La fin de campagne se passe sous tension à Paris. Et Nathalie Kosciusko-Morizet, en retard sur son adversaire socialiste dans les sondages, continue de pilonner Anne Hidalgo. Mardi 11 mars, elle était au Figaro pour évoquer les « frais de bouche ». Quitte à exagérer un peu, voire beaucoup.
Ce qu'elle a dit :
« Mme Hidalgo (…) cumule les rémunérations (…). Elle est première adjointe en charge de l'urbanisme (…) élue dans le 15e (…). Elle est aussi conseillère régionale, elle est payée pour cela. Elle cumule ces deux salaires et une retraite. On a découvert dans les médias qu'elle entendait, si elle est élue, les cumuler avec une indemnité de frais de bouche, où elle a dit : “C'est pas grand-chose, en fait, c'est 2 000 euros par mois”. »
Pourquoi c'est très partial
Les Décodeurs avaient, comme d'autres, pointé le flou relatif d'Anne Hidalgo sur la question de ses rémunérations. Mais Nathalie Kosciusko-Morizet va très loin dans la caricature.
Les « frais de bouche » n'en ont jamais été
Tout d'abord, de quoi parle-t-on ? L'emploi par la candidate UMP du terme « frais de bouche » ne doit rien au hasard : c'est cette expression qui désignait l'un des nombreux scandales financiers qui ont émaillé la mandature de Jacques Chirac à Paris. La mairie avait réglé pour 2,1 millions d'euros de « frais de bouche » du couple Chirac.
Rien de tel ici. On parle bien d'une « indemnité représentative pour frais de mandat » (IFRM), tout à fait légale, traçable et déclarée, qui existe également pour les parlementaires. Il s'agit d'une prime destinée à couvrir les frais (habillement, etc.) liés au mandat.
Elle a été décidée en 2002 par le conseil de Paris et s'applique à tous les maires d'arrondissement et au maire de la capitale. Cette indemnité, qui a été réduite de 20 % en 2009, est désormais de 1 993 euros par mois, comme l'expliquait en 2010 Bertrand Delanoë à La Tribune.
Effectivement, et nous l'avions relevé, on ne peut pas dire que ce n'est « pas grand-chose ». Mais Nathalie Kosciusko-Morizet oublie aussi de préciser que tous les maires d'arrondissement, y compris ceux qui font partie de son équipe de campagne, touchent cette somme.
Et, surtout, elle semble avoir également oublié qu'en tant que députée elle touche elle aussi une IRFM, ou « frais de bouche », pour reprendre son expression. Or ceux-ci sont trois fois plus élevés que ceux du maire de Paris ! L'IRFM des députés se monte en effet à 6 142 euros par mois, soit le triple.
Si elle est élue, Mme Kosciusko-Morizet s'est engagée à supprimer cette IRFM de maire. Mme Hidalgo n'a pas fait une telle promesse. Mais Mme Kosciusko-Morizet ne s'est pas engagée à la supprimer pour les maires d'arrondissement.
La question rhétorique du cumul
Sur le cumul des mandats aussi, Mme Kosciusko-Morizet attaque tous azimuts, quitte à oublier un peu et la loi et la situation, sans parler des propos de son adversaire. La candidate socialiste est effectivement première adjointe et conseillère régionale. Ce qui ne présente pas de problème particulier au regard des lois sur le cumul : ce qui est interdit, c'est de cumuler des fonctions exécutives, par exemple être maire et président de conseil régional.
Nathalie Kosciusko-Morizet accuse Anne Hidalgo de vouloir « cumuler les rémunérations », oubliant ainsi que la candidate socialiste s'est, comme elle, engagée à abandonner ses autres mandats si elle est élue.
Quant à Mme Kosciusko-Morizet, elle ne fut pas toujours une pourfendeuse du cumul : entre 2007 et 2010, elle était à la fois conseillère régionale, maire de Longjumeau, et secrétaire d'Etat au sein du gouvernement.
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