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Colère des salariés d’Areva devant le gâchis industriel

La journée d’action pour la défense de l’emploi, organisée mardi par les syndicats du groupe nucléaire en pleine restructuration, devrait être très suivie.

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Publié le 14 septembre 2015 à 14h39, modifié le 17 septembre 2015 à 07h57

Temps de Lecture 5 min.

Manifestation de salariés de l'usine de La Hague contre les suppressions de postes, le 2 juin.

Il est bien révolu le temps où les dirigeants d’Areva embauchaient à tout-va, persuadés que le secteur nucléaire vivait sa renaissance après l’hiver des années post-Tchernobyl (1986-2000). L’époque pas si lointaine où, avant la cession de ses activités de transmission-distribution d’électricité à Alstom et Schneider Electric en 2010, le groupe comptait plus de 75 000 salariés à travers le monde. D’ici à la fin 2017, une fois le plan de compétitivité mené à bien, il n’en aura plus que 35 000 – et même 20 000 si l’on décompte les employés d’Areva NP, le pôle réacteurs et services qui va passer sous le contrôle d’EDF.

Début mai, soit deux mois après la publication des résultats de l’exercice 2014 (– 4,8 milliards d’euros), le président et le directeur général d’Areva, Philippe Varin et Philippe Knoche, annonçaient en effet la suppression de 5 000 à 6 000 postes dans le monde, dont environ 3 500 en France où se concentrent les deux tiers des effectifs. Après un « accord de méthode » (calendrier, périmètre, moyens donnés aux syndicats…) signé par la CFDT et la CFE-CGC, mais dénoncé par la CGT, FO et l’Unsa-SPAEN), la direction et les organisations syndicales ont engagé les négociations, début juillet, sur la gestion de l’emploi pour 2015-2017.

A la veille du dernier round de discussions prévu les 21 et 22 septembre, les cinq syndicats du groupe ont appelé à une journée d’action, mardi 15 septembre, pour la défense de l’emploi et, plus largement, la sauvegarde des compétences dans une filière nucléaire française en pleine restructuration. Pour cette première mobilisation intersyndicale depuis l’annonce d’un plan social le 7 mai, la direction s’attend à une « participation importante avec des arrêts de travail » dans les usines comme au siège de La Défense, où quelque 2 000 salariés sont attendus, rejoint par des syndicalistes d’EDF, de Total, d’ERDF, de RTE et d’Engie.

1 milliard d’économies d’ici à 2017

Ce sont des sentiments mêlés qui habitent les ingénieurs, les techniciens et les ouvriers d’Areva, ballottés au gré des mauvaises nouvelles depuis cinq ans. Ils sont partagés entre le refus d’un gel des salaires et des suppressions d’emplois, la colère face à un gâchis industriel dont ils ne s’estiment pas responsables, les doutes sur l’intérêt d’une reprise d’Areva NP par EDF et, plus généralement, sur l’avenir d’une filière nucléaire naguère présentée comme une fierté nationale.

Une question revient : Areva recentré comme l’ex-Cogema sur le cycle du combustible est-il viable à long terme ? Nombreux sont ceux qui en doutent, qu’ils soient employés sur les sites d’enrichissement et de fabrication du combustible de la Vallée du Rhône, au sein du centre de traitement-recyclage des déchets de La Hague (Manche), dans les forges du Creusot (Saône-et-Loire) ou à l’usine de fabrication des réacteurs de Châlon-Saint Marcel. En conséquence de quoi, ils réclament d’urgence une recapitalisation, que les dirigeants eux-mêmes évaluent à 3,4 milliards.

Les dirigeants d’Areva le savent. Ils se sont engagés à ce que le plan de compétitivité de 1 milliard d’euros d’économies d’ici à 2017 – dont plus de la moitié sera assurée par une réduction de 15 % à 18 % de la masse salariale – repose exclusivement sur des départs volontaires. « Il n’y aura pas de licenciements », affirment-ils. S’il n’y a pas suffisamment de partants, réplique Jean-Pierre Bachmann, coordinateur CFDT du groupe, le plan « glissera automatiquement vers un plan de sauvegarde de l’emploi ». Sur les 26 000 salariés du groupe en France, entre 17 000 et 18 000 sont concernés dans toutes les activités (mines, combustible, réacteurs, traitement-recyclage…), à l’exception du démantèlement des centrales et de la Chine, nouvelle frontière du nucléaire tricolore.

Jouer sur la mobilité interne

M. Knoche et François Nogué, le directeur des ressources humaines venu de la SNCF, veulent jouer sur la mobilité interne afin de réduire les recrutements qui continuent dans certaines activités pour compenser les départs à la retraite. Ce qui suppose notamment un effort de formation pour que certains ingénieurs et techniciens passent d’une spécialité à une autre. Les départs volontaires devraient aussi être importants vers d’autres sociétés, et la direction table également sur l’activation des aides à la création-reprise d’entreprise.

Enfin, une bonne partie des départs reposera sur des mesures d’âge et des cessations anticipées d’activité. La pyramide des âges s’y prête : 2 900 personnes ont plus de 58 ans, et la direction leur propose notamment une prise en charge de 70 % en moyenne de leur dernier salaire pendant deux ans, escomptant que 1 500 d’entre elles partiront en préretraite, avec le souci qu’elles n’aillent pas pointer à Pôle emploi. Areva est aussi prêt à cofinancer un dispositif de rachat de trimestres jusqu’à douze trimestres, prenant par exemple à sa charge 100 % de la première année et réduisant progressivement sa participation pour les années suivantes. Depuis janvier, 1 100 personnes ont quitté le groupe, dont 600 en France.

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La dimension de ce plan de compétitivité n’est pas seulement économique et sociale, elle touche aux compétences et à la sûreté. Auditionné le 25 juin par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), M. Knoche s’est entendu rappeler que, « en dépit de la restructuration en cours du groupe, toutes les démarches d’amélioration de la sûreté engagées doivent impérativement se poursuivre. » Avec M. Varin, il s’est engagé à tailler le moins possible dans les compétences opérationnelles. Le gendarme du nucléaire y veille.

La restructuration ne doit pas « attaquer les fonctions vitales pour la sûreté », a prévenu son président, Pierre-Franck Chevet, le 12 juin, dans un entretien à l’agence Reuters. Depuis quelques années, l’ASN révèle régulièrement des dysfonctionnements dans plusieurs installations sensibles. Et début 2015, elle a demandé aux ingénieurs d’Areva de refaire totalement les essais sur la cuve du réacteur de troisième génération EPR de Flamanville (Manche), dont le couvercle et le fond présentaient de « sérieuses anomalies ».

« La situation financière actuelle d’Areva peut être considérée comme préoccupante en termes de sûreté, selon M. Chevet. Les situations intermédiaires où les gens s’interrogent sur leur avenir doivent être les plus courtes possibles, y compris pour des enjeux de sûreté. » Ce qui explique que les partenaires sociaux doivent aller assez vite. Mi-février, Areva ouvrira le guichet de départ. La porte sera ouverte sans attendre pour les salariés qui ont retrouvé un emploi au sein du groupe ou dans une autre entreprise.

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