«La danse de style français, c'est le dédain de la virtuosité», remarquait avec justesse Louis XIV. Créé en 1669 par le Roi-Soleil, le Ballet de l'Opéra national de Paris est toujours le berceau de la danse classique. Les danseurs de cette prestigieuse institution seront sur la scène du Théâtre Wilfrid-Pelletier à partir de ce soir pour y faire revivre Paquita, un ballet disparu, reconstitué par le chorégraphe Pierre Lacotte.

Paquita n'est pas un ballet classique comme les autres. Les danseurs le surnomment même «Pas qui tuent» tant il demande de l'endurance et du tricotage de bas de jambe.

Un défi comme les aime Brigitte Lefèvre, directrice de la danse du Ballet de l'Opéra de Paris, qui tirera sa révérence à la tête de l'institution dimanche soir après la dernière représentation de Paquita. «La difficulté de Paquita est indéniable de par sa technicité, ses petits pas et la virtuosité qu'il demande. La force est de le faire avec élégance. C'est surtout ça, le style français, et c'est ce qu'a voulu montrer le chorégraphe Pierre Lacotte à travers ce ballet», explique Brigitte Lefèvre.

C'est également ce savoir-faire à la française que Gradimir Pankov a voulu exposer au public montréalais en conviant le ballet de l'Opéra de Paris à se produire à la Place des Arts.

«Je crois que le corps de ballet de l'Opéra est le plus beau du monde. Pour la plupart des danseurs, c'est difficile, car, dans une autre compagnie, ils seraient solistes», confie Brigitte Lefèvre.

Créé en 1846 par Joseph Mazilier à l'Opéra de Paris, Paquita a peu à peu disparu de la scène depuis. Mais ce ballet classique par excellence a été reconstitué en 2001 par Pierre Lacotte.

«Nous sommes les seuls au monde à avoir ce ballet. Personne ne l'a jamais fait!», s'exclame fièrement la directrice de la danse du Ballet de l'Opéra de Paris.

«Pierre a passé des décennies à faire des recherches sur des ballets de la fin du XIXe siècle comme La Sylphide et Coppélia. Je lui ai donc demandé de retrouver des pas absolument formidables de Paquita. Je voulais que la production garde le parfum de cette histoire un peu incompressible qu'on retrouve dans les romans du XIXe siècle, avec la petite fille abandonnée reprise par des gitans, qui retrouve finalement sa famille de la haute société grâce à son pendentif», ajoute la directrice de la danse.

Les adieux à la reine

En poste depuis deux décennies, Brigitte Lefèvre connaît bien la maison qu'elle quittera officiellement dimanche soir pour laisser sa place à Benjamin Millepied. D'abord élève à l'école du Ballet de l'Opéra de Paris dès l'âge de 8 ans, elle a intégré le corps de ballet huit ans plus tard; elle le quittera quelques années plus tard. «Je n'ai jamais voulu être danseuse étoile. Ma mère adorait la danse. J'adorais ma mère, j'ai fait de la danse! Et j'ai beaucoup aimé ça», dit-elle.

Sa toute première visite à Montréal remonte à 1967 alors que le Ballet de l'Opéra de Paris venait aussi pour la première fois au Québec pour présenter le classique Coppélia dans le cadre de l'Exposition universelle. Il aura fallu attendre plus de 50 ans avant que la prestigieuse institution ne soit de retour chez nous.

«On a enfin trouvé un moment pour venir à Montréal et il s'est avéré que c'était aussi celui où je partais!», s'amuse Brigitte Lefèvre qui avait déjà quitté une première fois l'Opéra de Paris en 1972 pour créer sa propre compagnie, Le théâtre du silence.

Elle a ensuite intégré le ministère de la Culture comme inspectrice de la danse en 1985 et est devenue administratrice de l'Opéra Garnier en 1992. Elle a ainsi renoué avec ses premières amours et commencé sa seconde carrière à l'Opéra.

Aujourd'hui, c'est pour elle la fin d'un cycle. Elle quitte pour de bon l'Opéra de Paris pour aller vivre de nouvelles aventures. Elle vient en effet d'être nommée directrice artistique du Festival de Danse de Cannes et signera en 2015 au théâtre la co-mise en scène des Cahiers de Nijinski avec Daniel San Pedro.

«Après tant d'années en poste, je suis passée par différents stades: la décision de partir puis la sensation qu'on va être effacé très vite, c'est un peu comme une séparation amoureuse! On se retrouve ensuite face à soi-même. Je dois maintenant apprendre à vivre sans me faire appeler «Madame la directrice de la danse» », conclut en souriant Brigitte Lefèvre.

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Au Théâtre Wilfrid-Pelletier du 16 au 19 octobre.