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Ascometal, 30 ans de déshérence française.

Les Echos par Anne Feitz

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Depuis sa naissance dans les années 80, le spécialiste des aciers spéciaux a été ballotté d'actionnaire en actionnaire. Aucun n'a su lui offrir un avenir.

Bis repetitae. Quatre entreprises ont déposé lundi une offre de reprise du sidérurgiste Ascometal, après son nouveau dépôt de bilan fin novembre. Aux yeux de beaucoup d'observateurs, ce scénario était écrit d'avance. « Voilà 30 ans que cette entreprise est mal gérée », juge un expert. Ascometal, c'est en effet l'histoire d'une société ballottée depuis des années d'actionnaire en actionnaire, qui n'ont jamais su lui offrir un avenir.

Lourde dette

Née dans les années 80, cette ancienne filiale d'Usinor, spécialisée dans les aciers spéciaux, est rachetée en 1999 par l'italien Lucchini. « Mais celui-ci cherche plutôt à l'affaiblir en transférant sa production de l'autre côté des Alpes, au détriment des sites français », raconte le même expert. Puis le fonds Apollo, qui reprend Ascometal en 2011, leste l'entreprise d'une lourde dette de 300 millions d'euros, au taux prohibitif de 16 %. Résultat, la société subissait une charge d'intérêts de 50 millions d'euros pour un Ebitda qui ne dépassait guère 35 millions ! Pendant ce temps, les investissements qui lui auraient permis de se développer ne sont pas engagés. De nombreux cadres et dirigeants quittent le navire. Jusqu'au premier dépôt de bilan, en 2014. La société, qui était leader des aciers spéciaux dans les années 1980 avec 15 % de part de marché en Europe, est alors devenue la plus faible du secteur.

S'ensuit alors une bataille rocambolesque à la barre du Tribunal de commerce, entre le sidérurgiste brésilien Gerdau et un consortium mené par l'ancien directeur de cabinet d'Eric Besson, Frank Supplisson. Gerdau propose une solution répondant à une certaine logique industrielle mais prévoyant de fermer les sites du Cheylas et de Fos, moyennant plus de 300 suppressions de postes. Celle du haut fonctionnaire présente l'avantage de reprendre la quasi-totalité des 1.900 salariés, et de s'afficher comme française - même si les deux fonds qui l'accompagnent à hauteur de 21 % chacun, DK et Warwick, sont anglo-saxons. Appuyé par Arnaud Montebourg, chantre du patriotisme économique, mais aussi par l'ancien Premier ministre, François Fillon, et l'ex-député UMP, Bernard Carayon, Frank Supplisson l'emporte.

Annus horribilis

« Mais ni les actionnaires ni Supplisson ne connaissent la sidérurgie -le patron est d'ailleurs rapidement écarté des affaires et finit par quitter officiellement la société en octobre 2016 », raconte un bon connaisseur de la société. « Et personne n'a le financement pour engager les investissements nécessaires ». L'outil industriel se dégrade, les clients commencent à fuir.

La crise pétrolière finit de précipiter la société dans le rouge. « Or ce secteur représentait une bonne partie de notre marge », indique un représentant syndical. Chute du chiffre d'affaires, du résultat, de la trésorerie : 2016 fait figure d'annus horribilis. Résultat : malgré ses engagements sur l'emploi, Ascometal n'échappe pas à des fermetures d'usines (Le Cheylas, Dunkerque), et l'effectif tombe à 1.350 personnes. Dès le printemps 2017, la direction part en quête d'un repreneur - même si, selon la direction, l'activité est repartie cette année. Ascometal a fini par déposer son bilan à l'automne, faute d'offre satisfaisante.

Par Anne Feitz