©PHOTOPQR/NICE MATIN ; draguignan

Le Maire de Fréjus répète qu'il n'a jamais perdu une élection sur son nom et s'en remet à sa baraka. Ici, le 30 janvier dernier, Elie Brun comparaît devant le tribunal correctionnel de Draguignan pour prise illégale d'intérêt dans l'affaire de la plage de l'Alba.

PHOTOPQR/NICE MATIN

Va-t-il dérailler? Ce vendredi soir, le ­candidat Elie Brun relance sa campagne des municipales à Fréjus par une réunion publique dans son quartier de la Tour-de-Mare. Au micro, il égratigne certains mots, en confond d'autres, malmène la syntaxe et la conjugaison. Laborieux... Soudain, une touche d'humour. Et puis, il donne du "pitchoune" à une enfant assise au premier rang ou interpelle une tête connue dans l'assistance. La verve revient. Sa condamnation en première instance, une semaine plus tôt, pour prise illégale d'intérêt dans l'affaire de la plage de l'Alba, semble l'avoir revigoré. Il tape comme un sourd sur la procureur de la ­République de Draguignan. Dézingue ses "insignifiants" adversaires. Son ex-adjoint Philippe Mougin, soutenu par l'UMP? "Il habite Valescure, pourquoi ne se présente-t-il pas à Saint-Raphaël?" Son ancien directeur de cabinet, Philippe Michel (divers droite)? "Un gentil garçon qui mériterait de prendre une claque." La socialiste Elsa Di Méo et le frontiste David Rachline, "gamin sans formation sinon d'avoir été formaté par le FN", reçoivent aussi des coups de corne. Le public -nombreux- de la salle Marie-Anne-Ruby rit et applaudit. Le lendemain, les partisans du candidat déferleront, sous la pluie, dans la rue Sieyès, pour l'inauguration de sa permanence. Malgré les affaires, malgré l'usure de l'homme et de son système, malgré les banderilles de l'opposition, le taureau Brun n'est pas mort.

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A force d'annonces contradictoires sur ses intentions, il a déboussolé son conseil municipal et ses administrés pendant de longs mois. Pour finir, le maire de Fréjus, 65 ans dont dix-sept passés à l'hôtel de ville de la place Formigé, brigue un nouveau mandat. Son parti, l'UMP, contrôlé ­localement par le puissant député maire de Saint-Raphaël, Georges Ginesta, lui refuse l'investiture. Sa majorité municipale se détricote à cause des dix ralliements à Philippe Mougin. Même le président de l'association des Amis du maire, Daniel Bertrand, soutient le candidat de l'UMP! Elie Brun a tout de même récupéré le fichier des 3300 adhérents de cette ancienne machine de guerre électorale.

Avec trois listes et malgré le renoncement de l'UDI Sophie Parent, la droite fréjusienne se présente ­éclatée comme jamais. FN et PS se frottent les mains. L'ancien fief de François Léotard basculant à gauche, ce serait une petite révolution; à l'extrême droite, un séisme aux répercussions nationales. "Le FN se nourrit du rejet de la politique. A Fréjus, ce sentiment est amplifié par Elie Brun, qui se comporte en petit potentat", condamne Philippe Mougin. L'impétueux édile était connu pour s'occuper de tout et de tous. Ces trois dernières années, affaibli par des ennuis de santé, il a brillé par ses absences. Depuis quand n'a-t-il pas siégé au conseil ­d'agglomération? Et au conseil municipal? Le 20 janvier dernier, il a ­particulièrement choqué les esprits en laissant Francis Tosi (UMP), son brave premier adjoint, présider les ­débats, alors que celui-ci avait perdu son épouse deux jours auparavant.

"Pourquoi s'accrocher au pouvoir?" s'est interrogé, dans Var-Matin, François Léotard, celui qui l'a fait roi. "Brun est sous perfusion, poussé par un clan qui veut continuer à manger dans la gamelle", pense l'opposant Frédéric Roger (ex-NPA). "Il redoute qu'une nouvelle équipe ne trouve des cadavres dans sa gestion de la commune", croit savoir le conseiller FN Sylvain Ferrua. Le maire, ancien marathonien, s'en remet à sa baraka, répète qu'il n'a jamais perdu une élection sur son nom, malgré un sondage Ifop qui ne le crédite que de 17 points au premier tour. De fait, une partie de ses administrés éprouve toujours de l'affection à son égard. Ses apparitions déplacent les foules. "Il conserve des partisans parce qu'il a été un maire clientéliste", analyse Philippe Mougin, qui parle déjà de son ancien patron au passé.

"Je prendrai mes dispositions pour que l'on continue à gérer la ville comme je l'entends"

Quel que soit le verdict des électeurs, Elie Brun ne restera pas à la tête de Fréjus. Il ne s'en cache pas: il cédera la place au cours d'un hypothétique nouveau mandat. Soit la justice confirme en appel et en cassation sa condamnation à ­l'inéligibilité dans l'affaire de l'Alba -dans ce cas, "je prendrai mes dispositions pour que l'on continue à gérer la ville comme je l'entends", prévient-il. Soit, épuisé mentalement et physiquement, il lâchera de lui-même les rênes. Au bénéfice de qui? Son entourage fourmille d'ambitions, dont le dévoué Francis Tosi. "Il n'a pas la carrure", tacle Sylvain Ferrua. La fameuse "Fanfan", l'adjointe à la culture Françoise Cauwel (ex-écologiste), joue aussi des coudes. Ce soir-là, à la Tour-de-Mare, elle claque des bises par ­dizaines. Des photos d'elle défilent sur écran géant. Pour un peu, on croirait que c'est elle la tête de liste! Seule à prendre le micro, avec Brun, elle se dira "Elie-portée" (...) En public, le maire élude: "Je resterai un certain temps... comme disait Coluche!" Mais les ­Fréjusiens ont-ils envie de prolonger le show?

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