Marine Le Pen : "Taubira joue le rôle d’une assistante sociale, pas d’une ministre"

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Après les attentats de Paris, la présidente du FN réclame l'arrêt total de l'accueil des migrants en France. Elle est l'invitée de Patrick Cohen.

Patrick Cohen : qu’est-ce qui a changé en France depuis vendredi ?

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Marine Le Pen : "Les Français se réarment psychologiquement en récupérant une lucidité sur la situation du pays. Les attentats ont montré que beaucoup de choses qui auraient dû être faites ne l’ont pas été."

Vous avez salué des inflexions dans la politique du Gouvernement. Et vous, avez-vous changé sur certains points ?

"Ce serait bien dommage puisqu’une partie de la classe politique rejoint précisément le Front national. Le problème, c’est que les principes repris du Front national, sont intégrés avec une absence de travail en amont."

Par exemple ?

"Annoncer la déchéance de la double nationalité pour les double nationaux radicaux, c’est une bonne chose, mais c’est oublier qu’on ne peut pas expulser les étrangers à cause de la suppression de la double peine, merci Nicolas Sarkozy, et que surtout, nous n’avons plus de frontières. Expulser quelqu’un quand une frontière n’existe pas, c’est inutile. J’ai l’impression qu’ils transforment l’or en plomb : si on a des bonnes idées mais qu’on ne les intègre pas dans un plan global, on supprime leur efficacité."

Est-ce que c’est efficace expulser les radicaux ou les déchoir de leur nationalité? Il vaut mieux des territoires en prison France ou en liberté au Proche Orient ?

"Qu’ils soient écartés du territoire national, c’est la meilleure solution. Il y a 12.700 personnes qui sont actuellement identifiées pour radicalisation islamiste. [Patrick Cohen fait remarque à Marine Le Pen que ce chiffre est à diviser par deux] dont 6.000 personnes potentiellement très dangereuses. Nous n’avons pas en l’état de surveiller toutes ces personnes. Quelqu’un de dangereux sur notre territoire n’a rien à y faire. La première des choses, c’est retrouver le contrôle de nos frontières."

Votre évolution, notamment sur les libertés individuelles, est-ce que vous maintenez votre opposition à la surveillance d’internet ?

"Parlons de PNR par exemple. [NDLR : le PNR est le fichier commun des passagers aériens, mesure réclamée par tous les services anti—terroristes qui permet la connexion des fichiers et qui permettrait de repérer des terroristes qui font l’aller-retour entre l’Europe et la Syrie] La réalité c’est que c’est demandé par les Etats-Unis. [NDLR : la Russie l’applique aussi]. Il s’agit là de surveiller les voyages de l’intégralité des européens. Ce n’est pas efficace. On constate que les services de renseignements n’avaient pas trop mal fait leur travail depuis Merah, qui n’était pas un loup solitaire, on l’apprend aujourd’hui, jusqu’aux barbares de vendredi, ils étaient tous fichés S. Donc commençons par surveiller ceux qui se baladent au sein de l’Union européenne. Il y a une chaîne de carences et de défaillances inouïes qui ont permis le développement de ces attentats. On apprend qu’une personne mise en examen pour terrorisme a pu partir en Syrie et en revenir."

D’où l’utilité d’un fichier PNR ?

"Lors des derniers attentats, les terroristes n’avaient pas pris l’avion."

Vous en êtes sûre ?

"Ils sont passés par la frontière belge qui n’existe pas. Le fichier PNR consiste à collecter les données de l’ensemble des européens. A chaque fois qu’on est face à un danger terroriste, au lieu e se concentrer sur les gens qui sont dangereuses, on veut surveiller tous les citoyens, ça peut faire l’objet de dérives dangereuses."

Vous êtes toujours pour la liberté totale d’internet ? Contre la fermeture d’internet ?

"La radicalisation spontanée peut arriver, mais c’est ultra-minoritaire. Merah ne s’est pas radicalisés tout seul derrière son écran d’ordinateur. Il y a d’ailleurs un certain nombre de lieux qu’il faudrait détruire immédiatement, les mosquées salafistes or rien n’a été fait ces dernières années, ni sous Sarkozy, ni sous Hollande. L’intérêt d’internet est de repérer ceux qui vont sur ces sites. C’est un choix : tout fermer ou profiter de ces flux d’information pour repérer ceux qui peuvent représenter demain un danger. "

Une auditrice : est-ce que votre opposition farouche à la fermeture des réseaux internet a un lien avec l’utilisation massive du groupuscule d’extrême droite d’internet pour diffuser votre message, votre propagande et vos pensées ?

"C’est très intéressant, votre question : vous êtes en train de suggérer que cette loi de renseignement essaierait de lutter avec des idées contre lesquelles on n’est pas d’accord. Nous avons vu aux Etats-Unis que le Patriot Act a plus servi à la surveillance politique qu’à la lutte anti-terroriste."

Surveiller les dissidents, c’est le soupçon que vous avez ?

"Une des graves inquiétudes citée par Marc Trévidic par exemple, c’est que le gouvernement s’est limité à la seule surveillance numérique. Le renseignement de terrain manque cruellement."

Dans ce contexte vous êtes contre la prolongation de l’Etat d’urgence ?

"Il va être prolongé en supprimant l’article qui vise à surveiller ou censurer la presse et les réseaux d’informations, du coup ça nous va bien. Il faut donner les moyens aux Gouvernement, encore faut-il qu’il en use. Je ne voudrais pas que le Président se contente de lutter contre la peur, je voudrais qu’il lutte contre le danger, pas seulement contre le danger terroriste mais aussi contre le danger idéologiste islamiste."

Vous avez des propositions ?

"Il faudrait commencer par fermer les 100 mosquées salafistes qui sont sur les tablettes du ministère d’Intérieur. Il faudrait aussi fermer une myriade d’associations dont le but est de propager cette idéologie fondamentaliste. On l’a vu dans un certain nombre de clubs de sport récemment."

Pourquoi vouloir fermer les mosquées salafistes et pas les sites internet ?

"Dans les mosquées je n’ai pas de renseignements, sur les sites internet j’en ai."

(Twitter) Est-ce que vous ne craignez pas une meilleure traçabilité des financements des groupuscules mais aussi de leurs financements, et des vôtres, qui pourraient vous gêner ?

"Vous reprenez une question diffamatoire. Dans les mesures que nous proposons, il y a l’interdiction du financement des pays étrangers. Nous réclamons depuis de nombreuses années que la France s’attache à couper les voies de financement de Daech. Un certain nombre de pays se demandent s’ils n’achètent pas du pétrole de Daech sans le savoir. "

Une auditrice : fermer les frontières de la France, c’est votre fonds de commerce, mais pourquoi vous ne parlez pas de fermer les frontières de l’Europe ?

"D’abord je vous rappelle que 95% des pays du monde ont des frontières. Avoir des frontières c’est un acte de souveraineté, décider qui peut venir chez vous, je considère que c’est dans l’ADN du peuple français de pouvoir gérer ses frontières. Il est illusoire de croire qu’on pourra contrôler les frontières européennes. L’Europe est une véritable passoire. Je ne confierai jamais à l’Union européenne le soin de décider qui peut rentrer dans mon pays ou pas. L’Union européenne théorise en disant que des millions de migrants seraient souhaitables."

Patrick Cohen : comment jugez-vous l’action des pouvoirs publics depuis les attentats de vendredi, est-ce que vous demandez la démission du Gouvernement ?

"S’ils avaient un peu d’honneur, un certain nombre aurait présenté leur démission [lesquels ?] Madame Taubira dont le laxisme de la politique pénale est une catastrophe, qui suit Madame Dati, Monsieur Cazeneuve qui explique que prôner le djihad n’est pas un délit."

Patrick Cohen : je crois qu’il s’agissait de l’interdiction d’un livre que faisait l’exégèse du Coran qui faisait l’apologie du djihad. Bernard Cazeneuve n’a jamais dit qu’il fallait prôner le djihad. Vous avez aussi dit avant-hier que Madame Taubira avait dit qu’il fallait comprendre les jeunes qui partent en Syrie…

"Les gens qui nous écoutent se feront un plaisir de vous citer les sources..."

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