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Les banques étrangères bien plus sanctionnées que les américaines

En 2011, les autorités américaines ont infligé une amende de 88,3 millions de dollars à JPMorgan Chase . STAN HONDA/AFP

Brandon Garrett, professeur à l'université de Virginie, a calculé que les sociétés étrangères punies versent des amendes moyennes de 35 millions de dollars, contre 4,7 millions pour les états-uniennes.

Record pulvérisé! À elle seule, l'amende infligée à BNP Paribas est trois fois plus importante que le cumul de celles payées par les six banques déjà sanctionnées pour violation d'embargo américain. Celles infligées aux sociétés américaines pour le même délit sont plus rares, et d'un montant plus faible. Depuis 2009, l'Office of Foreign Assets Control (Ofac), qui veille à l'application des embargos, n'a exigé de fortes sommes que de deux banques américaines: JPMorgan Chase en 2011, pour 88,3 millions de dollars, et American Express en 2013, pour 5,2 millions de dollars.

Dans le même temps, sept banques européennes ont été frappées d'amendes bien plus élevées. Le néerlandais ING a été condamné en 2012 à 619 millions de dollars pour des financements en Iran, Birmanie, Soudan, Libye et Cuba ; en 2009, 536 millions de dollars ont été infligés à Credit Suisse pour services fournis à des clients à Cuba, à la Libye et en Iran.

Même tendance pour les sanctions aux entreprises violant la loi américaine contre la corruption et les pots-de-vin versés à l'étranger. Brandon Garrett, professeur à l'université de Virginie, a calculé que les sociétés étrangères punies versent des amendes moyennes de 35 millions de dollars, contre 4,7 millions pour les américaines. «Même en tenant compte de différences liées à la taille des entreprises, à l'ampleur de la fraude ou à la difficulté de poursuite de sociétés non cotées aux États-Unis, les sanctions sont plus lourdes pour les sociétés étrangères», assure ce juriste.

Cela ne prouve pas une clémence systématique envers les fraudeurs américains. Cette disparité s'explique aussi par la prudence des sociétés américaines, alors que les banques étrangères ont du mal à prendre la mesure du risque juridique encouru aux États-Unis pour des services rendus à l'étranger. «Putains d'Américains, qui êtes-vous pour nous dire et pour dire au reste du monde que nous ne devons pas travailler avec les iraniens?» avait écrit sans tact en 2006 un directeur exécutif de la banque britannique Standard Chartered à son collègue américain. Des années après ce mail, son employeur versait près de 700 millions de dollars d'amende.

BNP Paribas a sans aucun doute sous-estimé le risque des activités de sa filiale à Genève. «Les sociétés étrangères n'ont pas peur des autorités américaines. En outre, elles ont tendance à moins coopérer avec elles lorsqu'elles se font prendre», poursuit Brandon Garrett. Reste qu'il est politiquement moins dangereux pour un procureur de s'attaquer à des sociétés étrangères…

Que BNP Paribas ait continué jusqu'en 2012 de financer des transactions sur le Soudan en dépit d'engagements écrits de sa direction a contribué à gonflé la sanction. Coopération insuffisante et promesses non tenues sont lourdement sanctionnées par la justice américaine.

30 milliards de transactions

Aux yeux des procureurs américains, BNP Paribas n'a pas à se plaindre: le montant de transactions entachées de falsifications pour cacher à la Fed de New York que leur bénéficiaire était dans un pays sous embargo est finalement de 30 milliards de dollars. Ce volume dépasse de très loin celui retenu contre d'autres banques. Les transactions reprochées à ABN Amro n'avaient pas dépassé 3,2 milliards de dollars avant de conduire le géant néerlandais en 2010 à payer 500 millions de dollars d'amendes. L'application simple de la formule d'estimation de l'amende aurait conduit BNP Paribas à payer 16 milliards d'amende, avançait le département de la Justice au début de sa négociation avec le géant européen.

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