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Cerveau et psy

Alzheimer : la piste des bactéries buccales se confirme

Des chercheurs ont découvert dans le cerveau de patients malades d’Alzheimer des protéines toxiques provenant de bactéries pathogènes bucco-dentaires. Des inhibiteurs de ces protéines pourraient être une piste de traitement.

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Des dents saines avec une brosse à dents

L'hygiène buccale est nécessaire dans la prévention d'Alzheimer.

© GARO / Phanie/ AFP

Porphyromonas gingivalis (pg) est le nom latin du nouvel ennemi à abattre dans la bataille contre la maladie d’Alzheimer. C’est une bactérie, associée communément à une pathologie chronique des gencives : la gingivite ou parodontite, inflammation buccale qui détruit la gencive et les os porteurs des dents. Dans une étude internationale menée par Cortexyme, laboratoire pharmaceutique californien spécialiste de la lutte contre Alzheimer, publiée dans Science Advancesil apparaît que cette bactérie libère des protéines toxiques que l’on retrouve dans les cerveaux des patients atteints de la maladie d’Alzheimer : les gingipaïnes.

Ce n’est pas la première fois qu'un lien est établi entre cette bactérie de la bouche et la maladie neurodégénérative qui touche en France 900.000 personnes en moyenne. En octobre 2018, le rôle de Porphyromonas gingivalis faisait déjà l’objet d’un article étonnant. La chercheuse américaine Keiko Watanabe, du College de dentisterie de l'Université de l'Illinois à Chicago (États-Unis) avait alors démontré dans un article publié dans la revue PLOS One que chez une souris chez qui était déclenchée une parondontite chronique par exposition répétée à Porphyromonas gingivalis, on retrouvait des signes de neuropathologies typiques de la maladie d'Alzheimer. C’est-à-dire une neuro-inflammation, une neuro-dégénération, la production de peptide amyloïde béta (peptide qui s'agrège pour former des plaques amyloïdes) et la production de protéine Tau phosphorylée (responsable de la destruction des neurones). De plus Porphyromonas gingivalis avait été détectée dans l'hippocampe - structure cérébrale impliquée dans la mémorisation et touchée précocement dans la maladie d'Alzheimer - des souris malades.

Alzheimer et la santé bucco-dentaire était l'un des sujets de l'émission La Méthode scientifique de France Culture le 15 février 2019, avec notamment comme invités Olivier Lascar, rédacteur en chef du numérique à Sciences et Avenir.

"Les caractéristiques neuropathologiques observées dans cette étude suggèrent fortement que l'infection par un pathogène parodontal chronique de faible grade peut entraîner le développement d'une neuropathologie compatible avec celle de la maladie d'Alzheimer", avaient conclu les auteurs

Des protéines bactériennes buccales dans le cerveau 

Aujourd’hui, dans l’étude internationale, ce sont des cerveaux humains postmortem qui ont fait l’objet de recherche. Des tissus cérébraux issus de biobanques de Nouvelle-Zélande ont révélé la présence dans les neurones des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer de protéines particulières appelées les "gingipaïnes". Et ces gingipaïnes ne sont rien d'autre que les protéines sécrétées par Porphyromonas gingivalis!

Mieux, dans ce même article, les auteurs démontrent qu'une molécule, un inhibiteur de protéase bactérienne, baptisée COR388, développé par Cortexyme, débarrasse le cerveau des souris malades des gingipaïnes. Et ces souris, se rétablissent !

Le laboratoire californien est dans les starting blocs. Il a déjà lancé un essai clinique de phase I qui s'est achevé il y a quelques mois. Le but :  étudier la sécurité d'administrations de COR388 chez l'humain. "Parallèlement à nos travaux de laboratoire, l'inhibiteur a également été testé pour les éventuels effets indésirables sur une cohorte de volontaires en bonne santé, confirme Jan Potempa, chercheur à l'Ecole dentaire de l'Université de Louisville, co-auteur de l'étude. Cet essai de phase 1b s’est terminé avec succès. Cela signifie qu’il n’y a apparemment pas eu d’effets indésirables chez les personnes testées, ce qui indique que le COR388 peut être utilisé sur les humains."

Un médicament déjà à l'étude

Selon Jan Potempa :  "La prochaine étape consistera à tester ses effets sur les fonctions cognitives sur une cohorte de patients souffrant d'Alzheimer (essai de phase II)."  Et si ça marche : " Nous serons à même de penser que les inhibiteurs de la gingipaïne peuvent être utiles pour traiter la colonisation cérébrale à Porphyromonas gingivalis et la neurodégénérescence que provoque la maladie".  

Selon Cortexyme, les essais de phase II puis III (large cohorte) de COR388 seraient lancés auprès de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer légère à modérée, dès 2019.

Pourrait-on lutter contre l'attaque bactérienne en se lavant mieux les dents ? Ce n'est pas aussi simple. 

Un détartrage tous les 6 mois 

"Pour maintenir  le parodonte (les tissus qui soutiennent la dent) en bonne santé, une hygiène buccale régulière (brossage, soie dentaire, bains de bouche etc.) peut ne pas être suffisante, répond en effet Jan Potempa. Quelle que soit la qualité de l'hygiène, les bactéries se développeront à la surface de la dent, sous la ligne gingivale." Chez les individus les plus sensibles, cela peut conduire à une inflammation endommageant le parodonte qui petit à petit va progresser de manière assez silencieuse jusqu'à fragiliser la dent.

"En dehors de l'hygiène buccale régulière, il est très important de faire nettoyer ses dents de manière professionnelle, au moins tous les 6 mois. La procédure appelée détartrage élimine le biofilm bactérien (plaque dentaire) et prévient le développement de l'inflammation, un environnement dans lequel prospère Porphyromonas gingivalis." Nous voilà prévenus. 

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