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Reportage

Marseille : les insoumis prennent le pinceau à l’école, la mairie voit rouge

Des parents d’élèves ont ripoliné vendredi une maternelle. La municipalité dénonce une opération de com montée par les soutiens de Jean-Luc Mélenchon.
par Stéphanie Harounyan, Correspondante à Marseille
publié le 20 juillet 2018 à 20h26

Tiens, un cadenas a été posé sur le portail d'entrée dans la nuit. Autre nouveauté, la chaussée face à l'école municipale marseillaise a été creusée dans la nuit, en vue de travaux d'électricité, explique l'ouvrier au volant du tractopelle. Cerise sur le gâteau : mercredi, dans la journée, des graffeurs, «envoyés par la ville» d'après leurs dires, ont réalisé une fresque sur le mur d'entrée de l'école. On y voit deux enfants, les bras levés et heureux, avec une inscription : «Bienvenue à l'école.» Bienvenue à la maternelle Viste Bousquet, dans le XVe arrondissement de Marseille.

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Depuis quelques jours, l'établissement fait l'objet d'une passe d'armes médiatique entre la ville et un groupe de parents d'élèves soutenus par La France insoumise. Sur ses réseaux, le mouvement politique a relayé un appel lancé par des parents de l'école, dont certains militent dans ses rangs, à entreprendre ce week-end des travaux de remise en état des bâtiments. Une «action citoyenne», décidée pour répondre à une dégradation des locaux - un scandale révélé par Libération le 2 février 2016 - que la mairie tarde à prendre en compte.

Chantier

Ce vendredi, le camion transportant les matériaux vient d'arriver et la quinzaine de bénévoles déjà sur place a revêtu sa tenue de chantier. Puisque le portail, jusqu'alors ouvert aux quatre vents, est désormais cadenassé, il va falloir acheminer les lourds pots de peinture et le reste via les trous béants du grillage. Sébastien Delogu, parent d'élèves et militant actif de La France insoumise, joue les chefs de chantier. «La priorité, c'est la peinture des façades pour enlever les tags, la réfection du jardin laissé à l'abandon et du stade délabré, et le nettoyage des détritus que l'on trouve un peu partout», détaille le jeune homme, à l'origine de l'initiative.

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Il l'assure : il n'avait pas pensé que l'affaire prendrait «cette ampleur démesurée» quand il a posté en ligne fin juin les images de l'école dégradée, relayées sur les sites de La France insoumise. Fenêtres cassées, grillage troué permettant des intrusions, détritus par terre, murs tagués… Sur le Web, les réactions indignées s'accumulent. Mais c'est lorsque les parents et militants décident de passer à l'action en lançant une collecte de fonds pour réaliser les travaux eux-mêmes, que l'affaire prend une tournure politique.

Pour la municipalité de Marseille, déjà pointée du doigt à plusieurs reprises pour l'état de son parc d'écoles (dont elle a la charge), c'est un affront qu'il s'agit de ne pas laisser passer. Dans un communiqué, la ville, qui assure que de nombreux travaux ont déjà été réalisés dans l'établissement de la Viste et que d'autres sont programmés pour ce mois d'août, rappelle surtout que l'école doit faire l'objet d'une «requalification complète et ambitieuse», dans le cadre du projet de rénovation urbaine du quartier. Et de dénoncer une simple opération de communication politique montée par les soutiens de Mélenchon en vue des municipales de 2020. D'ailleurs, l'avocat de la ville a adressé un courrier au député de Marseille pour lui signifier le «caractère illégal» de cette action, qui constituerait «une intrusion dans l'enceinte d'un établissement d'enseignement scolaire public sans y être habilité». «Je regrette que la seule réponse officielle soit judiciaire», a réagi de son côté le chef des insoumis dans un communiqué, pointant que «l'initiative ne vise en aucun cas à troubler l'ordre public». Il n'y aura finalement pas de policier empêchant l'intervention ce vendredi après-midi, comme l'avaient un temps craint les parents. Les quelques travaux réalisés à la va-vite par la ville font plutôt sourire Sébastien Delogu.

«Graf»

«Ils sont venus, ils ont fait faire un graf, ils ont mis une chaîne au portail et ils sont repartis, raille le parent d'élève et insoumis. La mairie dénonce une opération de communication, mais ce sont des faits réels sur lesquels on s'appuie ! La politique, c'est de s'occuper des citoyens. Je suis d'accord, c'est à eux de faire ces travaux mais ils n'ont pas pris en compte nos demandes. Nous, on a récolté plus de 5 000 euros en ligne et on va faire ce qu'ils auraient dû faire.»

Pour Sophie Camard, la suppléante de Jean-Luc Mélenchon à l'Assemblée nationale, elle aussi en action ce vendredi, si action politique il y a, «c'est dans le sens noble du terme» : «En faisant cela, on interpelle aussi les politiques pour déclencher les gros travaux, explique-t-elle. Depuis le début, on dit que l'on ne veut pas se substituer à l'action politique. C'est surtout un moyen de montrer qu'avec peu de moyens, on peut faire des choses.» Si le chantier se déroule comme prévu, les travaux d'embellissement devraient être achevés samedi soir, où tout se terminera par un barbecue avec, en prime, la visite du député Mélenchon pour soutenir les troupes.

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