Stratégies

Un marché en or pour New Look

Les Canadiens vieillissent. La presbytie rôde. Si bon nombre de gens n’ont pas encore de problèmes de vision, ce n’est qu’une question de temps. Tôt ou tard, la plupart des Canadiens auront besoin de lunettes de lecture.

Cette fatalité fait largement sourire Antoine Amiel, président du Groupe Vision New Look, une entreprise qui regroupe trois grands détaillants de produits d’optique : Lunetterie New Look, Vogue Optical et Greiche & Scaff.

« Un des facteurs déterminants du marché, c’est la démographie », a-t-il lancé lors d’un déjeuner-conférence organisé récemment par le Cercle finance et placement du Québec.

La démographie canadienne est particulièrement intéressante. La population est vieillissante, mais grâce à l’immigration, elle est aussi en croissance.

« J’ai vécu au Japon, j’ai vécu personnellement une situation où la population vieillissait et diminuait, raconte-t-il plus tard à La Presse Affaires. Ça avait un impact pernicieux et douloureux sur les affaires, sur le moral, l’ambition, la capacité à investir. »

Selon lui, le marché le plus favorable au Canada est le Québec.

« Il y a beaucoup plus de sensibilité à la mode ici. »

— Antoine Amiel, président du Groupe Vision New Look

Si les plus vieux représentent un marché intéressant, les plus jeunes ne sont pas non plus à dédaigner, grâce aux nombreuses heures qu’ils passent devant des écrans divers.

L’autre facteur déterminant du marché, c’est sa fragmentation.

« Il y a environ 5000 magasins d’optique au Canada, note M. Amiel. La moitié sont indépendants. »

Cette proportion diminue avec le temps : il y a de plus en plus de femmes en optométrie qui, selon M. Amiel, désirent mieux concilier le travail et la famille. L’idée de posséder leur propre boutique, et de travailler certains soirs de semaine et le samedi, ne les attire pas outre mesure.

New Look a bien l’intention de participer pleinement à la consolidation de l’industrie. Avec l’acquisition de Greiche & Scaff et de Vogue Optical, l’entreprise est maintenant le deuxième groupe en importance au Canada dans le domaine des produits et services d’optique, après LensCrafters. Elle domine tout l’est du pays.

« L’intégration de Greiche & Scaff est très avancée », indique M. Amiel, ouvrant la porte à une nouvelle acquisition d’ici la fin de l’année.

L’entreprise regarde également la possibilité de pénétrer le marché des produits d’audiologie, mais il ne s’agit pas d’un plan à court terme.

« C’est sur notre radar, nous avons effectué plusieurs visites en Europe », déclare M. Amiel.

MARCHÉ COMPÉTITIF

Il reste cependant bien du travail à faire du côté de l’optique. Le marché est compétitif, même si le grand patron de New Look minimise l’importance de deux compétiteurs, les boutiques en ligne et la chirurgie au laser.

« Le marché de la chirurgie réfractive est en chute libre, soutient M. Amiel. Les entreprises de ce secteur ont traité les cas les plus faciles. Il reste les cas difficiles, que les chirurgiens ne veulent pas toucher. »

Quant aux boutiques en ligne, elles sont surtout efficaces pour la vente de lentilles de contact.

« C’est plus difficile d’acheter des lunettes sur internet parce qu’il faut un examen approfondi pour bien ajuster les lunettes, soutient M. Amiel. Il faut que ce soit très précis. »

Ça peut toujours aller pour des prescriptions très faibles, mais pour les problèmes de vision plus sérieux, c’est presque impossible de se fier uniquement aux boutiques en ligne.

« C’est ce qui nous différencie. »

Il entrevoit un modèle hybride, soit un ensemble de boutiques bien réelles et une boutique en ligne. Or, il est plus difficile de créer de vraies boutiques qui ont pignon sur rue que de créer des boutiques sur l’internet.

« Ce sont donc les entreprises qui ont des boutiques réelles qui vont réussir », soutient-il.

DE LONGUES FRÉQUENTATIONS

Antoine Amiel, un Français d’origine, s’y connaît en optique. Pendant une quinzaine d’années, il a occupé des postes importants au sein de Nikon Optical, puis de Nikon-Essilor, une coentreprise établie au Japon qui fabrique les lentilles ophtalmiques Nikon. Il a décidé de réorienter sa carrière du côté de la distribution. « Je voyais qu’il y avait un transfert de marge de la fabrication de lentilles vers la distribution », explique-t-il à La Presse Affaires. Il a jeté son dévolu sur le Canada, et notamment sur le Québec, en raison de sa démographie favorable. « Et dans ce marché le plus favorable, il y avait une compagnie déjà publique, New Look, raconte-t-il. C’est important pour la croissance : ça donne un accès beaucoup plus rapide au financement. C’était le candidat idéal. » M. Amiel et New Look se sont fait la cour pendant un bon moment avant de convoler en justes noces. En mai 2012, Antoine Amiel s’est joint au Groupe Vision New Look en tant que vice-président du conseil d’administration. En mai 2015, il est devenu président de l’entreprise.

NEW LOOK EN CHIFFRES

Lunetterie New Look : 77 succursales au Québec et dans la région d’Ottawa

Greiche & Scaff : 49 succursales au Québec, surtout dans la région de Montréal

Vogue Optical : 67 succursales dans six provinces, surtout dans les provinces de l’Atlantique

Revenus en 2014 : 140,2 millions

Bénéfice net : 7,8 millions

FORCES

• Pour Antoine Amiel, c’est la qualité de la direction et du conseil d’administration qui constitue la principale force de New Look.

• Selon l’analyste Leon Achazarian, de la Financière Banque Nationale, l’acquisition de Greiche & Scaff et de Vogue permet d’augmenter la proportion de produits de plus haute qualité vendus par le Groupe Vision New Look, ce qui devrait contribuer à une plus grande profitabilité.

FAIBLESSES

• L’industrie de l’optique demeure compétitive. Même si Antoine Amiel minimise l’importance des boutiques en ligne et de la chirurgie au laser, il s’agit de concurrents importants.

• En étant une société inscrite en Bourse, New Look doit divulguer beaucoup d’information. Un peu trop au goût de M. Amiel.

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