Le bien-être au travail, la nouvelle quête du Graal ?

Le bien-être au travail, la nouvelle quête du Graal ?

      A l’heure des burn-out, du stress, des suicides professionnels et de l’accroissement du nombre de “bourreaux de travail” il semblerait que la question du bien-être au travail soit au cœur des préoccupations des entreprises et de la société. Cette préoccupation n’est pas nouvelle, bien qu’elle ait été mise en second plan pendant une grande partie de notre modernité, "choisis un travail que tu aimes, et tu n'auras pas à travailler un seul jour de ta vie" aurait dit Confucius en 550 av. JC.

Depuis le début des années 2000, la recherche du bien-être en entreprise s’est traduite par la mise en place de pôles tels que les pôles RSE ayant pour objectif de recentrer l’entreprise sur des valeurs humanistes et d’instaurer de « bonnes » conditions de travail. Ces mutations sont aussi visibles dans les intitulés des postes de travail, nous trouvons par exemple de plus en plus de “Chief Happiness Officer” et les “Chargés de projets“ se multiplient. On cherche alors à responsabiliser l’individu, à le motiver en lui confiant des projets dans lesquels il pourra s’investir. Les relations de travail se sont démocratisées et le management hiérarchique, celui de l’entreprise H décrit par l’économiste japonais Masahiko Aoki, laisse place à une nouvelle forme de gestion: l’entreprise participative.

Nous constatons que l’époque du taylorisme et de l’obsession du rendement ne sont plus tellement de mise aujourd’hui. Les logiques ne sont plus les mêmes et les employeurs ont compris que pour qu’un individu soit efficace il faut réunir les motivations intrinsèques et extrinsèques dont parlent les psychologues Edward Deci et Richard Ryan (1).

 Si les entreprises ont modifié leur comportement envers leurs salariés c’est aussi parce que les nouvelles générations ne fonctionnent plus sur les mêmes logiques que les générations précédentes. Comme le constate Jean Rousselet dans son ouvrage l’Allergie au travail et dès 1974, les jeunes générations post-68 ne mettent plus la priorité sur leur travail mais sur l’épanouissement de soi à travers d’autres activités ou sphères comme les loisirs et la famille. Ainsi selon un article(2) parut sur Le parisien.fr le 2 mai 20151 38% des jeunes de moins de 25 ans pensent que l’ambiance au travail est indispensable et de nombreuses études montrent que les jeunes générations choisissent leurs entreprises en fonction de l’ambiance, des conditions de travail et de l’éventuelle marge de progression en termes d’évolution de carrière. C’est pourquoi les modèles dynamiques et participatifs type start-up ou entreprises de l’économie sociale et solidaire sont prisés par les nouveaux entrants sur le marché du travail.

Par ailleurs la ligne entre vie privée et vie professionnelle est toujours plus floue comme le montre une étude Olféo de 2014 intitulée “la réalité de l’internet au bureau”(3) dans laquelle on apprend que 59% du surf au bureau l’est à des fins personnelles. Jean Rousselet lui proposait déjà de mettre en place de nouvelles formes d’épanouissement, autres que par le travail. Nous avons lié le besoin de s’épanouir et la nécessité de travailler.

Et pourtant si les entreprises affichent volontiers la défense du bien-être des employés nous remarquons que dans la réalité des faits cette apparente bienveillance est motivée par un besoin de productivité et par une recherche d’efficacité. Après tout, cette logique résulte d’un schéma « gagnant-gagnant » en tant qu’individu j’ai besoin de m’épanouir et en tant qu’entreprise désireuse de faire du profit j’ai tout intérêt à satisfaire les besoins de mes employés.

 Malheureusement, lorsque des chiffres sont en jeu, la recherche du bien-être, notre quête du Graal se transforme souvent en option. De plus, la démocratisation du travail a un coût. Les processus de décision sont complexifiés puisque plus d’individus y ont accès, les arbitrages supposent de longues et coûteuses discussions et de larges négociations qui semblent faire perdre du temps. Dès lors que l’on cherche à améliorer le bien-être des employés ce sont les managers de proximité qui se trouvent dans des situations difficiles à gérer. Ils sont alors compressés entre deux types de personnes : les employés qui veulent leur bien-être, être reconnu et motivés et les directions qui veulent éviter de perdre du temps et qui cherchent la performance. 

Les bienfaits du bien-être des employés pour la réussite de l’entreprise ne sont pourtant plus à démontrer mais le message peine à passer. Les entreprises d’aujourd’hui développent plusieurs moyens pour assouvir les besoins en satisfaction de leurs employés qui veulent s’épanouir et s’accomplir sur leur lieu de travail. Pourtant, l’entreprise ne peut parvenir à cet objectif car elle est freinée par des besoins en rentabilité immédiate. Il est grand temps de réagir et de se centrer, aussi dur que cela puisse paraître, sur le bien-être plutôt que sur la rentabilité pour que les employés ne se détournent pas des objectifs de réussite de l’entreprise. Le bien-être se doit d’être une fin et non un moyen, surtout dans une société où chacun cherche à s’extirper du "devoir de travailler" selon l'expression utilisée dans le Préambule de la Constitution de 1946. 

Sonia Molina

http://www.selfdeterminationtheory.org/SDT/documents/2000_RyanDeci_IntExtDefs.pdf 

http://www.leparisien.fr/environnement/entreprises/bien-etre-au-travail-quand-le-business-rejoint-l-humain-02-05-2015-4740651.php

http://www.olfeo.com/sites/olfeo/files/pdf/etude-olfeo-realite-utilisation-internet-2013.pdf

je ne voudrais pas paraître rabat-joie voire réac mais le co fondateur de notre cabinet écrivait dès 1991 de mémoire un ouvrage "Etre heureux au travail" ... Le sujet est donc intemporel, et cela illustre son importance...

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Frédéric BISE

Développeur territorial, chef de projet, entrepreneur social

8y

La RSE est une approche trop centrée sur l'individu et insuffisamment sur les relations humaines dans l'organisation quelque soit sa nature. Les relations c'est la seule nature du collectif. L'organisation scientifique du travail s'éloigne mais prenons garde que le bien être au travail ne soit pas l'arbre qui cache la forêt d'une division du travail encore plus poussée vers l'individu heureux suivant de nouvelles normes établies. Pour concilier mieux être et performance, identité individuelle et collective au travail doivent produire du sens, un des leviers pour avancer dans cette direction c'est la coopération consensuelle.

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Guillaume Hopmann

Business Developper @ Bureaux A Partager

8y

Article intéressant! Le bien-être au travail, est une source future de résultats positifs pour l'entreprise et la société en général.Arriver à recentrer l'humain et la nature en leur accordant la même importance que le profit est un véritable challenge mais c'est de ce fer que seront forgées les entreprises de demain! (En tout cas, je l'espère!)

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Christophe Courtau

Consultant certifié en transition professionnelle/Formateur /Juriste généraliste - MARD

8y

le bien être au travail suppose que l'on fasse un travail "passion" et sans lien de subordination juridique avec son employeur ou son représentant.........bref......utopique.....

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Naziha SAKLI

Directeur de projets Resp TMA/60consulT TeamLeader centre de Gst projets/capacité 30 ingénieurs encadrés et 80 applicat*

8y

En même temps, c'est une excuse et moyen d'exclure une personne de son environnement de travail. Aujourd'hui le DRh l'utilise comme moyen de mettre à porte quelqu'un qui fait correctement son travail. Histoire vraie; la Drh convoque un personne impliquée et lui dit vous faites beaucoup trop d'heure et vous allez cramé de l'intérieur, il faut voir votre médecin et prenez des vacances jusqu'à la fin de l'année. Ne prenez pas votre client. Voilà encore un autre piège, quand on est honnête, on ne voit pas le pige. Bien évidemment la demande est faite oralement. On peut pas imaginer que la DRH est ...... Oui aujourd'hui il faut être méfiant

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