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(Article publié le 3 octobre) Alors qu’elle naviguait au nord-ouest de La Réunion, la frégate de surveillance Nivôse a été victime, dans la nuit du 29 au 30 septembre, d’un grave incendie qui s’est déclaré dans les machines. Dans des conditions très difficiles, de nuit, sans lumière et avec des coursives enfumées, l’équipage a combattu le feu, qui a progressé jusqu’au PC propulsion. Privé d’énergie, le Nivôse a reçu l’aide de l’autre frégate de ce type basée à La Réunion qui, par chance, se trouvait dans la même zone. En attendant de rallier son sistership, le Floréal a d’abord dépêché son hélicoptère, chargé d’apporter du matériel d’appoint à l’équipage du Nivôse. Au terme d’un combat exténuant contre l’incendie, les marins sont parvenus, au bout de plusieurs heures précise-t-on à l'état-major de la marine, à maîtriser le sinistre et mettre leur bâtiment en sécurité. Ayant perdu sa capacité de manœuvre, la frégate a d’abord été remorquée par le Floréal, le convoi mettant le cap sur La Réunion. Puis, une fois à proximité de l’île, le Nivôse a été pris en charge par le Bougainville, un remorqueur portuaire de Boluda, qui a ramené le bâtiment jusqu’à la base navale de Port des Galets, où il est arrivé hier matin. Des expertises sont en cours afin de déterminer les causes de l’incendie, l’ampleur des dégâts et donc l’importance des travaux nécessaires à la remise en état de la frégate. 

 

Des sinistres rarissimes

 

Si les départs de feu  - essentiellement dans les machines - ne sont pas rares sur les navires, qu’ils soient civils ou militaires, les moyens de lutte et le professionnalisme des équipages, qui s’entrainent en permanence contre cette menace via de multiples exercices de sécurité, permet d’éviter l’essentiel des sinistres. Cela fait d’ailleurs longtemps qu’une unité de la Marine nationale n’a pas été sérieusement endommagée par un incendie. Selon l’état-major, le dernier grand cas en date est celui du Jean Bart, en septembre 2003. Fraîchement sortie d’un arrêt technique majeur, la frégate antiaérienne, lors de ses essais, avait été victime d’un feu dans les machines, les réparations nécessitant plusieurs mois d’immobilisation.

 

Une flotte restreinte et vieillissante

 

Concernant le Nivôse, on ne sait pas encore combien de temps la frégate restera clouée à quai et, si les réparations nécessitent un passage en cale sèche, quel chantier pourra l'accueillir. Le bâtiment restera immobilisé un certain temps, alors que le coût de la remise en état pourrait être important.

Le fait que cette frégate soit hors service pour un bon moment est, en tous cas, un coup dur pour la Marine nationale qui, en cette période de disette budgétaire, compte précieusement ses passerelles, dont le nombre s’est fortement réduit au cours des dernières années, particulièrement Outre-mer. La Réunion est d’ailleurs l’une des zones où l’état de la flotte est le plus préoccupant. Sans préjuger des causes et circonstances du sinistre qui vient de se produire, il n’est pas inutile de mettre en lumière le caractère vieillissant des unités basées dans cette partie de l’océan Indien.

 

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© EMA

Le Floréal (© : MARINE NATIONALE)

 

Il y a donc les Floréal et Nivôse, entrées en service la même année et qui commencent à souffrir d’une utilisation intensive dans des conditions extrêmes, entre les zones très chaudes du nord de l’océan Indien et les étendues froides et tempétueuses de l’océan austral. Port des Galets abrite également le bâtiment de transport léger La Grandière, qui date de 1987. Malgré le fait qu’il soit en fin de vie, son remplacement n’est toujours pas programmé (les trois B2M commandés à Piriou et DCNS sont destinés à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie et aux Antilles, le contrat comportant toutefois une quatrième unité en option).

 

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© PATRICK SORBY

Le La Grandière à Port des Galets (© : PATRICK SORBY)

 

Et puis il y a le vénérable Albatros, un ancien chalutier transformé en patrouilleur en 1984 et qui atteint l’âge « canonique » de 47 ans. Bien qu’à bout de souffle, ce bâtiment, qui aurait du être désarmé depuis plusieurs années, pourrait bien être encore prolongé faute de budget pour financer son successeur. Quant au patrouilleur Osiris - ancien palangrier saisi en 2003 après avoir été surpris en flagrant délit de pêche illicite -  exploité pour le compte de l’administration des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) afin d’assurer la surveillance des eaux australes et des îles Eparses, son remplacement n’est prévu au mieux qu’en 2016. Au final, l’unité la plus récente de La Réunion est Le Malin, encore un ex-palangrier, lancé en 1997, saisi en 2004 et converti en patrouilleur en 2012 après moult péripéties et problèmes techniques.

 

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© MARINE NATIONALE - LUDOVIC PICARD

L'Albatros (© : MARINE NATIONALE - LUDOVIC PICARD)

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L'Osiris (© : STEPHANE BOMMERT)

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© MICHEL FLOCH

Le Malin (© : MICHEL FLOCH)

 

Une zone maritime immense et stratégique

 

Le tableau est donc loin d’être fameux et les marins basés à La Réunion font avec les moyens du bord pour remplir leurs nombreuses missions, dont certaines revêtent plus que jamais un caractère stratégique. Les opérations vont du nord de l’océan Indien, pour protéger le trafic commercial de la piraterie et du terrorisme notamment, jusqu’à l’océan Austral, où il faut faire respecter la souveraineté française autour des archipels de Kerguelen, de Crozet et de Saint-Paul et Amsterdam. Des territoires offrant une zone économique exclusive aussi immense que convoitée pour ses ressources, notamment halieutique. Et la Marine nationale comme l’administration des TAAF doivent également veiller sur les îles Eparses, dont l’énorme ZEE couvre une bonne partie du canal du Mozambique, jusqu’au nord de Madagascar. Là aussi, il y a un écosystème remarquable et un sous-sol marin abritant un potentiel qui s’avèrera peut être crucial à l’avenir, avec par exemple de probables réserves d’hydrocarbures et de gaz. Or, pour protéger son territoire, les richesses qui s’y trouvent et ses intérêts actuels et futurs, la France doit disposer de moyens suffisants, ce qui n’est clairement pas le cas aujourd’hui.

 

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© MARINE NATIONALE - S. DZIOBA

Le Nivôse (© : MARINE NATIONALE - S. DZIOBA)

 

Le Nivôse

 

Pour achever cet article, revenons au Nivôse. Troisième des six frégates de surveillance du type Floréal, ce bâtiment construit aux chantiers de Saint-Nazaire et armé par DCNS à Lorient est entré en service en 1992. Conçu comme ses sisterships pour œuvrer dans les vastes espaces maritimes des territoires français d’Outre-mer, il mesure 93.5 mètres de long et présente un déplacement de 2950 tonnes en charge. Capable d’atteindre la vitesse de 20 nœuds grâce à quatre moteurs diesels MAN-Pielstick, la frégate bénéficie d’une autonomie très importante, soit 10.000 milles à 15 nœuds. L’équipage compte environ 80 marins, auxquels s’ajoute un détachement aéronautique d’une quinzaine de militaires lorsqu’un hélicoptère est à bord. Côté armement, le Nivôse dispose d’une tourelle de 100mm, deux canons de 20mm et des mitrailleuses, la frégate pouvant également mettre en œuvre deux missiles antinavire Exocet MM38.

 

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© MARINE NATIONALE

Le Nivôse (© : MARINE NATIONALE)

 

Après sa livraison à la Marine nationale, le Nivôse a d’abord été basé en Nouvelle Calédonie avant de rejoindre La Réunion en janvier 2001. Depuis bientôt 14 ans, le bâtiment enchaine les missions en océan Indien, du nord où il est depuis 2009 régulièrement engagé dans la lutte contre la piraterie, jusqu’au grand sud, afin de surveiller les TAAF. Un emploi intensif dans des zones éprouvantes pour les hommes et le matériel qui imposera le remplacement des frégates réunionnaises au début des années 2020. Si d’ici là le programme des futurs bâtiments d’intervention et de surveillance maritime (BATSIMAR), dont les premières unités devaient initialement entrer en service en 2011, est bien inscrit à la prochaine loi de programmation militaire (2020 – 2025).  

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