L’économie qui s’écrit

Réduire l’empreinte environnementale

Ça fait déjà quelques décennies que des gens de science s’inquiètent des effets néfastes et toxiques de la production industrielle sur l’environnement que nous partageons avec les autres espèces végétales et animales.

Si beaucoup d’initiatives sont prises pour diminuer la pollution et le gaspillage de ressources, faire disparaître le gagne-pain ou la source d’enrichissement de beaucoup de personnes se heurte à une série de résistances tantôt légitimes, tantôt iniques.

Une démarche novatrice, faute d’être encore consensuelle, consiste à tenter de réorganiser tout le cycle de production pour limiter le plus possible l’utilisation de nouvelles ressources dans la production. C’est ce qu’on appelle l’économie circulaire, par opposition à l’économie linéaire actuelle.

Mais de quoi parle-t-on au juste ? Selon l’Institut EDDEC, il s’agit d’un « système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités ».

L’ouvrage collectif L’économie circulaire – Une transition incontournable fait le point à la fois sur la recherche et sur les initiatives qui convergent vers cette nouvelle façon de penser l’économie et la production.

Pour confondre les sceptiques, l’essai présente quelques données alarmantes : au rythme actuel, toutes les mines d’étain seront épuisées dans 25 ans, celles de cuivre suivront 10 ans plus tard. Resteront les stocks extraits qu’il faudra bien récupérer, comme on le fait déjà avec l’or. Les sources des autres métaux non ferreux se tarissent aussi.

Les nouveaux métaux recherchés pour entrer dans la fabrication de haute technologie sont aussi plus rares et concentrés dans une poignée de pays. À elle seule, la Chine contrôle 95 % de la production des terres rares, essentielles au matériel informatique.

De belles tensions internationales en perspective !

Pour les éviter, firmes, gouvernements et collectivités devront travailler de concert pour éviter le gaspillage. Cela passe par la fermeture des cycles de production.

L’essai fait l’état des lieux. Où en sommes-nous avec le compostage, les ateliers de réparation alors que les fabricants privilégient le jetable après échéance de la garantie ?

Où en est la conscience du consommateur pour limiter ses achats et ne pas succomber à l’attrait de la nouveauté quand ses appareils n’ont pas terminé leur vie utile ?

Cela suppose de combattre activement certaines tendances comme le « fast fashion », de favoriser la location au lieu de l’achat.

« Le passage d’une économie de produits à une économie de services est un pas en avant dans la direction de l’économie de fonctionnalité et pourrait changer la donne », affirment Pierre Baptiste et Christian Mascle.

L’enfouissement des déchets doit être compris comme un dernier recours, quand toutes les initiatives de reconditionnement, de réemploi et de recyclage ont été épuisées.

L’ouvrage aborde aussi la dynamique des cycles de production pour dégager des stratégies de circularité.

Cette démarche écarte certains processus comme l’utilisation de pesticides en agriculture qui contaminent les sols et les cours d’eau. On explique aussi comment la circularité peut fonctionner dans l’aéronautique, la foresterie, le textile.

On aborde le bouclage observé dans le réemploi des bouteilles de bière ou celui des cartouches d’imprimantes.

On préconise une utilisation plus judicieuse de la fiscalité pour limiter le gaspillage : taxer davantage l’essence et les déchets, augmenter les redevances minières et forestières.

Toutes ces initiatives visent à découpler la croissance de la production et celle de l’extraction des matières premières et d’accumulation des déchets et rejets sous toutes leurs formes.

Les auteurs chercheurs ne se bercent pas d’illusions ni d’idéalisme : « Pour que les décideurs acceptent de s’engager et de changer leur modèle d’affaires, il faut les convaincre de la valeur ajoutée de l’économie circulaire pour eux », souligne Mélanie McDonald.

Une façon d’y arriver consiste à lier une partie de leur rémunération à la réalisation d’objectifs de circularité.

« L’économie circulaire ne peut pas tout faire, tout voir, tout prévoir. Elle ne pourra réellement être bénéfique pour tous que si ceux qui en sont les promoteurs reconnaissent explicitement ses limites et travaillent avec des approches complémentaires », lit-on dans ce qui paraît une conclusion lucide.

L’économie circulaire – Une transition incontournable.

Sous la direction de Sébastien Sauvé, Daniel Normandin et Mélanie McDonald.

Presses de l’Université de Montréal

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