« La décentralisation a créé, en vingt-cinq ans, une élite urbaine fermée, professionnalisée et notabiliaire. »
Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS

Les chiffres sont sans ambiguïté : à l’Assemblée ­nationale, l’entrée « directe » de citoyens dénués ­d’expérience politique est en voie de disparition. « Les trajectoires menant au Palais-Bourbon impliquent un ­investissement professionnel précoce dans la politique et la détention préalable de plusieurs postes de pouvoir, ce qui implique un savoir-faire », explique Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS (Cevipof), dans une étude sur le profil des députés élus en 2012. Un tiers des députés socialistes ont ainsi « fait leurs premières armes au sein du PS, très souvent comme ­assistants parlementaires ou membres de cabinets municipaux ou régionaux », poursuit-il, en soulignant une ­ « certaine professionnalisation des députés ».

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