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Politique

Pourquoi Macron est obligé d’être candidat socialiste, malgré lui

Un sondage TNS SOFRES pour Le Figaro montre que Macron est surtout perçu par les électeurs de gauche comme un candidat socialiste avant tout tandis que son succès dans l’électorat de droite est faible. A lui d’en tirer les leçons en renonçant à son credo ni gauche, ni droite

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L'ancien ministre de l'Economie Emmanuel Macron, le 30 août 2016 à Paris

Un sondage TNS SOFRES pour Le Figaro montre que Macron est surtout perçu par les électeurs de gauche comme un candidat socialiste.

(c) Afp

"Miroir aux alouettes", "Ça ne marchera pas", "pouvoir de l'argent", "ceux qui ont échoué avec DSK veulent réussir avec Macron"… Sur RMC ce mercredi matin, François Bayrou n’a pas épargné Emmanuel Macron. Feu sur le quartier social libéral. Logique. A 15% et plus dans les sondages, l’ex-ministre de François Hollande marche sur les éventuelles plates-bandes électorales de François Bayrou, qui serait candidat quand Nicolas Sarkozy aura défait Alain Juppé à la Primaire Les Républicains. Et pas seulement parce qu’Emmanuel Macron pourrait dérober quelques électeurs du centre à François Bayrou, mais aussi et surtout parce qu’il l’empêcherait de s’adresser à un autre électorat, nécessaire à un candidat du centre désireux de devenir central dans une élection en mode tripartite, l’électorat socialiste.

Une foule de commentaires a salué la sortie de l’enquête TNS Sofres Le Figaro, première de la longue série qui nous attend d’ici mai prochain. François Hollande en disgrâce, Macron en état de grâce, la gauche à la ramasse au premier tour de l’élection présidentielle… Aucun n’a vu l’essentiel: contrairement à son positionnement spatial politique revendiqué, Macron n’est pas perçu comme un candidat ni droite, ni gauche transcendant les clivages, mais comme un candidat de la gauche socialiste.

Macron ne dérobe que quelques voix à la droite, mais ce n’est pas le triomphe romain attendu. En revanche, à l’évidence, il est le candidat de substitution que bon nombre d’électeurs socialistes en mal de candidat crédible paraissent attendre. Le fait est, et il est têtu: l’image de François Hollande est à ce point dégradée dans l’électorat socialiste qu’une grande partie de celui-ci en vient à considérer Macron comme la solution de substitution idéale. Et quand Macron n’est pas là, testé par les sondeurs, cet électorat socialiste en mal de Mitterrand disparaît, se disperse, s’évapore, sans que l’on puisse signaler sa trace autrement que de manière résiduelle, à gauche, au centre, à droite ou ailleurs…

Avec Macron, la gauche à 40%

Avec Macron, la gauche passe la barre des 40% des voix cumulées au premier tour. Encore un fait têtu. Sans lui, elle retombe dans les ornières de l’année 2007, aux alentours de 35%...

Ce sondage est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour Emmanuel Macron. Oui, il est bien considéré comme le candidat de substitution au vieux système. Non, il n’est pas celui qui le fera exploser, remplaçant la tradition du Front unique de la gauche, de l’union de la gauche à la gauche plurielle par une alliance au centre plongeant vers la droite. Macron a eu la bonne intuition, mais il n’a pas choisi le bon axe où implanter sa verticalité. Il ne fallait pas piquer au centre, mais au cœur de la gauche socialiste.

On comprend le choix initial de Macron. Confronté à la logique d’appareil qu’impose le Parti socialiste, confronté à une culture militante de plus en plus gauchisante (qui risque de mener le PS post-2017 à un destin semblable à celui du Parti travailliste des années Thatcher ou d’aujourd’hui, avec le vieux gauchiste Corbyn) il lui fallait s’en écarter pour mieux le dépasser. D’où le choix d’imposer une verticalité politique centrale, ni droite, ni gauche, mais les deux en même temps. L’impossible rêve du MRP.

Mais le clivage gauche/droite à la vie dure. Idem pour la logique de l’élection présidentielle inventée par la Ve République. A la fin, même en période de tripartition, le poids de l’histoire de la gauche finit toujours par s’imposer. Macron est perçu par l’électorat de la gauche socialiste comme l’un des siens. C’est ainsi. Macron est de la famille socialiste et radical, un nouveau Giscard, peut-être, mais porteur d’un ADN mendésiste, rocardien, voire mitterrandien…

Pendant "droite de la gauche"

Il y a deux ans, dans un remarquable essai (La Faute politique de Jean-Luc Mélenchon), Julien Dray avait invité Mélenchon à méditer le poids de l’histoire de la gauche. Ceux qui à gauche, entendent briser la logique qui fonde toutes les victoires de la gauche aux élections, le Front uni, la logique d’Union, commettent une faute historique majeure. Les majorités politiques de gauche se construisent sur une identification aux majorités sociales du moment. Cela tient de l’éthique héritée de Jaurès tout autant que de la nécessité Mitterrand: il ne faut pas abandonner les plus démunis en construisant des majorités politiques auxquelles les socialistes participeraient ou domineraient, mais qui impliqueraient de laisser sur le bas-côté de la République ceux-là même que l’on prétend défendre. Et sans les classes populaires, il n’est pas de victoire possible à gauche.

Aujourd’hui, Macron est le pendant "droite de la gauche" de ce que Mélenchon est la "gauche de la gauche". Rongé par la tentation de l’aventure personnelle, enivré par quelques sondages de popularité flatteurs, célébré par la presse people bourgeoise, il ne voit pas ce que lui commande l’histoire.

Avec ce sondage TNS Sofres du jour, Macron est rattrapé par la gauche. Il est patent que sa verticalité du moment, telle que perçue par les électeurs de gauche, n’est pas celle qu’il revendique. Ni droite, ni gauche, et pourtant sommé d’être un candidat de gauche. Et même de la gauche socialiste. Et quand cette même gauche, malgré le bilan Valls qui cause tant de tort au quinquennat Hollande se mesure à plus de 40% dans les sondages lorsque Macron est lui-même candidat, la question du positionnement dans l’espace politique mérite d’être revu et corrigé.

Encore un effort pour être mitterrandien

Macron est au tournant. S’il persiste dans son positionnement décalé par rapport aux attentes des électeurs de la gauche socialiste, s’il continue de s’acharner à poser sa verticalité politique sur l'axe déjà disputé par Bayrou, Morin, Lagarde, et même en partie Juppé, il sera rattrapé par la logique historique du Front uni de la gauche et du Parti socialiste. Aujourd’hui séduits, les électeurs de la gauche socialiste qui se tournent vers lui pourraient s’en détourner, quand ils réaliseront que le candidat de leur rêve n’est pas réalité. Il se pourrait  même, que François Hollande soit candidat ou pas, mais plus encore s’il ne l’est pas, qu’il ne soit pas en mesure d’être candidat au premier tour de l’élection présidentielle, faute de pouvoir recueillir les 500 parrainages d’élus nécessaires. Les sondages sont une chose, le poids des appareils en est une autre. Surtout quand les sondages indiquent que vous menacez des territoires acquis par d’autres familles depuis des décennies.

Il faut bien dire cette vérité qui dérange: qui aujourd’hui, parmi les forces politiques établies, disposant d’un réseau d’élus, serait disposé à faire cadeau à Macron des parrainages? Personne. Voilà bien encore un aspect du problème qui devrait inciter Macron à se muer en candidat de la gauche socialiste, et même en ultime recours d’un Parti socialiste que la défaite annoncée de François Hollande peut précipiter dans un no élu’s land national et local qui l’handicaperait pour de longues années. Macron, sauveur des positions locales menacées du PS, voilà qui serait de nature à attirer des parrainages.

Macron en est là. Contraint et forcé d’être candidat de la gauche socialiste à l’insu de son plein gré. Ce qui suppose deux changements en Macronie politique. D’abord déplacer l’axe de sa verticalité politique, étouffer Hollande, effacer Valls, surplomber le PS, le contraindre à le suivre. Et ensuite changer de communication, délaisser le people à la RSCG qui assure une sympathique popularité au profit d’une réelle transgression politique, clivante et rassembleuse, mais d’abord à gauche, puisque là sont ceux qui espèrent et attendent, de façon à s’assurer un socle électoral solide, à gauche, et tant pis pour les électeurs LR aujourd’hui séduits par Macron mais qui ne voteront jamais pour lui.

A défaut d’être socialiste, il n’y a pas de mal à être candidat socialiste. Macron, encore un effort pour être mitterrandien.

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