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Quand la réalité virtuelle soigne les maladies mentales

Des professionnels de santé se tournent vers cette technologie pour soulager les patients atteints de maladies mentales dont les troubles résistent aux traitements classiques.

Les maladies mentales touchent un Français sur cinq
Les maladies mentales touchent un Français sur cinq (Alexandre Nestora)

Par Les Echos

Publié le 18 nov. 2018 à 09:00

Sentiment de persécution, peur panique des microbes, hallucinations ou addiction aux jeux… Les maladies mentales touchent un Français sur cinq et peuvent conduire au suicide dans les cas les plus extrêmes. Une alternative aux traitements traditionnels s'est déployée au sein des cercles cliniques et académiques : le recours à la réalité virtuelle immersive.

Plébiscitée à la fois par les chercheurs, les psychologues et les psychiatres, la réalité virtuelle immersive constitue un outil d'auto-observation très efficace pour traiter différents troubles mineurs ou majeurs. En faisant se chevaucher réel et virtuel, cette technologie permet en effet aux patients de naviguer d'un univers à l'autre pour mieux faire face à des situations traumatisantes ou anxiogènes.

Des phobies…

Lucia Valmaggia , professeur et directeur de recherche en psychologie et santé mentale digitale à Kings College de Londres, étudie depuis 15 ans les vertus des traitements à base de réalité virtuelle (RV) contre les psychoses : « Cette technologie marche très bien dans le cadre de la technique de l'exposition, où les patients sont soumis à des situations à risques. Répétée, l'opération permettra au patient de développer une résilience en ce qui concerne les phobies, les TOC [troubles obsessionnels compulsifs, NDLR], l'anxiété aiguë, l'addiction ou encore les troubles alimentaires », explique-t-elle.

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Dans le cas d'une phobie de l'avion, le patient est immergé dans une situation ultra-réaliste, reproduisant l'expérience d'un voyageur, depuis l'arrivée à l'aéroport jusqu'à l'atterrissage. La stratégie est la même pour les troubles alimentaires : les patients souffrant de boulimie sont amenés à se promener virtuellement entre les rayons d'une grande surface ou à ouvrir un réfrigérateur rempli de produits « boulimigènes », c'est-à-dire susceptibles de provoquer une crise.

La réalité virtuelle permet également de s'attaquer à l'un des symptômes constitutifs de cette catégorie de maladie : la dysmorphophobie, soit le fait de ne pas se percevoir tel que l'on est. Dans une cabine d'essayage, la patiente voit se superposer sa silhouette à celle qu'elle pense avoir, de manière à souligner les travers de son esprit. « Pour ces maladies, la réalité virtuelle est plus efficace que la thérapie classique, et moins coûteuse, car elle peut être délivrée en moins de sessions », poursuit Lucia Valmaggia.

…à la schizophrénie

, chercheur et psychiatre à l'Institut Philippe-Pinel à Montréal, a développé un projet pilote pour traiter les malades réfractaires à l'hospitalisation, aux médicaments ou à l'électro-convulsivo thérapie… L'objectif : apprendre à ces patients à répondre à leurs hallucinations pour mieux les faire reculer.

« Chez de nombreuses personnes atteintes de schizophrénie, l'hallucination prend la forme d'un démon humanoïde qui les persécute », explique Alexandre Dumais. Epaulé par une myriade de start-up spécialisées dans les nouvelles technologies, le chercheur va reproduire le plus fidèlement possible le démon de ses patients, depuis la couleur de la peau jusqu'au timbre de la voix, pour leur permettre de dialoguer avec lui et de le repousser…

Depuis 2015, le dispositif a été testé avec succès sur une vingtaine de patients, dont Richard Breton, un homme de 52 ans, qui, après seulement une demi-dizaine de séances, observe une amélioration de son état. « Je suis moi-même encore très surpris par l'efficacité de la thérapie, les résultats sont extrêmement prometteurs », se réjouit Alexandre Dumais. « Couplée à une thérapie cognitive et comportementale, elle permet au patient de développer de meilleures stratégies d'adaptation. »

Les prochaines étapes

A ce jour, le hardware est encore très onéreux et, s'il est largement utilisé dans un cadre de recherche clinique, son implémentation ne s'est pas encore généralisée. Du côté des logiciels, des améliorations restent à apporter pour rendre les expériences en réalité virtuelle plus personnalisables. « Car plus le 'sentiment de présence', c'est-à-dire le sentiment d'immersion est fort, plus le traitement sera probant », explique Alexandre Dumais.

A noter que très peu de recherches ont été conduites sur les pathologies comme la dépression ou la bipolarité, dont les symptômes plus diffus sont moins aisément représentables.

Mais au-delà des pathologies cliniques, la réalité virtuelle s'avère très efficace pour traiter l'un des maux de notre époque : le stress. En rendant visible l'activité électrique du corps et de l'esprit, la RV permet d'observer son état mental pour mieux le moduler dans la vie quotidienne.

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Guillaume Victor-Thomas, fondateur d'Open Mind Innovation, raconte : « Nous allons provoquer chez le patient différents états lors desquels les fonctions cognitives seront très sollicitées pour mieux l'exercer à y répondre, en répétant les séances. Dans un contexte 'gamifié' soigneusement conçu avec des chercheurs en neurosciences et des thérapeutes, le sujet sera soumis à des tâches de planification et d'attention partagée, qui sont les plus à même de créer du stress, pouvant générer des réactions de 'fight or flight' dégradant les performances cognitives, et néfastes pour la santé… »

Le « fight or flight », un mécanisme désormais inadapté

Ce type de réaction physiologique (« combat ou fuite ») se caractérise par une activation générale du système nerveux en cas de danger imminent. Il s'agit d'un mécanisme archaïque destiné à évaluer au mieux des situations risquées afin d'optimiser les chances de survie.Mais ce mécanisme présent dans nos cerveaux d'Homo Sapiens n'est plus adapté aux problématiques de notre société actuelle. Activé à mauvais escient, il cause des symptômes de stress physiologiques dangereux très néfaste à long terme pour des organes comme le foie et le cerveau.

Laure Coromines

Cet article a été réalisé par une journaliste de la Street School, dans le cadre d'un partenariat entre l'école de journalisme et « Les Echos ».

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