EXCLUSIF. Quand Sarkozy rencontrait Takieddine

En 2017, entendu par les juges de la CJR, l'ex-président concédait deux rencontres avec Ziad Takieddine. La première par l'intermédiaire de… Philippe Séguin.

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L'ancien président de la République Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour corruption passive et financement illégal de campagne.

L'ancien président de la République Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour corruption passive et financement illégal de campagne.

© ERIC FEFERBERG / POOL / AFP

Temps de lecture : 5 min

C'est un nom qui, dans les affaires Sarkozy-Takieddine, n'avait jamais (ou très peu) été prononcé. Selon nos informations, l'ancien chef de l'État, entendu par la Cour de justice de la République (CJR) en mai 2017 dans le cadre de l'affaire Karachi, a assuré aux juges avoir été présenté à Ziad Takieddine par Philippe Séguin, l'ancien président du RPR décédé en 2010. Interrogé par les juges sur ses relations avec l'intermédiaire en vente d'armes, l'ancien président de la République a juré qu'il n'était pas un de ses proches et a affirmé ne l'avoir vu que « deux fois dans [s]a vie », la première rencontre remontant donc, selon lui, à 2003.

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Devant les juges de la CJR, le chef de l'État ne s'est en revanche pas appesanti sur le deuxième rendez-vous qu'il reconnaît avoir eu avec Takieddine. En 2011, Mediapart s'était bien fait l'écho d'une soirée ayant eu lieu en juin 2002 au domicile parisien de l'intermédiaire, un somptueux appartement de 600 mètres carrés. Philippe Séguin, figure très respectée à droite, faisait partie des convives, tout comme de nombreux responsables politiques de l'époque. Mais le rôle qu'il pourrait avoir joué lors de la première rencontre entre Nicolas Sarkozy et Ziad Takieddine, censée avoir eu lieu un an plus tard, n'a jamais été documenté.


Une rencontre contestée à Tripoli

Contacté, Thierry Herzog, le conseil de Nicolas Sarkozy, n'a pas souhaité commenter. Quant à l'avocate de Ziad Takieddine, Élise Arfi (aucun lien de parenté avec le journaliste de Mediapart, Fabrice Arfi), elle n'a pas connaissance d'un quelconque entregent de Philippe Séguin dans les relations entre l'ancien président de la République et son client. Dans quelles circonstances Nicolas Sarkozy et Ziad Takieddine se sont-ils rencontrés ? L'avocate assure au Point que ces deux derniers ont longtemps été « dans le même environnement » (au moins depuis la campagne d'Édouard Balladur en 1995), sans toutefois pouvoir faire état de rendez-vous précis. Les enquêtes menées simultanément par la justice depuis des années ont a minima montré que Takieddine côtoyait plusieurs proches collaborateurs de Nicolas Sarkozy, dont Thierry Gaubert, son conseiller à la mairie de Neuilly puis au ministère du Budget.

Entendu à plusieurs reprises par les juges entre 2013 et 2016, Ziad Takieddine a quant à lui évoqué, sur procès-verbal, une rencontre à Tripoli le 6 octobre 2005. C'est lors de ce rendez-vous entre Nicolas Sarkozy et l'ancien chef des services de renseignements libyens Abdallah Senoussi, auquel Takieddine dit avoir assisté en partie, qu'aurait été évoquée l'hypothèse d'un financement de la campagne présidentielle par la Libye. Des affirmations que l'ancien chef de l'État a toujours catégoriquement démenties. En novembre 2016, Ziad Takieddine est allé plus loin, affirmant avoir remis personnellement trois valises d'argent à Claude Guéant et à Nicolas Sarkozy, pour un total de cinq millions d'euros. Des versements qui se seraient produits fin 2006-début 2007.


Interrogé par la justice, Abdallah Senoussi, dans un témoignage extrêmement contesté par la défense de l'ancien président, a affirmé avoir « supervisé » ce transfert de cash. Les traces de plusieurs envois d'argent liquide apparaissent également dans le carnet de Choukri Ghanem, ancien Premier ministre de Libye, dont le corps a été retrouvé flottant sur le Danube, le 29 avril 2012. Dans ses notes, versées au dossier d'instruction, l'homme raconte en avril 2007 avoir « déjeuné » avec plusieurs dignitaires libyens, qui lui auraient affirmé avoir envoyé plusieurs millions d'euros au camp Sarkozy.

Une rafale de questions

Mardi et mercredi, Nicolas Sarkozy, placé en garde à vue, a dû répondre à une rafale de questions posées par les policiers. L'ancien président de la République s'est attaché à répondre, point par point, aux accusations portées à son encontre. Il a de nouveau clamé son innocence dans une déclaration faite aux juges d'instruction et rendue publique par Le Figaro. Mis en examen pour corruption passive, financement illicite de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics libyens, l'ex-chef de l'État a assuré qu'aucune « preuve matérielle » ne lui avait été présentée.

Lire aussi « Je vis l'enfer de cette calomnie » : les déclarations de Sarkozy aux juges

Quelle crédibilité donner à Ziad Takieddine qui a « pillé » et touché de l'argent de l'État libyen « à de multiples reprises » ? s'est-il interrogé. Pour Nicolas Sarkozy, l'intermédiaire en vente d'armes est désormais son ennemi numéro un, un homme que l'on ne peut pas croire, un menteur condamné au moins deux fois pour diffamation, tant et si bien que sa parole ne vaudrait plus rien... Nicolas Sarkozy cherche-t-il à décrédibiliser Takieddine pour faire croire, comme le pense Fabrice Arfi, journaliste à Mediapart et principal accusateur de l'ancien chef de l'État, que « le dossier [d'instruction, NDLR] repose uniquement sur [son] témoignage » ? Mystère.

Takieddine, menteur ou menace ?

Reste que Takieddine, qui fluctue régulièrement dans ses déclarations, est une menace pour tous les politiques ayant frayé avec lui ces vingt dernières années. Mis en examen par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République (CJR) dans le cadre de l'enquête ouverte sur Karachi et sur un scandale de rétrocommissions adossées à des ventes d'armes en 1994, François Léotard, l'ancien ministre de la Défense d'Édouard Balladur, a témoigné. Dans un procès-verbal que nous nous sommes procuré et qui était jusqu'ici resté confidentiel, François Léotard assène à propos de l'intermédiaire, renvoyé en correctionnelle dans ce dossier : « Je n'ai entretenu aucun lien d'amitié avec M. Takieddine. Je ne le tutoyais pas. Je ne me suis jamais baigné dans sa piscine [allusion à la célèbre photo de Jean-François Copé en maillot de bain dans la villa de Takieddine, à Antibes, NDLR]. » Quelques secondes plus tard, l'ancien ministre ajoute : « Je suis sûrement une des rares personnes à ne pas avoir reçu d'argent de celui-ci. »

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Commentaires (57)

  • TSLR

    Votre passé n’interesse personne et ne vous donne aucun droit... Allez courage mon gars

  • lorraine 57300

    Ce n'est pas, parce que vous avez combattu en indochine, à une certaine époque, que tout vous est permis aujourd'hui... Certainement, qu'en tant que tel, Sarkozy vous respecterait, peut-être à vous d'en faire autant dans vos commentaires... Cet homme a été président, et, a aussi servi son pays ! (même comme étranger, si vous restez bloqué sur cela... Un hongrois !) il ne mérite en aucun cas votre agressivité et vos dénigrements permanents, bien souvent infondés... Pour l'ensemble des français !
    vous me donnez peur de vieillir.

  • lorraine 57300

    Je ne peux que constater que l'âge aigrit les personnes, alors que cela devrait être l'inverse... La tolérance devrait constante dans la dernière partie de sa vie !
    j'ai beaucoup de peine à vous lire, toujours dans la critique de tout, un moment il faut savoir apprécier d'être là, dans le monde d'aujourd'hui !
    servir en Indochine ? Bravo et cela vous sert à quoi aujourd'hui, si ce n'est d'être intolérant à tout. Toute expérience ne grandit pas l'humain à chaque fois.
    ... Cela est sans leçon... Juste une déception sur la haine permanente de vos commentaires. Vous faire du Sarkozy ne vous rendra pas plus grand