Finales du concours Reine Elisabeth: espoirs déçus

Finaliste très attendu, le jeune Allemand Thomas Reif n’a pas choisi le bon concerto. Mohri sans sourire, mais sereine.

Martine D. Mergeay et Nicolas Blanmont
Finales du concours Reine Elisabeth: espoirs déçus
©BELGA

Finaliste très attendu, le jeune Allemand Thomas Reif n’a pas choisi le bon concerto. Mohri sans sourire, mais sereine.

Le rude combat de Thomas Reif

Finales du concours Reine Elisabeth: espoirs déçus
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Il avait surpris – et conquis – le public en demi-finale avec une pièce pour violon seul d’Esa Pekka-Salonen, et une sonate de Debussy, habitée, parfaitement maîtrisée et plutôt sombre. Dans la périlleuse pièce de Jarrell, Thomas Reif, 23 ans, ouvre le discours avec fougue et autorité, mais dans un tempo assez modéré, et se fondra dans l’orchestre plutôt que de s’en démarquer. La deuxième section, mystérieuse, voire inquiétante, est idéalement servie par le jeu personnel et engagé du finaliste, et la richesse de ses sonorités, menant le jeu diabolique des différentes voix avec finesse, avant une section finale enlevée avec esprit ! (Le seul défaut de cette pièce est d’être trop courte…).

Cet audacieux a paradoxalement choisi le concerto le plus convenu du répertoire avec l’op 35 de Tchaïkovski dont l’orchestre Orchestre National, par une introduction assez lourde et lente, impose un tempo peu confortable, entraînant beaucoup d’instabilité rythmique et, hélas, un manque d’assurance à tous niveaux, y compris de l’intonation. Après le premier développement, l’orchestre lance le canon, comme pour redonner courage au soliste, mais on doute que ça l’aide vraiment… Car l’art de Tobias est tout en finesses et en nuances, dans ce dialogue de sourds, la suite ne sera pas plus assurée, et il faudra compter sur la cadence pour que le jeune homme se reprenne, petit à petit, et opère une nouvelle jonction, cette fois en relative douceur, avec ses bruyants partenaires. Il n’empêche, la question se pose : Tobias a-t-il fait un bon choix ? Tchaïkovski eut beau avoir Mozart comme modèle, ce concerto est athlétique et requiert une puissance, un training, une endurance qui fait défaut à Tobias (quoi qu’on ait pu croire, après le deuxième tour). La Canzonetta rappelle le pouvoir mélodique du musicien mais trahit aussi un manque flagrant de projection sonore, et le dialogue avec les bois (qui, pour le coup, s’efforcent de le soutenir) souligne encore cette faille. Nulle surprise à ce que le trépidant allegro soit le terrain de nouveaux malheurs, tant dans les échanges avec l’orchestre – aussi déphasé que possible - que dans les passages solistes plus exposés, où la perte de contrôle est perceptible, sans compter quelques options personnelles discutables. Un si beau musicien pourtant…

Martine D. Mergeay

Mohri sans sourire, mais sereine

Finales du concours Reine Elisabeth: espoirs déçus
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Comme si les soirées étaient subitement devenues trop courtes depuis la suppression des sonates, Marleen De Wouters allonge peu à peu ses présentations. En introduction à la prestation de Fumika Mohri, elle rappelle les statistiques en début de Concours : alors qu’il y avait 34 candidates pour 28 candidats au tirage au sort, elles ne sont plus que quatre, soit un tiers de l’effectif, en finale. Et la première à monter sur scène est cette Japonaise de 21 ans qui, en demi-finale, avait plus impressionné par sa technique souveraine que par une personnalité plutôt renfermée.

C’est que la candidate, pur produit de l’école nippone (c’est dans son pays, et nulle part ailleurs, qu’elle a fait tout son cursus), semble avoir érigé l’impassibilité en règle de savoir-vivre. Elle ne sourit que très exceptionnellement (éventuellement à la fin des morceaux, mais très furtivement), et sa bouche boudeuse lui donnerait presque une allure de léger dédain.

Durant les premières mesures de « …aussi peu que les nuages… », l’imposé de Michael Jarrell, la candidate peine à se faire entendre au-delà de l’orchestre. La prestation est, comme en demi-finale, marquée du sceau d’une grande assurance technique, mais la lecture reste assez littérale et la sonorité manque de panache.

Le concerto de Sibelius sera tout autre. La candidate japonaise s’affirme avec plus d’autorité dès la première cadence, révélant son côté volontaire, mais aussi et surtout un sens de la plénitude sonore et une sérénité qui impressionnent. Plusieurs passages sont absolument splendides d’intelligence et de raffinement. Mais, très vite, le problème de fond apparaît : entre ces îlots de grâce, il manque une architecture globale. Du coup, il n’y a pas vraiment de climax dans l’allegro d’entrée, ni de flamme et de tension dramatique dans un adagio par trop équanime.

Le dernier mouvement confirmera cette frustration : des passages superbement réussis (un peu moins) mais, entre les coups, de grosses chutes de tension, et une fatigue croissante qui se fait sentir. La candidate n’a que peu de contacts avec Marin Alsop, qu’elle observe certes du coin de l’œil mais sans paraître véritablement nouer de liens avec elle. Et la technique perd de sa sûreté, avec notamment une intonation de moins en moins irréprochable.

Nicolas Blanmont

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