Le monde musical a découvert, à l’orée des années 1980, le nom et l’univers singulier d’un jeune compositeur britannique, George Benjamin (né en 1960). Il avait 20 ans, et sa première œuvre symphonique, Ringed by the Flat Horizon (1979-1980), était jouée aux « Proms » de Londres, festival musical annuel, devant plusieurs milliers de personnes.
L’année suivante, une composition pour soprano et orchestre de chambre, A Mind of Winter (1981), dévoilait un univers cristallin, magique, en correspondance avec le poème glacé et mystérieux de Wallace Stevens. Puis le compositeur livrait un troisième chef-d’œuvre, pour orchestre de chambre cette fois, At First Light (1982), inspiré par le tableau de Turner Norham Castle, Sunrise (« Le château de Norham à l’aube »).
Cette pièce, qui est vite devenue l’œuvre de Benjamin la plus jouée dans le monde, restituait par un substrat sonore d’un extrême raffinement – parfois obtenu par des sons inédits, celui d’une balle de ping-pong rebondissant dans un verre ou celui d’un journal déchiré – les liquéfactions de texture et les stridences colorées de la toile. Cette musique était exigeante, écrite avec science et oreille, mais elle avait aussi la capacité de toucher directement par sa beauté sensuellement communicative.
Ecrire pour la voix
Par la suite, celui qu’on considéra vite comme le meilleur compositeur britannique vivant livra des œuvres dont certaines, comme Sudden Time (1989-1993), lui coûtèrent une énergie qui le mit aux portes du désespoir et d’une voie qu’il considéra presque comme sans issue. Mais, en 1995, la sève créatrice revint, et ne lui fit plus défaut.
Pour beaucoup, le grand œuvre est arrivé, en 2012, avec l’opéra Written on Skin, écrit sur un livret du dramaturge britannique Martin Crimp. Saluée de manière unanime et dithyrambique à sa création au Festival d’Aix-en-Provence, qui la lui avait commandée, cette fascinante partition fut donnée partout dans le monde avec le même succès. Surtout, elle occasionna un déclic qu’attendait depuis longtemps Benjamin dans sa manière de mettre les textes en musique et d’écrire pour la voix.
Un grand raffinement
Alors que le musicien s’apprêtait à mettre en chantier un autre opéra – qui devrait être créé au Covent Garden de Londres en mai 2018 –, Martin Crimp demanda un délai pour la finition de son nouveau livret. George Benjamin s’est alors trouvé avec une période de temps libre. C’est de cette vacance qu’est née Dream of the Song (2014-2015), une nouvelle composition vocale pour contre-ténor, petit chœur de femmes et orchestre.
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