Ils n’avaient plus le choix. Cloués au pilori par l’opinion publique, pointés du doigt par de nombreux responsables politiques et syndicaux et même désavoués par quelques-uns des leurs, comme le PDG de Total, Patrick Pouyanné, les représentants du patronat se devaient de réagir. Répondre à l’avalanche de critiques qui s’est abattue sur eux depuis « l’affaire Ghosn ». En passant outre, fin avril, le vote d’une majorité d’actionnaires à propos de la rémunération de Carlos Ghosn, le PDG de Renault – 7,2 millions d’euros au titre de 2015 –, par ailleurs à la tête du japonais Nissan qui lui verse une somme équivalente, le conseil d’administration du constructeur a suscité gêne et incompréhension jusque dans les rangs du Medef. Pour la première fois dans l’histoire des assemblées générales tricolores, ce n’est plus seulement la rue ou l’exécutif qui conteste le salaire d’un dirigeant, mais les actionnaires, autrement dit les « propriétaires » de l’entreprise.
Certes, cette prérogative, offerte aux assemblées générales françaises depuis deux ans, n’était jusqu’ici que consultative. Mais elle se voulait représentative de la fameuse « démocratie actionnariale », opposée avec constance par le patronat aux contempteurs de l’entre-soi du CAC 40. Plus efficace, plus pragmatique, l’autorégulation constituait un garde-fou suffisant, assurait le patronat. N’avait-elle pas permis, à l’automne 2015, de diminuer de 13,7 à 8 millions d’euros la prime de départ mirobolante de Michel Combes, l’ex-directeur général d’Alcatel-Lucent, après un passage sous les fourches caudines de l’instance de gouvernance patronale ?
L’affaire Ghosn est venue mettre à bas ce bel argumentaire. Et rouvrir en grand la porte au gouvernement pour légiférer sur la question. Face à la menace, le Medef et l’AFEP, l’association qui représente les grandes entreprises privées tricolores, ont annoncé vendredi 20 mai une « révision majeure » de leur code de bonne conduite. Dorénavant, un conseil d’administration confronté à un vote négatif de ses actionnaires sera « contraint de statuer sur les modifications à apporter à la rémunération due ou attribuée au titre de l’exercice clos ou à la politique de rémunération future ».
Le patronat joue sur les mots
Mais le patronat joue sur les mots : tenir compte du vote de l’assemblée générale devient « impératif », pas « contraignant ». En cas de fronde actionnariale, le conseil d’administration de l’entreprise devra faire une contre-proposition « dans un délai raisonnable » – quelques semaines – et rendre celle-ci publique. Portera-t-elle précisément sur le salaire décrié ? Rien ne l’assure. Surtout, le conseil aura toujours le dernier mot, et aucune nouvelle assemblée générale ne devra être convoquée. La différence avec l’ancienne version du code, qui prévalait jusqu’à présent, apparaît ténue. Cette dernière recommandait qu’« en cas d’avis négatif (…) le conseil, sur avis du comité des rémunérations, délibère sur ce sujet lors d’une prochaine séance ».
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