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A quoi ressemblerait une Crimée russe ?

Alors que le Parlement de Crimée a officiellement demandé son rattachement à la Russie, tour d'horizon des questions à régler.

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Publié le 17 mars 2014 à 03h15, modifié le 18 mars 2014 à 07h49

Temps de Lecture 6 min.

Les Criméens fêtent les résultats du référendum, le 16 mars.

Sans surprise, le vote organisé dimanche 16 mars en Crimée s'est soldé par un large plébiscite à 96,6 % d'une demande de rattachement de la péninsule à la Russie. Soixante ans après avoir été cédée par Nikita Khrouchtchev à l'Ukraine, la Crimée a demandé lundi 17 mars son retour sous l'autorité de Moscou.

La requête a été formulée officiellement lundi par le Parlement de Crimée, et sera examinée vendredi 21 mars par la Douma à Moscou. Son vice-président, Sergueï Neverov, cité par l'agence Interfax, a promis une adoption dans un « très proche avenir ». Le transfert d'autorité de la péninsule ne va toutefois pas se faire sans difficulté.

  • Quel statut pour une Crimée russe ?

Sera-t-elle un oblast comme Novgorod ou Kaliningrad ? Un kraï, une autre entité administrative ? Une République, avec un Parlement, une Constitution et un président, comme la Tchétchénie ou l'Ingouchie ?

Nul ne sait encore quel pourrait être le statut juridique d'une Crimée russe. La Fédération de Russie comporte en effet différentes strates administratives, plus ou moins autonomes. La définition du statut juridique de la Crimée sera probablement abordée vendredi lors de l'examen par la Douma de la demande de rattachement de la péninsule à la Fédération de Russie.

  • Qui va reconnaître les nouvelles frontières ?

Hormis Moscou, aucune capitale n'a reconnu le vote de dimanche. Les Etats-Unis et les pays européens ont tous condamné le référendum comme « illégal », « contraire à la Constitution ukrainienne et aux lois internationales » et se dirigeaient vers l'annonce de sanctions ciblées contre des dirigeants russes et ukrainiens prorusses.

Pour autant, il est difficile d'imaginer comment l'Europe et les Etats-Unis pourront s'opposer dans les faits à l'arrimage de la Crimée à Moscou.

Si la Douma entérine vendredi l'annexion de la Crimée, l'Union européenne (UE) envisage de débloquer un troisième train de sanctions, jugées plus dommageables pour la Russie car portant sur les relations économiques et commerciales, mais plusieurs responsables mettent en garde contre les risques de telles sanctions économiques, de nombreux pays européens dépendant très largement des livraisons de gaz russe.

Lire aussi : L'Allemagne hausse le ton à l'égard de la Russie

Un boycott du prochain G8 prévu à Sotchi est également étudié. Moscou de son côté table sur la fin à terme des sanctions, comme ce fut le cas après la guerre de Géorgie en 2008, lui permettant de maintenir la Crimée dans ses frontières.

  • Que vont devenir les Tatars et les Ukrainiens de Crimée ?
Lors d'un rassemblement de Tatars proukrainiens, le 14 mars, dans le village d'Eskisaray en Crimée.

Les Tatars (environ 260 000 habitants, 12 % de la population de Crimée) sont les opposants les plus résolus au retour de la Crimée en Russie.

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Victime de la collectivisation sous Staline, déportée en Asie centrale pendant la seconde guerre mondiale, cette communauté d'origine turco-mongole, installée en Crimée depuis le XIIIe siècle, a dû attendre 1989 avant de pouvoir retourner dans la péninsule.

Beaucoup n'ont toujours pas récupéré les terres qui leur appartenaient et craignent pour leur avenir sous l'autorité de Moscou.

Lire l'enquête : La déchirure des Tatars

Le dirigeant prorusse de Crimée, Sergueï Aksionov, a pourtant essayé de rassurer la minorité. Mardi, le Parlement a adopté une résolution sur la protection des droits des Tatars, leur garantissant une représentation dans les futures autorités et un statut de langue officielle.

Mais le message envoyé par le Parlement de Crimée ne convainc pas les Tatars, dont certains ont vu leur maison taguée d'une croix et qui craignent pour leur sécurité. Ce qui explique pourquoi un grand nombre d'entre eux sont tentés par l'exil.

Quant aux Ukrainiens de Crimée (environ 25 % de la population), un passeport russe leur sera proposé. Ils ne seront pas contraints au départ, mais s'ils refusent la nationalité russe, ils ne pourront plus voter lors des élections.

  • Quid des militaires ukrainiens ?
Un soldat ukrainien à un point de contrôle en Crimée.

Lundi 17 mars, le Parlement de Crimée a néanmoins ordonné la dissolution des unités militaires ukrainiennes. Les soldats ukrainiens devront faire allégeance aux autorités criméennes prorusses, sinon ils seront considérés comme faisant partie d'une « formation armée illégale », a mis en garde le nouvel homme fort de Crimée, Sergueï Aksionov

  • La Crimée, future région parmi les plus pauvres de Russie

Avec un salaire moyen de 250 euros, la péninsule figure parmi les plus pauvres de toutes les régions russes et beaucoup d'analystes s'attendent à un afflux migratoire vers les zones plus aisées de Russie.

La Crimée va abandonner la hryvnia, la monnaie ukrainienne, pour adopter le rouble, la monnaie russe. Selon une mesure votée lundi au Parlement de Crimée, la devise ukrainienne pourra toutefois être utilisée jusqu'au 1er janvier 2016. Les banques locales semblaient déjà avoir anticipé ce mouvement : quelques jours avant le référendum, il était difficile de trouver des devises ukrainiennes dans les distributeurs de Crimée.

La question du système de sécurité sociale sera également centrale. La proportion de retraités dans la péninsule est supérieure de 17 points à celle de la Russie.

Les retraités criméens, eux, espèrent beaucoup de l'annexion : la retraite moyenne mensuelle y est de 195 euros, bien plus élevée que les 107 euros versés en moyenne aux retraités ukrainiens. L'annexion de la Crimée aura un grand coût pour le système de sécurité sociale russe.

La ville de Moscou a par ailleurs promis d'accorder une aide ponctuelle de 5 000 roubles (100 euros) à chaque vétéran de la seconde guerre mondiale.

La foule de Sébastopol fête les résultats du référendum en Crimée, le 16 mars.

Avant la tenue du référendum, plusieurs institutions russes ont rivalisé de propositions financières. Un parlementaire russe a indiqué que les autorités étaient prêtes à soutenir la Crimée à hauteur de plus de 700 millions d'euros. Et lundi, Sergueï Aksionov assurait avoir obtenu une assistance de 295 millions d'euros de la part de la Fédération de Russie.

Des analystes chiffrent à 20 milliards d'euros le coût de l'intégration à moyen terme.

  • De nouvelles infrastructures nécessaires

Moscou devra financer de coûteuses infrastructures dans la péninsule, isolée géographiquement et qui ne partage pas de frontière terrestre avec la Russie.

Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, a signé le 3 mars un décret lançant les travaux de construction d'un pont au niveau de la ville de Kertch, pour un coût estimé de 480 millions d'euros. Mais un tel ouvrage ne sera pas réalisé avant plusieurs années.

L'approvisionnement en énergie et en eau de la péninsule devra également être revu, car actuellement, tous les tuyaux alimentant la Crimée sont principalement approvisionnés par Kiev. 85 % de l'électricité et 82 % des ressources en eau étaient assurées jusqu'à présent par l'Ukraine. En 1954, c'était d'ailleurs pour développer les infrastructures que le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev avait « offert » la Crimée à l'Ukraine. Afin de résoudre ces questions, les nouvelles autorités de Crimée ont voté lundi la nationalisation des infrastructures des compagnies d'énergie ukrainiennes Tchornomornaftohaz et Ukrtransgaz.

Les analystes prévoient que la Russie acheminera son gaz par voie maritime. Sur le plan symbolique, des centrales thermoélectriques installées à Sotchi le temps des Jeux olympiques et paralympiques devraient être transférées en Crimée. Et les Criméens espèrent pouvoir payer moins cher leur essence, le prix du gasoil étant nettement moins élevé en Russie qu'en Ukraine.

  • Des transcriptions de documents en vue

Contrats de mariages, permis de conduire, titres de propriété : sur le plan purement administratif, un grand nombre d'actes officiels devront être réécrits et signés pour être conformes aux dispositions en vigueur en Russie. Les autorités locales de Crimée prévoient de faciliter les démarches en continuant de reconnaître les actes signés jusqu'alors sous l'autorité de Kiev et en simplifiant la transcription des documents dans le droit russe.

  • Changement d'heure

La péninsule changera le 30 mars de fuseau horaire, adoptant l'heure de Moscou, GMT+4, alors qu'elle était fixée jusqu'à présent sur  l'heure de Kiev (GMT+2).

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