On pourrait l'appeler en quelque sorte le maître de musique. Lorsque vous êtes dans la salle, vous le voyez souvent de dos. Nous avons profité d'une masterclass dédiée aux chefs d'orchestre à l'Opéra Royal de Wallonie à Liège pour découvrir d'un peu plus près ce métier pas comme les autres.
D'une cacophonie, ils doivent en faire une mélodie. Diriger un orchestre, c'est une recette complexe. Des dizaines d'instruments et, pour l'opéra, des voix, seules ou en chœur. Une partition multiple qu'il faut mener à la note près.
Et des études à la pratique, l'écart est grand, l'apprentissage est encore long. Paolo Arrivabeni, chef d'orchestre et directeur musical de l'Opéra Royal de Wallonie nous explique : "Quand on sort du conservatoire, on n'a pas l'idée de ce qui se passe vraiment dans une maison d'opéra ou dans une salle de concert. Quand j'ai commencé il y a 20 ans, j'ai commencé avec de grandes difficultés, parce que je n'étais pas capable de gérer autant d'orchestres, ou de chœurs ou de solistes. Mais c'est comme apprendre à faire du vélo, une fois qu'on a appris, on n'oublie pas. Et tous les jours, on va améliorer notre attitude pour ce métier".
"La musique doit se voir dans le bras"
Paolo Arrivabeni est aujourd'hui chef d'orchestre connu et reconnu. Le jour où nous sommes allés à sa rencontre, il enseignait quelques ficelles du métier à de jeunes chefs venus prendre conseil et apprendre le geste juste. Car c'est de leur mouvement uniquement que dépend l'harmonie de l'orchestre.
"La musique doit se voir dans le bras, commente Arkaitz Mendoza Rodriguez, chef d'orchestre espagnol. Tous les musiciens doivent clairement comprendre ce qu'on veut faire et où on veut les emmener, et ce, uniquement grâce au geste. Ils ne doivent pas seulement jouer comme ils l'ont toujours fait, mais jouer comme nous; nous leur indiquons."
Simon Proust, chef d'orchestre français rajoute : "Si on commence à trop parler, d'une part on perd du temps, ensuite on ennuie les musiciens, parce que c'est très très lassant d'avoir quelqu'un qui arrête tout le temps. Donc plus on peut montrer avec nos bras, notre corps, nos yeux, notre visage, plus on gagne du temps et plus les musiciens sont heureux".
À chacun son style
Tempo, mesure, tout est dans la baguette, dans le regard, dans la gestuelle. Mais s'il y a bien quelques techniques universelles, pour le reste, c'est à chacun son style. "Il y a des chefs d'orchestre qui sont tellement engagés dans ce qu'ils font que c'est incroyable, c'est vraiment un show à regarder, confie Paolo Arrivabeni. Il y en a d'autres qui sont imperturbables. Mais ce n'est pas important ce que nous on fait, l'émotion qu'on éprouve, c'est choquant certaines fois, mais il faut que l'émotion passe dans la salle. Il faut que nous, on raconte quelque chose au public."
Pianiste de formation, le chef d'orchestre est capable de distinguer chaque instrument, de déceler la moindre fausse note. Et ce, quel que soit l'orchestre. Car, face aux musiciens, il est seul maître à bord et doit le prouver dès sa montée sur l'estrade.
Mais s'imposer n'est pas tout. Il faut aussi gagner le respect des musiciens et créer avec eux une relation de confiance, la seule façon de tendre vers la perfection de l'exécution. Jorin Jorden, violoncelliste et chef de pupitre de l'orchestre à l'ORW nous explique : "Ça donne moins envie de jouer avec un chef autoritaire. Selon mon expérience, on est plus crispé et on est moins en capacité. Mais il y a aussi une très bonne autorité, ça veut dire être très sûr de ce qu'on fait et ça peut être détendant aussi".
Et cela, tous s'accordent à le dire. Les chefs tyranniques n'ont jamais fait long feu.
