Réconcilier les urbains avec l'agriculture
LE CERCLE - La polémique actuelle concernant les pesticides et les riverains pointe les difficultés de cohabitation entre le monde agricole et les urbains. Dans ce contexte tendu, le phénomène émergent de l’agriculture urbaine constitue une réponse durable pour apaiser ces relations, estiment deux personnalités.
Par Pierre Guez (président de Vitagora)
Sans être massif, le phénomène de l’agriculture urbaine est bien réel. Et pour cause, ses atouts séduisent progressivement maires et citadins. Cette tendance récente répond aujourd’hui à de multiples attentes émanant de publics de plus en plus exigeants et diversifiés socialement.
Des jardins collectifs aux potagers sur les toits, en passant par la culture «indoor» (c’est-à-dire la culture en intérieur), l’agriculture urbaine revêt autant de formes qu’elle a de pratiques. Multifonctionnelle, elle permet de reconnecter les citoyens à la terre, de créer du lien social, d’instaurer des circuits courts, d’engager des démarches circulaires en valorisant les déchets et de redonner vie à des espaces urbains délaissés.
L’expérience de l’agriculture
Les initiatives pour recréer du lien entre agriculteurs et citoyens sont nombreuses. La dernière en date vient d’un collectif d’agriculteurs - Ici la terre - qui a récemment mis en place un numéro vert pour expliquer sans filtre leur métier et transmettre la passion qui les anime. Le projet doit être applaudi et soutenu. Mais l’agriculture urbaine va plus loin en permettant aux citadins de se rapprocher et de faire l’expérience de l’agriculture.
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Par cette pratique, le fait agricole est exploré au sein de la ville même. C’est une opportunité pour le consommateur de mesurer au quotidien la complexité des enjeux agricoles, alimentaires et environnementaux. Avec 70% des Français prêts à changer leurs pratiques alimentaires pour se tourner vers des produits plus responsables, bio, labellisés, locaux et plus rémunérateurs pour le producteur , c’est tout un secteur qui se retrouve interrogé.
Retour à la proximité
Cultiver en ville, c’est cultiver la ville. Aujourd’hui, le paradigme de la transition écologique et du développement durable s’impose dans l’agenda des politiques publiques. L’engouement d’acteurs multiples autour de cette agriculture révèle que la société milite pour un retour à la proximité entre la ville, la nature, l’agriculture et l’alimentation.
La ville a tout à gagner dans le développement de cette activité. Les citadins qui jardinent en ville s’engagent dans la vie de la cité. Au sein des jardins collectifs se développent des dynamiques sociales, pédagogiques et inclusives. Sur le plan technologique, la filière agricole peut également bénéficier des innovations de l’agriculture urbaine. Parce qu’elle doit s’adapter à la ville, à des environnements et des espaces très contraints, cette agriculture a comme intérêt de savoir se fonder sur des ressources et des débouchés locaux. Par le simple fait de continuer à exploiter les produits agricoles malgré les contraintes que le contexte urbain peut engendrer au quotidien, elle participe en plus à l’entretien d’un cadre urbain de qualité.
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Il est nécessaire dorénavant d’encourager politiquement et financièrement l’ensemble de ces projets et de mettre fin à cette fameuse fracture entre la ville et la campagne. Ayons une stratégie de développement économe en ressources et de valorisation des richesses agricoles et naturelles pour nos lieux de vie. Nos villes doivent relever ce défi de la résilience en intégrant l’accueil de la végétation et de la nature au sein et autour de nos habitations.
Louis Vogel (Agir) est président de la communauté d'agglomération de Melun Val-de-Seine.Pierre Guez est président de Vitagora.