Politique

Lois controversées : le pouvoir se projette déjà dans l’après-12 décembre

D’aucuns ne s’expliquent pas l’empressement du gouvernement à réviser la loi sur les hydrocarbures, qui plus est dans un contexte politique tendu et à seulement quelques semaines de l’élection, en principe, d’un nouveau chef de l’État.

Par sa teneur et par son timing, le texte adopté ce dimanche 13 octobre en Conseil des ministres a suscité, comme rarement un projet de loi ne l’a fait, une vive polémique et un élan de rejet de la société et des spécialistes.

Ces derniers sont formels, il n’y a point urgence à adopter de nouvelles règles pour l’investissement dans le secteur qui fait vivre le pays. Leur argument est simple mais indémontable : les retombées escomptées, soit l’augmentation de la production, par conséquent des volumes exportés et des recettes, ne surviendront pas avant plusieurs années.

Pour la rue, il s’agit d’un bradage de la richesse nationale au profit des grandes puissances pour obtenir leur « silence » sur les projets internes du pouvoir actuel. « C’est de la corruption », a accusé sans ambages l’universitaire Arezki Ferrad lors de la marche du trente-quatrième vendredi à Alger.

Faisant fi des soupçons et des accusations, le texte est avalisé par le Conseil des ministres au moment même où des milliers de manifestants exigeaient son retrait. Une attitude qui a fait naitre une grosse interrogation : à quelle logique obéit le gouvernement en consentant à aggraver son impopularité et en prenant le risque d’attiser la défiance populaire vis-à-vis de la prochaine présidentielle, déjà largement rejetée ?

Le gouvernement Bedoui semble se faire hara-kiri et ce n’est pas totalement faux. Il se pourrait en effet que les actuels tenants du pouvoir se projettent déjà dans l’après-12 décembre et s’échinent à baliser le terrain pour le futur président de la République en faisant le « sale boulot » à sa place.

Et qui mieux que Noureddine Bedoui, qui n’a rien à perdre en termes de crédit et de popularité et dont la carrière politique est appelée à cesser dans quelques semaines, peut le faire ? Largement rejeté par la classe politique et les manifestants du hirak, l’Exécutif est bien conscient qu’un texte de loi, aussi décrié soit-il, ne l’éloignera pas davantage du paradis.

Tel un malade en fin de vie, Bedoui et son gouvernement se sacrifient pour les autres. Précisément pour le prochain président qui ne pourra se permettre de commencer son mandat par un bras de fer avec la société, soit par une décision qui pourrait être perçue comme un bradage de la richesse et la souveraineté nationales.

La lecture est d’autant plus plausible qu’au vu de la défiance actuelle vis-à-vis du scrutin, on sait que le futur locataire du palais d’el Mouradia sera dans le meilleur des cas mal élu. Qu’il s’appelle Abdelmadjid Tebboune, Ali Benflis ou quelqu’un d’autre, il n’aura à assumer ni la nouvelle mouture de la loi sur les hydrocarbures ni la suppression de la règle 51-49, certes moins impopulaire mais entrant elle aussi dans la case des cadeaux faits au capital étranger.

Le nouveau président aura donc le choix de garder le texte tout en s’en lavant les mains, ou de le réviser, pour le rendre plus ou moins libéral, en ce sens que personne ne pleurera une loi héritée de « l’ancien système ».

Si l’on admet que le souci des tenants actuels du pouvoir est de faire élire un président le 12 décembre, quelle qu’en soit la manière, et de lui laisser une marge pour soigner sa popularité une fois en poste, on peut considérer que le maintien des restrictions actuelles aux libertés entre dans la même stratégie.

La libération des détenus pourrait ainsi être la première décision du nouveau président dans une sorte de réconciliation nationale-bis, un peu comme celle qui avait permis à Bouteflika, il y a vingt ans, de faire oublier le fiasco de son élection tronquée.

Les plus lus