Faut-il actualiser les courbes de croissance des enfants ?

Celles utilisées aujourd'hui dans notre pays remontent à 1979, mais une analyse récente montre que le changement entraînera un certain nombre de problèmes.

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Les chercheurs se demandent comment les médecins réagiront aux nouvelles courbes.
Les chercheurs se demandent comment les médecins réagiront aux nouvelles courbes. © SIPA

Temps de lecture : 3 min

Présentes dans les carnets de santé des enfants, les courbes de croissance permettent aux parents - et au corps médical - de vérifier que le petit "pousse bien". Oui, mais voilà : celles utilisées actuellement en France datent de 1979, elles ont été établies à partir des mesures d'enfants nés dans les années 50... Depuis, les conditions de vie ont changé, elles sont plus favorables. La conséquence est visible : à âge identique, les enfants sont globalement plus grands et plus lourds que leurs ancêtres. D'où l'interrogation des spécialistes : faut-il adopter des courbes de croissance plus récentes ?

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Une équipe de chercheurs (*) menée par Pauline Scherdelet Barbara Heude s'est récemment penchée sur la question, pour aider la Direction générale de la santé à trancher dans le cadre de la prochaine mise à jour du carnet de santé. Afin d'évaluer la pertinence de cette démarche, elle a analysé plus de 82 000 mesures du poids et de la taille de plus de 27 000 enfants nés en France entre 1981 et 2007 et âgés de 0 à 18 ans. Et ces scientifiques ont alors constaté que la corpulence des enfants était beaucoup plus proche des courbes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) que des courbes françaises.

Il faut dire que le travail de l'OMS est récent. C'est en 2006 que cet organisme a proposé de nouvelles normes de croissance de la naissance à 5 ans fondées sur des mesures de poids et de taille d'enfants nés entre 1997 et 2003 et issus de six pays (Brésil, Ghana, Inde, Oman, États-Unis et Norvège). "Ils grandissaient dans un environnement socio-économique favorable et étaient allaités plusieurs mois tel que recommandé par l'OMS", précise le communiqué de l'Inserm, qui ajoute : "Ces courbes ont été complétées par l'OMS jusqu'à l'âge de 19 ans, à partir des mesures d'enfants nord-américains nés dans les années 60-70." Depuis leur publication, elles ont été adoptées par de nombreux pays et elles "constituent désormais les normes en matière de croissance infantile dans des conditions de vie optimales".

Le normal et le pathologique

Fort logiquement, il semble donc normal que les chercheurs plaident pour l'emploi de ces courbes dans notre pays aussi. Mais les choses ne sont pas si simples, car la croissance des enfants français entre la naissance et 6 mois est plus faible que celle des bébés ayant contribué à l'établissement des courbes de l'OMS, sans qu'aucune explication ne soit donnée dans ce travail. Bon nombre de parents pourraient donc s'inquiéter inutilement pendant cette période. De plus, si la taille moyenne est revue à la hausse, les enfants les plus petits seront encore davantage marginalisés. "Les médecins ont conscience que les enfants sont aujourd'hui plus grands qu'il y a 50 ans et savent interpréter les points qui s'éloignent de la moyenne. Mais quels seront leur analyse et leur comportement par rapport à de nouvelles courbes ?" se demande Pauline Scherdelet Barbara Heude dans la revue PloS One.

Changer les normes ne sera donc pas sans conséquence, par exemple en cas de retard de croissance pathologique, lié à un déficit en hormones. "La courbe choisie comme référence doit permettre de détecter précocement ce type de trouble, sans pour autant inquiéter à tort des enfants présentant des variantes non pathologiques de la croissance", préviennent les deux auteurs.

Autre point délicat, celui des courbes d'indice de masse corporelle permettant d'identifier les enfants en surpoids ou obèses. "Trois définitions peuvent être utilisées actuellement dans notre pays : celle de l'OMS, de la France et de l'International Obesity Task Force (IOTF), qui aboutissent à des taux très variables d'enfants en surpoids ou obèses selon la classe d'âge", précise l'Inserm. Là encore, il faudra faire un choix.

(*) unité 1153 Inserm/Université Paris Descartes, Centre de Recherche Épidémiologie et Statistique, Sorbonne Paris Cité

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Commentaires (3)

  • rmh49

    Que de mots, que de mots !

  • regard

    Du monde et de ses habitants reste donc une spécificité du "génie français" !
    Voilà donc un exemple de plus. Au delà de la réalité que chacun est différent et que les courbes statistiques ne sont que la transcription d'un moyenne arithmétique permettant de se situer, et qu'elles ne sont pas "une norme" qu'il convient de respecter. Mais notre pays est tellement "drogué" aux normes, aux lois et aux principes de précaution que chaque outil, ou toute évolution de celui ci par rapport aux connaissances est considéré comme pouvant être traumatisant.
    Il est urgent de ne rien faire au delà de conserver un passé qui n'est plus d'actualité et qui nous entraine à l'extinction. Tel est la devise de notre peuple, de son président, et des partis politiques.
    J'ai toujours en mémoire la célèbre blague de l'ère soviétique dans laquelle, afin d'améliorer le sort des travailleuses, il avait été décidé d'offrir des soutien gorges à toutes. Après une longue enquête et afin de montrer que l'on savait dépenser au mieux en standardisant selon un plan décidé dans un bureau ministériel, on avait finalement commandé un seul modèle (taille et bonnets) correspondant rigoureusement à la moyenne thoracique des valeureuses travailleuses. ! Je vous laisse imaginer la suite et la surprise des décideurs, offusqués parce que leurs mesures d'intérêt général étaient critiquées par certaines personnes (sans doute de dangereuses penseuses libérale ?)
    Elle est toujours d'actualité... Dans notre pays.

  • regard

    Du monde et de ses habitants reste donc une spécificité du "génie français" !
    Voilà donc un exemple de plus. Au delà de la réalité que chacun est différent et que les courbes statistiques ne sont que la transcription d'un moyenne arithmétique permettant de se situer, et qu'elles ne sont pas "une norme" qu'il convient de respecter. Mais notre pays est tellement "drogué" aux normes, aux lois et aux principes de précaution que chaque outil, ou toute évolution de celui ci par rapport aux connaissances est considéré comme pouvant être traumatisant.
    Il est urgent de ne rien faire au delà de conserver un passé qui n'est plus d'actualité et qui nous entraine à l'extinction. Tel est la devise de notre peuple, de son président, et des partis politiques.
    J'ai toujours en mémoire la célèbre blague de l'ère soviétique dans laquelle, afin d'améliorer le sort des travailleuses, il avait été décidé d'offrir des soutien gorges à toutes. Après une longue enquête et afin de montrer que l'on savait dépenser au mieux en standardisant selon un plan décidé dans un bureau ministériel, on avait finalement commandé un seul modèle (taille et bonnets) correspondant rigoureusement à la moyenne thoracique des valeureuses travailleuses. ! Je vous laisse imaginer la suite et la surprise des décideurs, offusqués parce que leurs mesures d'intérêt général étaient critiquées par certaines personnes (sans doute de dangereuses penseuses libérale ?)
    Elle est toujours d'actualité... Dans notre pays.