[Énergies renouvelables] La France doit-elle s’inspirer du modèle allemand?

Limiter le recours aux polluants ? Il faut diversifier nos sources de production d’énergies renouvelables pour atteindre la masse critique nécessaire au passage à un modèle beaucoup plus écologique, estime Kilian Dubost. Directeur des opérations France de l'agrégateur et fournisseur d’énergie natGAS, il décrypte le modèle allemand.

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[Énergies renouvelables] La France doit-elle s’inspirer du modèle allemand?
Une tribune de Kilian Dubost, directeur des opérations France de l'agrégateur et fournisseur d’énergie natGAS.

Tout le monde veut des énergies renouvelables mais pas d’éolienne devant chez soi. Pourtant, si l’on veut espérer s’affranchir un jour des énergies polluantes, il n’y a guère d’alternatives à une évolution de nos sources d’énergie.

En avance dans ce domaine, les Allemands l’ont compris et couvrent leur territoire d’énergies renouvelables. Il importe de tirer parti de leur expérience et de perfectionner ces technologies pour aboutir un jour aux éoliennes futuristes, silencieuses et en forme d’arbres, que les urbanistes ambitieux annoncent pour le monde de demain.

Comprendre le retard du marché français

Depuis plus d’une décennie, l’Allemagne a fait le choix d’investir massivement dans l’énergie renouvelable en diversifiant les sources d’approvisionnement : photovoltaïques, hydrauliques, thermique, biogaz... De son côté, la France s’est longtemps reposée sur sa production nucléaire, c’est pourquoi la société civile est aujourd’hui à l’origine d’un grand nombre de recours juridiques qui retardent les entreprises dans la mise en place de parcs éoliens ou de panneaux solaires.

En Allemagne, au contraire, où ces infrastructures sont présentes depuis des années dans le paysage, elles sont bien mieux acceptées par la population. Les acteurs et agrégateurs* français sont donc moins développés, ce qui explique pourquoi des entreprises allemandes, plus mûres en termes de gestion et de solutions technologiques automatisées, s’implantent sur le marché des renouvelables français, soit en créant une filiale soit en rachetant de petites entreprises locales.

Subventionner et diversifier la production verte

Aujourd’hui, la France est en train de mettre en place le même système de subventions qui a été l’un des piliers du modèle allemand : pour toute nouvelle installation d’énergies renouvelables, dites "vertes", le prix de revente est garanti et supérieur au marché. Pour l’heure, ces énergies vertes ne sont pas encore rentables et restent subventionnées par des taxes sur la consommation d’énergie des industriels et des particuliers — comme le rappellent volontiers les détracteurs du renouvelable. Mais c’est une étape obligée pour atteindre un jour la masse critique** qui rendra les énergies renouvelables autosuffisantes.

Plus il y aura d’investissements, plus la rentabilité et la diversité des technologies de production augmenteront et permettront d’aboutir à un parc capable d’offrir une alternative crédible aux polluants que sont le charbon, le pétrole et le nucléaire.

Changer le comportement des consommateurs

Le problème majeur des renouvelables est qu’elles ne fonctionnent que si la source d’énergie est active — l’éolienne ne tourne pas sans vent — et puisqu’il n’existe pas de moyen économiquement viable de stocker l’électricité, il peut y avoir des périodes de surproduction comme de pénurie. Le basculement vers ces énergies va donc aboutir à un modèle tributaire des éléments, en fonction du vent ou de l’ensoleillement, qui rendra cruciale la diversification des sources de production.

Cette évolution représente une opportunité pour le consommateur, puisqu’elle va donner naissance à un nouveau type de contrats d’énergie, plus fluctuants. Il sera ainsi possible d’optimiser sa consommation d’électricité en fonction des cours du marché de l’énergie, ce qui peut même conduire à un changement des modes de consommation en fonction de l’énergie disponible, sur un modèle d’heures pleines ou creuses. Avec la domotique, on peut imaginer que le consommateur de demain ait une application sur son téléphone qui pilote tous ses appareils électroménagers (chauffe-eau, lave-linge) et les lance automatiquement en fonction des cours de bourse énergétiques.

Au lendemain de la catastrophe de Fukushima, l’Allemagne a décidé de sortir brusquement du nucléaire. Cette décision a permis de développer les énergies renouvelables mais celles-ci ne pouvant encore satisfaire la consommation, l’Allemagne a paradoxalement réhabilité le charbon. En France, à moins de reproduire ce schéma, ce qui n’est guère recommandable, il n’est pas possible d’arrêter immédiatement nos centrales nucléaires ; il vaut mieux se diriger progressivement vers le renouvelable. Grâce à la diversité de son territoire, la France dispose d’un formidable potentiel pour varier les sources d’énergie — le vent des côtes atlantiques pour l’éolien maritime, les vents intérieurs pour l’éolien terrestre,le soleil du midi pour le photovoltaïque — et aboutir à un mix capable de soutenir la consommation énergétique du pays.


*Un intermédiaire entre le producteur et l’acheteur qui rachète les productions d’énergie renouvelable et les revend sur les marchés pour valoriser la production.

**Le moment où la quantité d’énergies renouvelables produites sera suffisamment importante et diversifiée pour se passer du charbon ou du pétrole.
 

Les avis d'experts sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent en rien la rédaction de L'Usine Nouvelle.

A propos de l'auteur:

Kilian Dubost a monté l’activité française de l’entreprise russe Gazprom auprès des PME, avant de rejoindre comme directeur commercial puis directeur des opérations natGAS France, filiale de l'agrégateur et fournisseur d’énergie allemand présent sur les marchés liberalisés européens depuis 2000.

 

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