Longueur d'Ondes N°81

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LAST T

RAIN

N°81 Printemps 2017

gratuit

Møme, AllttA, Lysistrata, Johnny Mafia, Kid Wise, Oh ! Tiger Mountain, La Rumeur, Kid Francescoli, Radio Elvis - Kent, Scylla, Jacobus...


2 Longueur d'ondes N°81


Numéro 81 printemps 2017

Fra n c e - Q u é b e c - B e l g i q u e

Découvertes

Votez rock ???

Lautrec 5 Amour poubelle 6 Gunwood 6 Roseland 7 Therapie taxi 7

Tiens ! En voilà un qui est constant, justement, qui ne trahit pas ses promesses et cherche autant à renouveler son discours que ses têtes. Le type même qui évite les petits arrangements entre amis et a plutôt envie de tailler du costard que d’en recevoir. Voilà surtout un style qui accepte et entretient les différents courants idéologiques, qu’ils trahissent l’histoire ou s’en inspirent. Nul besoin nécessairement de centrisme, de compromis ou de claquer la porte pour filer honteusement en face !

Entrevues Oh! Tiger Mountain 9 AllttA 13 Jacobus / VioleTT Pi 14 35 ans d'LO au Pan Piper 16 Scylla 17 Kid Francescoli 18 Møme 19 Kent - Radio Elvis 20 Kid Wise 22 La Rumeur 24

Car c’est ce qu’il y a de fascinant dans le rock : un auditoire élargi, entre spectateurs d’hier et révolutionnaires d’aujourd’hui, voire un pied dans chaque pays et dont il se nourrit. Mieux ! Il épouse différents moments de la vie, depuis les balbutiements des premières répétitions lycéennes jusque dans les sillons d’un vinyle paternel. Bien sûr, de gros efforts sont encore a mener question parité... Et tous n’ont évidemment pas le monopole cœur ou sont ennemis de la finance… On sait. Mais avouez que, question proportionnelle, le secteur indépendant a quelques leçons à donner, notamment pour son dialogue entre les nations et les générations, mais aussi pour sa dimension revendicatrice ou simplement descriptive d’une époque.

En couv Votez rock 27

On a donc été prendre le pouls de ces nouveaux votants. Ils sont vingtenaires et ont tous tronqué leurs carnets de notes contre une musique valant tous les bulletins.

Last Train

Tôle Froide, Yacht Club 34

Voter rock n’est pas un droit, mais un devoir !

28

Ellah A. Thaun, Johnny Mafia, Lysistrata, The Psychotic Monks, Sida, TH da Freak,

Le rock, une tradition moderne

La rédaction

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Coulisses Dossier

Affluence vs influence

37

Les festivals de musique et les réseaux sociaux

Initiative Sur la route

41

Portrait Suzanne Combo 42

Chroniques Musique 43 Livres 49 Ça gave

Sur la même Longueur d’ondes

22 chemin de Sarcignan 33140 Villenave d’Ornon Des découvertes au quotidien sur

longueurdondes.com (chroniques, vidéos, etc.)

50

Directeur - rédacteur en chef > Serge Beyer | Publicité > Émilie Delaval – marketing@longueurdondes.com, Pierre Sokol – pierre@longueurdondes.com, Julia Escudero – julia@longueurdondes.com Maquette - illustrations > Longueur d'Ondes / Éphémère | Webmasters > Laura Boisset, Marie-Anaïs Guerrier, François Degasne, Marylène Eytier | Ont participé à ce numéro > Patrick Auffret, Olivier Bas, Laura Boisset, Jessica Boucher-Rétif, Bastien Brun, Valentin Chomienne, France De Griessen, Samuel Degasne, Pascal Deslauriers, Julien Deverre, Jean Luc Eluard, Julia Escudero, Marie Fauchart, Régis Gaudin, Marie-Anaïs Guerrier, Pierre-Arnaud Jonard, Aena Léo, Émeline Marceau, Clémence Mesnier, Vincent Michaud, Julien Naït-Bouda, Alexandre Sepré, Serena Sobrero, Jean Thooris, Zit Zitoon Photographes > Patrick Auffret, Sébastien Bance, Maeva Benedittini, Denoual Coatleven, Adrien Combes, Christophe Crénel, Arnaud Da Costa, Marylène Eytier, Guendalina Flamini, Hawaii and Smith, Michel Pinault, Mat Revault, Andy Sabkhi, Richard Schroeder | Couverture > photo : Sébastien Bance, graphisme : Florent Choffel — etsionparlaitdevous.com Impression > MCCgraphics | Dépôt légal > avril 2017 | www.jaimelepapier.fr

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Saint-Laurent-de-Cuves (50) Entre Rennes & Caen

RENAUD - THE KILLS JAIN - MATMATAH MARTIN SOLVEIG - VIANNEY GRAMATIK - DELUXE - LA FEMME MHD - CLAUDIO CAPEO FEDER - ALLTTA [20SYL & MR. J. MEDEIROS] VALD - INNA DE YARD - RADIO ELVIS THOMAS AZIER - ROCKY - BAGARRE THE LIMIÑANAS - THE SKINTS - LAS AVES MARVIN JOUNO - THE TEMPERANCE MOVEMENT THE MYSTERY LIGHTS - LADY WRAY MO’KALAMITY & THE WIZARDS ALOHA ORCHESTRA - SHAKE THE RONIN INTERIEUR NUIT - TEEJAY Billet 1 jour à partir de 38€ - Forfait 2 jours : 71€ Forfait 3 jours : 97€ Tarifs hors frais de location Accès au camping offert avec tous les billets

#P2NPopFestival #P2N17

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DecouvErtes

Lautrec

le juste milieu

L

ors de sa première sortie discographique en 2014, aux côtés du beatmaker Guts, le Parisien avait déjà marqué les esprits avec son rap posé et groovy. Il est de retour avec Hapax, sorti fin février sur le label en pleine expansion Modulor. La galette de treize titres a été élaborée par Yann Kornowicz à la production et aux claviers, ainsi que Dan Amozig à la guitare et à la basse. Un projet très musical avec un flow chantant et une vraie place laissée aux instruments, comme le solo de trompette sur “Misa Criolla”. « Les morceaux partent presque toujours de boucles proposées par

Alexandre Sepré     Arnaud DA COSTA

Yann et sur lesquelles j’écris. Cela donne des pistes pour développer la musique. Dan structure le tout, et je retravaille à nouveau dessus. » Car la force de Lautrec réside aussi dans ses textes. Pas de place pour le superflu : la parole est économe et chaque mot est pesé. « Je me suis longtemps senti coincé entre les défenseurs de la poésie, qui méprisent le rap parce qu’ils veulent protéger l’héritage littéraire français, et ceux qui pensent que la poésie dilue le message. Cette musique est pourtant aujourd’hui bien seule pour véhiculer ce message. » Des allersretours que l’artiste enchaîne aussi physiquement,

se partageant entre la capitale française et Santiago (Chili). « Derrière la cordillère, personne ne vient te chercher. J’aime l’idée de me dissoudre par intervalles, voire que l’on m’oublie lorsque je n’ai rien à dire. » C’est là-bas qu’il a d’ailleurs commencé à rapper une galerie de portraits. « Je ne me retrouve pas dans les discours qui saturent l’espace public en ce moment, même chez les bien-pensants. Dans tous les cas, on finit par oublier les gens. Je trouve qu’il y a plus à trouver dans les histoires personnelles que dans l’étude abstraite des masses... » dfacebook.com/MCLautrec

Hapax / Modulor LONGUEUR D’ONDES N°81 5


Amour poubelle la vie

À

Gunwood

Laura Boisset    Mat Revault

Rennes, l’un des groupes les plus chill du moment a présenté en live son premier album, réalisé en mode Do it yourself. Pour preuve, leur pop lo-fi et la superbe pochette réalisée par Robin (chanteur-compositeur) : « On aime bien les trucs un peu cheap. C’est une volonté de ne pas se prendre la tête. J’ai fait ça sur Paint en 2 minutes ! » Avec Julie au synthé et Mathieu à la guitare, le trio a fait son premier concert en juillet 2016. « J’ai fait une démo avec mon portable », poursuit Robin. « Guitare acoustique, voix et synthés téléchargés en appli. Idem pour les boîtes à rythmes… La basse ? Avec ma guitare. Ensuite, j’ai rencontré Mathieu qui m’a apporté tout le côté technique. Ensemble, on a réenregistré pour que ce soit plus propre. » De la bonne variété en français, faite maison. La simplicité, la fraîcheur et l’authenticité, c’est une recette qui fonctionne assurément. «  Avant, je m’embêtais à écrire des textes avec du sens et une allure intello. Je cherchais

des mots dans le dico... Maintenant, j’écris brut et sincère. Parfois en cinq minutes ! Moins je me prends la tête, mieux c’est. » Sur les scènes rennaises, le trio se sent seul dans l’anglophonie ambiante : « On cherche des groupes qui chantent en français pour faire des soirées pop. Rennes, c’est très garage / rock. Ça me plaît, mais on aimerait proposer un plateau cohérent. » Question pratique : vivre de sa musique pour un tout jeune groupe, est-ce possible ? « On a créé une asso pour faire les choses proprement. Pour l’instant, on arrive à se payer du matos et des répét’, mais on n’en vit pas encore. Peut-être un jour ! » Et sinon, le nom du groupe… Un rapport avec Brigitte Fontaine ? « Vu que 99% des chansons parlent d’amour, je devais mettre ce mot. Et « poubelle » parce que l’amour, ça sent le sapin parfois. J’ai vu seulement après que Brigitte Fontaine avait une chanson du même nom... C’est cool : c’est une bonne coïncidence ! » damourpoubelle.bandcamp.com

amour poubelle / Autoproduit

road movie intime

L

Jean Thooris   Richard Schroeder

e trio parisien s’est d’abord fait la main en 2014, sur un EP autoproduit avec les moyens du bord (Gunwood circle). L’ambiance y tirait déjà vers le folk, mais comme l’explique Gunnar (guitare, voix) : « C’était une première phase de recherche de son et d’arrangements qui collait avec mes comparses ». Au contact du live, le groupe ajoute à son répertoire des racines grunge, blues et même folk irlandais (que l’on entend dans leur premier véritable album Traveling soul). Éclectique, la musique de Gunwood possède néanmoins une ligne directrice, une logique sonore. « On a eu la chance de faire cet enregistrement dans de superbes conditions aux Studios Ferber, grâce à notre collaboration avec Zamora. On a essayé d’être le plus fidèle possible aux compositions, sans trop se perdre dans des effets de prod’ ou à chercher à trop salir le son. » Autre point qui définit les ambiances du disque : son background littéraire. Car si Gunnar est un enfant de Cohen

et Dylan, il entretient un rapport privilégié avec certains écrivains (Herman Hesse, Goethe, Dostoïevski) : « Je suis incapable d’écrire sur commande et, sur le coup, je vois souvent l’écriture comme une peinture abstraite qui colorie mes chansons. C’est ensuite, en essayant d’analyser mes textes, que je me rends compte des écrivains m’ayant influencé ». Chaque titre s’apparente ainsi à un extrait de journal intime, à un périple au gré de l’existence. Logique que l’artiste cite “Heute hier morgen dort” de Hannes Wader en guise de premier émoi artistique : « Un titre très folk américain, mais en allemand. L’artiste parle de voyages et du changement perpétuel de la vie. Ça m’a autant marqué musicalement qu’en termes de poésie. » Traveling soul, comme son nom l’indique, est une œuvre itinérante qui a la bougeotte. Un road movie sans destination fixe qui renvoie aux grandes années cinématographiques du Wim Wenders 80’s. We can’t go home again, indeed. dgunwood.fr

Traveling soul / Zamora label 6 Longueur d'ondes N°81


Decouvertes

Roseland groove cérébral

É

Therapie taxi

Jean Thooris   DR

meline accumule les projets musicaux  : Le A, Génial au Japon (avec Blandine Peis) et aujourd’hui Roseland. Sur son premier EP (Behind the walls), l’électro charnelle pactise avec l’évidence pop, sans néanmoins négliger les racines rock de l’artiste. « Je compose toute seule précise-t-elle. C’est vraiment mon projet le plus personnel. Il me permet d’exprimer mon côté sombre, mélancolique. L’avantage (qui est parfois un inconvénient), c’est que j’ai une liberté totale sur la compo. Je n’ai personne à séduire dans l’instant du processus de création, sinon moi-même, artistiquement parlant. Avec ce projet, je suis dans ma bulle. » Un constant changement d’identité permettant à la musicienne de varier les tonalités : « Parfois, j’hésite à donner telle ou telle chanson à Roseland ou Génial au Japon, mais au fil de la composition, une ambiance, globalement plus sombre ou plus gaie, finit par se dessiner et me permet de choisir si une chanson va aller pour l’un

ou l’autre. Il y a aussi l’aspect logistique qui fait que je ne peux pas toujours offrir un morceau à Génial au Japon, car il ne pourrait pas être transposé en live de manière efficace, car nous sommes un duo. » L’album malaxe ainsi les sonorités 80’s, les triturant avec douceur. L’électronique est ici un point de départ et non une finalité : « Je teste des sons, j’expérimente. J’ai parfois l’impression d’être dans un jeu vidéo où tu peux explorer plein de choses ! » Musique qui s’adresse à la fois au corps et au cerveau, populaire et intime ? « J’ai toujours eu cette envie de faire de la musique un peu « cérébrale » et qui soit en même temps efficace et accrocheuse. Imprimer une singularité, une patte artistique tout en allant à l’essentiel. Ne pas tomber dans la musique de supermarché, mais également refuser la musique trop conceptuelle ou de niche. J’essaye de faire primer la mélodie et dégager une atmosphère à chaque titre.. » droseland.bandcamp.com

Behind the walls / Autoproduit

pop idyllique

D

Pierre-Arnaud Jonard     Guendalina Flamini

epuis le succès de La Femme, la nouvelle vague pop française n’arrête pas de faire émerger de nouveaux groupes. C’est clairement dans cette lignée que se situe le quatuor : « C’est grâce à eux que nous chantons en français. Ils ont montré la voie ». La formation définitive a beau n’avoir que quelques mois d’existence, ces Parisiens ne sont pas loin d’être la nouvelle hype. Le premier EP, de la belle pop ouvragée, vient à peine de sortir, que leur réputation était déjà faite. Il faut dire que leur clip de “Salope” avait affolé le Net au cours des derniers mois. Un récent passage au Quotidien (TMC) de Yann Barthés n’a fait qu’amplifier le phénomène. Le combo ne s’affole pas pour autant : « Prétendre qu’il y a un buzz autour de nous serait exagéré. Depuis notre passage télé, le nombre de visites sur les réseaux sociaux a augmenté, mais on ne va pas se la raconter. Dire que cela démarre bien, oui, mais nous ne sommes pas encore au niveau des groupes de rap où tu as très vite des

dizaines de milliers de vues ». L’engouement vient du fait qu’une grande partie de la jeunesse d’aujourd’hui se reconnaît en eux, notamment dans leurs textes assez crus et collés au réel. « Certains ont dit que nous étions un groupe générationnel. Nous ne le pensons pas et, surtout, n’avons pas cette prétention... » Signé chez Panenka Music, le label indé qui a le vent en poupe (ils ont en catalogue Pogo Car Crash Control, Contrefaçon ou Claude Violante), le groupe posséde déjà un following certain. Leur récent concert complet à la Boule Noire en est la meilleure preuve. Un public fervent qui connait déjà toutes les paroles par cœur. Ancrée dans une réalité métropolitaine, leur vie est ponctuée de soirées. « Nous sortons beaucoup trop ! », avouent-ils, hilares. Le groupe n’a d’ailleurs pas peur des clichés rock, notamment avec leur clip “Crystal Memphis” dans lequel la cocaïne est ultra-présente. Une Therapie pas forcément conseillée à tous. dtherapietaxi.com

Therapie taxi / Panenka Music LONGUEUR D’ONDES N°81 7


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entrEvues

Oh! Tiger Mountain toute une montagne

Mathieu Poulain nous revient en projet solo après une escapade électro réussie au sein de Husbands en compagnie de son alter-ego Kid Francescoli. Avec son nouvel album, le Marseillais montre une nouvelle fois tout son talent de joker de luxe de la pop-glam française.   Pierre-Arnaud Jonard   DR

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entrevues

D

ifficile d’imaginer lorsqu’on écoute toute Cette immense culture fait de lui un maniaque de la luxuriance des productions d’Oh! Tiger la production, une sorte de Brian Wilson marseilMountain que le jeune homme crée dans un lais : « Je suis un obsessionnel, genre bibliothécaire, petit studio fait de bric et de broc en haut de la mais je n’ai malheureusement pas l’ambition de Canebière. Un lieu incroyable, dans une petite rue mes moyens. Je suis très attaché au songwriting. de Marseille, qu’il serait impossible de trouver si La musique que j’aime est celle des outsiders pop, l’on ne connaissait pas l’adresse. Quand Mathieu de Phil Spector à Richard Hell. Le dernier groupe vous reçoit, il ouvre une petite porte minuscule moderne sur lequel j’ai bloqué est Broadcast. Ils qui vous fait entrer dans une m’ont emmené dans des trucs sorte de tanière avec atelier que je n’aurais pas imaginé écoud’artiste en bas et studio niché ter un jour, comme la musique « Je considère dans une petite mezzanine. C’est coréenne des années 70. » là qu’il compose et où se trouve avoir fait un l’intégralité de ses instruments : Mathieu Poulain a d’abord été disque de basse, guitares et synthés dont il connu sur la scène marseillaise joue lui-même toutes les parties. par l’aventure Husbands, un Roxy Music… groupe électro, que lui considrôle ! » Un lieu dans lequel il a écrit et dère pop. « Husbands était drôle, composé Altered Man, son nouvel parce que l’on s’en foutait. La musique électro que j’écoute opus. Un disque météorite dans le paysage musical français, où les sonorités pop n’est pas de la musique de dancefloor mais des californiennes croisent le glitter anglais des années trucs ambiants. J’ai beaucoup appris aux côtés de 70. Il est difficile de concevoir que ce garçon ait Kid Francescoli et de Simon de Nasser : construire grandi à Salon-de-Provence et non pas en Califor- des boucles, par exemple. » Cette parenthèse Husnie ou dans une quelconque banlieue londonienne. bands fermée, Oh! Tiger Mountain revient avec un nouvel album, quatre ans après The Start of WhateDiscuter avec Mathieu est un plaisir absolu tant ver. Un disque dans lequel, comme le reconnaît son l’homme est une encyclopédie musicale. Il aime auteur, on trouve de tout : de la musique de film, du tellement la musique qu’il semble préférer parler punk-skate des années 90, mais aussi Suicide, Marc de celle des autres que de la sienne. Le multi-ins- Bolan ou les Sparks. « Ce disque est totalement trumentiste est volubile sur Cate Le Bon, Parquet différent de ce que j’ai fait précédemment. J’étais Courts, Captain Beefheart, Ariel Pink, Thee Oh Sees plutôt dans des trucs minimalistes avant. Là, c’est et Television, tout comme sur les groupes locaux : très dense avec plein d’envolées et de traficotages Moondawn, Sunsick, Johnny Hawaii (dont il se dit psychés. Le mix et le master ont pris des siècles ! fan) ou encore Post-Coïtum.

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D’autant qu’avoir réalisé tout seul un projet si ambitieux avec un MacBook pro a multiplié les péripéties. Je me suis éloigné de la folk pour aller dans un délire rétro-futuriste-glam assez héroïque, mais qui ne sonne pas vintage. C’est assez ludique, en fait. Les gens auxquels je me suis identifié sont des artistes actuels aux productions un peu décadentes, tels que Flaming Lips, le Beck de Odelay, Ariel Pink (qui enregistre des disques-monde totalement barrés) ou Todd Rundgren pour les trucs plus anciens. Je considère avoir fait un disque de Roxy Music… drôle ! Bref, j’ai mis dans Altered Man tout ce que j’aimais. » Et le pari fou d’Oh! Tiger Mountain est une grande réussite. Son album possède un charme vénéneux irrésistible. Mais si sur disque, Mathieu Poulain impressionne, que dire de ses performances scéniques ? Eh bien, c’est vraiment là qu’il donne la pleine mesure de son talent. À ne pas rater. i dohtigermountain.bandcamp.com

Altered Man Microphone Recordings / Sounds Like Yeah Un disque ovni, sorti de nulle part. Semblable à aucun autre. On y retrouve le goût du musicien pour les productions baroques 60’s. Les titres “Altered Man” et “Payback” font irrésistiblement penser à Bowie — ne serait-ce que par le timbre vocal. On pense aussi à Prince sur les funkys “S.O Great” et “Remember you chose”, des titres à la production luxuriante. L’album se termine par un splendide “A cowboy”, ballade émouvante à en pleurer, sorte de féerie romantique. Avec cet album, l'auteur est allé au bout de ses envies et plonge l'auditeur dans une extase langoureuse.


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04/04/2017 11:00


entrevues

AllttA rencontre au sommet Printemps de Bourges, Nuits botanique, Vieilles Charrues… Les beats de 20syl (Hocus Pocus, C2C) et le flow de Mr. J. Medeiros (The Procussions, Punk-Rap Knives) sont de sortie cet été. On a assisté en [EXCLU] à la résidence préparant leur tournée.   Samuel Degasne    Guendalina Flamini

E

space Michel-Berger (Sannois). Et des contrastes « Nous n’avions pas la volonté de créer un all-starsdès l’intitulé : un lieu de concert dynamique en band en réunissant nos formations, mais bien de bordure d’une commune endormie ; un nom créer une unité suffisamment complémentaire pour issu de la chanson française accueillant un duo hip- se challenger. » La répartition des rôles découle donc du principe, attribuant les sons et hop / électro ; et un projet francolancement des vidéos à 20syl, américain jouant justement des « C’est une tandis que Mr J. prend en charge complémentarités sonores, géole chant en avancée de scène. graphiques ou esthétiques… Jeu écriture cubiste Pour 20syl, l’objectif était justede miroir, bonsoir. où chaque mot ment de se concentrer sur la comÀ l’intérieur de cette salle des position, « un truc à la Pete Rock ». musiques actuelles, les murs possède sa On reconnaît d’ailleurs vite la patte rouges prennent le contrefacette… »  20syl du Frenchy : ces sons élégants, pied des visages blafards des faits de cassures de rythmes et de artistes, arc-boutés au-dessus d’un mug logoté. Plus que le soleil discret de cet voix féminines en écho. D’autant que l’Hocus Pocus après-midi d’hiver, les corps blêmes trahissent la ne tarie pas d’éloges sur son partenaire : « C’est une fatigue d’un aboutissement libérateur autant que écriture cubiste où chaque mot possède sa facette. la conséquence de répétitions dans l’obscurité... Jason est vraiment un artiste à lire autant qu’à écouter. Il faut avouer qu’une résidence [la possibilité de J’invite tout le monde à aller sur le site Rap Genius, où répéter en conditions réelles] est l’occasion de ses chansons sont décryptées. » dernières retouches avant que la patine ne fasse Les contraires s’attirant, le consensus de l’un et son œuvre en concert. l’autre a permis de casser les habitudes et varier Pour l’heure, 20syl et Mr J. sont d’une incroyable les exercices. Exemples : « L’improvisation, avec une sérénité, fiers sans doute du résultat. Conscients, sorte d’accent cockney, sur le titre “Match” a été surtout, que les dés sont déjà jetés. conservée, alors que c’est un morceau plus électro, La rencontre entre le Nantais et le natif de Los plus chanté aussi… Cela apportait quelque chose Angeles date de 2004, débouchant sur une collabo- de frais dans le répertoire », avoue Medeiros. Sur ration spontanée avec le titre “Hip Hop ?” sur le 2e “Paradise Lost », l’instru est marquée : « On ne voualbum d’Hocus Pocus. Depuis, et malgré la distance, lait donc pas un texte dense. 20syl avait l’idée de ce une correspondance s’est maintenue en pointillés : scientifique qui découvre une planète et la raconte « Nous avons une même vision de la musique et sur son magnétophone... À la fin, nous avons uniune hyper-productivité », annonce le duo d’entrée. quement gardé l’énergie du flow. »

Pas étonnant que l’esthétique joue, elle aussi, sur les oppositions chromatiques ou géométriques, comme une extension du processus créatif du duo. Pour 20syl, « créer des lignes, jouer sur la synthétique et les ombres chinoises ou imposer le noir & blanc comme unité, permettait de coller aux histoires sans être illustratif. Il y a déjà suffisamment d’infos dans les textes ». En témoigne “Touch Down” qui, sur scène, pousse l’expérience hypnotique à son sommet… La pause café terminée, on laisse l’équipe rejoindre sa pénombre aussi paisiblement qu’elle l’avait quittée. Quelques ultimes réglages et tout sera prêt. Il faudra bien : demain, le réveil est fixé à 5h. Rendez-vous à Lyon... La prochaine pause sera à la rentrée. i

Groupe de live ? Se pose toujours la question du ressenti en plein air, quand l’intimité du disque semble épouser naturellement celle de clubs à échelle humaine. Ce serait pourtant se tromper : 20syl est aussi métronome que Medeiros est un lion en cage, propulsé en avant de scène, tandis que le Français assure — perché — les arrières. « L’énergie est moins figée que sur album », souligne l’ingénieur son de la salle. « D’autant qu’il y a deux morceaux inédits dans le set et quelques clins d’œil à leurs projets respectifs. Il n’est d’ailleurs pas exclu que les C2C les rejoignent lors de dates particulières… » Mais ne vous y trompez pas : ce n’est pas parce que le projet tourne en festival que le hip-hop est plus accepté : « C’est uniquement parce que la proposition artistique est plus large. Le hardcore ou le style puriste sont encore boycottés. Pourtant, il existe davantage de ponts entre le hip-hop et l’électro qu’avec le rock… »

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entrevues

Jacobus & VioleTT Pi

langues hybrides et folle magie L’un est l’artiste fièrement Acadien à la langue déliée du binôme néo-écossais Radio Radio. L’autre, leader d'un groupe québécois décalé, métissant les styles musicaux en un tout hautement énergique et décadent. Ils sont les créateurs franco-canadiens les plus audacieux et singuliers de l’heure.   Pascal DesLauriers    Michel Pinault

Jacobus

D

e Jacobus et Maleco (2001) à Radio Radio (2007) pour arriver en 2017 avec une formule solo… Soit un retour aux sources, autant au niveau artistique que personnel, pour l’artiste acadien, Néo-Écossais (Nouvelle-Écosse, Canada). Fidèle à son rap mélodique et ses racines, celui-ci ensorcelle les tympans. Avec le méga succès qu’il a connu au sein du trio (désormais duo) Radio Radio entre tournées perpétuelles, bons restos, chambres d’hôtels et fans qui se succèdent, il est parfois facile de perdre ses repères : « La meilleure façon de réaliser que t’es snob, c’est le devenir pour ensuite essayer de changer. » Une quête d’identité était alors de mise, afin de reposer les pieds sur terre et revenir à l’essentiel.

Après avoir envisagé de prendre une pause musicale, ayant l’impression d’avoir fait le tour du jardin, le rappeur décide plutôt de se dédier à son album solo, un projet qu’il caresse depuis seize ans. Soit bien avant ses aventures au sein de groupes… En studio avec Arthur Comeau, la

« Nous métissons le français. On parle la langue d’une autre façon et nous en sommes plus que fiers ! » Jacobus fluidité et l’honnêteté à travers le processus créatif est indéniable. Et pour cause : ils sont amis d’enfance et fidèles collaborateurs. « On s’est retrouvés pour une session d’enregistrement qui devait prendre deux semaines… pour en ressortir avec l’album en poche en moitié de temps que prévu ! Le tout, en prenant un moment pour jouer au golf le matin... J’ai renoué avec les raisons pour lesquelles je fais encore de la musique aujourd’hui : être entouré de gens que j’apprécie — dont Joseph Edgar qui fait une apparition sur la pièce “B&B” — et surtout, pour la chance d’avoir une bonne latitude artistique. L’album Le retour n’est que le point de départ d’une trilogie, avec Le règne et Le déclin, déjà bien ancrée dans mes pensées. » La collaboration avec le prestidigitateur Luc Langevin est arrivée dans quelles circonstances ? « On s’est rencontrés lors d’une conférence de presse et on s’est avoués être fan l’un de l’autre.

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M’adonnant déjà à quelques tours de cartes sur scène et cultivant une véritable obsession pour la magie depuis des années, je l’ai alors invité à faire une apparition sur l’album pour parler de magie sur l’introduction de la pièce “Magie contemporaine”, même s’il ne saisissait pas tout à fait son rôle au départ. Je lui ai écrit quelques lignes en essayant d’utiliser ses mots pour lui donner l’idée, mais ultimement, ce sont les phrases qu’il a écrites que l’on a utilisées. Le résultat final est bien meilleur que ce que j’avais initialement imaginé ! Depuis, on reste en contact et il me partage ses secrets de magicien. »

acadiens très présents, mais on a soufflé sur la vague actuelle, en arrivant avec un accent assumé — voire exagéré — et une approche sans compromis. Avec l’arrivée de Lisa Leblanc, Les Hay Babies, Les Hôtesses d’Hilaire sur la scène musicale, je peux dire que l’on a peutêtre trouvé la clé, mais eux, ils ont défoncé la porte ! Nous métissons le français. On parle la langue d’une autre façon et nous en sommes plus que fiers ! » i

entrevues

dduprince.com/artistes.php?artiste=8987974

Le retour de Jacobus / Duprince

L’identité acadienne, portée par une grosse vague musicale depuis quelques temps, comment la vois-tu avec le recul ? « Je crois que nous sommes arrivés au bon moment et au bon endroit. Il y a depuis toujours des artistes

VioleTT Pi

L

e groupe québécois est né en 2010 autour de l’imaginaire débridé de Karl Gagnon. Il fait exploser les barrières des genres musicaux avec une sonorité qui allie autant d’éléments rock, grunge, électro que pop. Une incursion dans son univers iconoclaste est prescrite aux allergiques à la monotonie. À ses débuts à Granby (en Estrie, au sud-est de la province) et seul derrière sa guitare, il tente de livrer sa vision à un public trop peu réceptif. La magie n’a alors pas encore opéré... C’est en participant à des concours dédiés à la relève musicale que la sonorité unique du groupe prend forme, les musiciens s’agglomérant au projet en chemin. Pourquoi ressent-on une urgence omniprésente à travers tes textes et la musique ? « L’oisiveté me donne parfois l’impression que si je ne fais rien, je ne suis rien, puisque l’on se définit à travers ce que l’on fait. Mais je suis une personne excessivement lente et ça se traduit également dans mon processus créatif. Ce qui m’angoisse, c’est que l’on transforme tout en choses pratiques. On retrouve présentement trop peu d’amour et de romantisme au sens large. J’ai l’impression que tout ce qui est beau et poétique se fait remplacer par ce qui est froid et hyper formaté. À mon sens, la vie est un énorme chaos et c’est naturel, voire synonyme de normalité. Il faut savoir l’embrasser. »

Avec un chant allant du grave à l’aigu en passant du doux à l’abrasif, quelle est ton influence pour cette approche lyrique ? « En règle générale, l’aspect vocal m’interpelle énormément. Pourtant, j’apprécie beaucoup la musique instrumentale. Je considère que lorsqu’il y a un

« La vie est un énorme chaos et c’est naturel. Il faut savoir l’embrasser » VioleTT Pi chanteur, ça rend l’écoute moins intellectuelle et que ça suscite davantage l’attention de l’auditeur. C’est à l’adolescence que j’ai découvert Mike Patton (Mr. Bungle, Fantômas, Faith No More). Son côté déconstruit et la versatilité de ses multiples projets m’ont vraiment allumé artistiquement. » Au Canada, manque-t-on d’audace créative ? « Au Québec, on dirait que nous avons peur de déplaire et ce n’est ironiquement pas faute de grands espaces. L’isolement semble nous faire peur. On préfère la proximité, possiblement à cause du faible nombre d’habitants. Je dirais qu’il y a

généralement une trop grande politesse, comme si on était trop proches de nos parents, que l’on ne voulait pas déranger à force de vivre les uns avec les autres. Peut-être est-ce dû aux changements de saisons, au fait de devoir se réadapter constamment ? Paradoxalement, comme nous sommes un peuple qui a besoin d’être rassuré, nous avons de la difficulté avec ce qui déborde du cadre. On manque d’attitude punk ou révolutionnaire ! Trop souvent, on fait comme s’il y avait un ordre à suivre en musique et qu’il n’y avait aucune autre façon de faire. Pour ma part, ça m’a pris beaucoup de temps pour me dissocier de cette mentalité et de m’accepter tel que je suis : différent. » i dmanifestecontrelapeur.quebec

Manifeste contre la peur / L-A be LONGUEUR D’ONDES N°81 15


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entrevues

Scylla le masque et la plume En matière de hip-hop, la capitale belge regorge de talents. Parmi eux, un ogre au visage d’ange, dont la voix résonne de plus en plus dans l’espace francophone.   Zit Zitoon    Andy Sabkhi

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appeur connu et respecté sur ses terres, le m’exprime, mais toutes les âmes connectées à la Bruxellois a de l’appétit et cela s’entend. Ambi- mienne. “JE” n’est finalement qu’une illusion. » tieux, il n’hésite pas à sauter les frontières pour partager sa musique. Son timbre de voix, reconnais- On peut ne pas adhérer à ce discours, mais il est sable entre mille, provoque l’écoute et c’est tant avant tout révélateur de la modestie de l’artiste, mieux car cet auteur-interprète a convaincu que la musique se partage beaucoup de choses à dire. Loin de et que nous en sommes tous acteurs. se cataloguer rappeur “conscient”, Lorsqu’on lui demande qui l’inspire « “JE” n'est il préfère proposer à son public des artistiquement, le Bruxellois cite Brel finalement sans aucune hésitation. « Le premier textes sincères, spirituels et engagés sans forcer quiconque à le rejoindre rappeur ! (rires). J’aurais aimé faire qu'une sur ses idées. Et sa dernière est pluun featuring avec lui. » Ce choix n’est illusion. » pas surprenant : les deux poètes partôt originale, puisqu’elle se nomme tagent des valeurs similaires, ainsi la “Théorie des groupes d’âmes”. que cette grande présence scénique Scylla : « J’ai l’intime conviction que la notion d’indi- en acoustique, accompagnés d’un simple piano. Qu’il vidu n’est qu’une illusion. Que chacun d’entre nous est rappe ou qu’il chante, la voix rocailleuse et mélanconnecté à un certain nombre d’autres personnes pour colique de Scylla dégage une vraie sensibilité. Pas former un groupe. Il est d’ailleurs fort probable que certains d’entre eux n’aient jamais échangé un seul mot ou ne se soient jamais croisés, mais si un seul agit cela aura un impact sur tous les autres membres. »

question de tricher, de se cacher derrière un personnage de colosse invincible. A contrario, le rappeur assume pleinement ses failles et ses doutes. Touchant comme cela contraste avec son imposante carrure et son nom de scène, emprunté à la mythologie grecque, qui désigne un monstre marin. Le titre de son nouvel album, Masque de Chair, résume bien l’état d’esprit et les questions que Scylla se pose. Qui sommes-nous vraiment au plus profond de nousmêmes, débarrassés de nos enveloppes charnelles ? Et quelle est notre quête sur cette terre ? L’artiste se considère comme une âme vieille de quelques millénaires, ayant entre « 30 et 7 687 ans » et dont la plume se serait forgée au cours des siècles... Simple argument marketing ou véritable croyance ? La réponse, en musique, est sans fard : « J’ai envie d’y croire parce juste que l’idée me plaît. » i dScyllaofficiel.be

Non, le rappeur ne projette pas de devenir gourou ! Même s’il est pleinement conscient qu’il pourrait passer pour fou, cela ne l’empêche pas de garder foi en sa vérité. « Dans un sens, cela veut dire que lorsque j’écris ou chante, ce n’est pas moi qui

Masque de Chair Abyssal / Urban [PIAS] “Qui suis-je ?” C’est sur ce morceau que s’ouvre l’album : il en sera le fil conducteur. Quête de sens, détermination, émotion… Trois valeurs qui résument l’homme et les thèmes abordés tout au long d’une quinzaine de titres débordants de sincérité. Ambiances acoustiques et productions lourdes, taillées pour la scène, viennent soutenir la voix lucide d’un rappeur pas comme les autres, préférant tendre une main bienveillante à son auditeur plutôt que de s’enterrer dans l’egotrip. Si la réincarnation est souvent abordée sur ce disque, Scylla reste fidèle à son message et ses convictions, preuve s’il en est que l’on peut être soi tout en ayant plusieurs facettes.

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entrevues

Kid Francescoli petit prince pop de marseille La cité phocéenne est devenue ces dernières années l’une des villes françaises les plus intéressantes en matière de production musicale. Cette création artistique s’est notamment développée avec l’éclosion de Kid Francescoli et de ses nombreux projets. C’est en solo qu’il nous revient aujourd’hui.   Pierre-Arnaud JONARD   Hawaii and Smith

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rois ans après le lumineux With Julia, Kid Fran- S’il a fallu attendre trois ans pour que cet album cescoli revient avec un nouvel album dans la voie le jour, il faut dire que le Kid a été plus qu’occupé ces dernières années avec même veine romanticoles succès de Nasser, d’Husmélodique qui lui sied bien. Play bands et les tournées avec son me again a été enregistré avec « Dès que ami Oh! Tiger Mountain. Des uniJulia, Américaine rencontrée à j’entendais vers musicaux très éclectiques, New York dont la brève histoire qui vont de la pop à l’électro en amoureuse s’est transformée en “Jump”, j’avais passant par la pop-folk. L’artiste duo créatif. S’il est courant dans les larmes aux se nourrit de ces différentes le milieu du cinéma de pourexpériences et dit rêver épouser suivre un travail artistique avec yeux. » toutes les musiques possibles. sa muse devenue ex, cela est Il a signé avec le label Yotanka, bien plus rare dans la musique. À cet égard, Kid Francescoli et Julia sont des excep- après ses premiers opus autoproduits. « J’aime tions. L’album est un peu dans la continuité du être sur un label où tu as deux ou trois personnes précédent avec ce son électro / pop délicat, mais il explore aussi de nouveaux territoires puisque pour la première fois, Kid Francescoli y chante un titre en français, “Les vitrines” (une envie de chanter dans sa langue qui lui est venue en reprenant “Pendant que les champs brûlent” de Niagara sur scène) et qu’une influence Rn’B s’y fait sentir. « Avec Julia, si on s’est séparés, on se retrouve malgré tout musicalement. Cela crée une grande créativité. Pour cet album, elle a beaucoup composé. Je considère que nous sommes un duo et nous ferons d’ailleurs la tournée ensemble. Quant au côté romantique de ma musique, il vient sans doute de mon amour pour Françoise Hardy. »

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qui s’occupent de ton projet, plutôt que sur un où juste une seule personne s’occupe de cinquante ! Tout est vraiment cool avec eux. » Son élégance scénique et musicale, il la tient peutêtre d’Enzo Francescoli, footballeur mythique de l’OM qui lui inspire son patronyme. « Francescoli, c’était un joueur artistique, classe. Je voulais une référence au foot dans mon nom, mais avec une touche d’élégance. J’avais fait une short list avec Bergkamp, Lineker, McManaman et j’ai finalement retenu celuici. » Si à Marseille, le foot n’est pas très important dans le milieu musical, ce n’est pas le cas pour Kid qui ne rate jamais un match. « Je me souviens d’une période où dès que j’entendais “Jump” retentir dans le Vélodrome, j’avais les larmes aux yeux. » Après la sortie de l’album, il partira pour une longue tournée internationale. « Je suis ami avec Laurent Garnier et je l’envie de jouer aux quatre coins du globe. J’ai dit à ma tourneuse de me trouver le plus de dates possibles à l’étranger. C’est pour cela que l’on commence par une date à Florence (Italie). Entre les deux disques, on a été à Marrakech et Istanbul, des villes où il est rare de jouer et… c’était magique. » i dkidfrancescoli.com


entrevues

joli

Møme Quelle mouche pique la ville de Christian Estrosi ? Après Feder et The Avener, c’est au tour de l’ex-Niçois Jérémy Souillart de partir à la conquête des festivals. Ou comment une chillwave* à la cool et sous influences australiennes, est devenue un étendard hexagonal.    Samuel Degasne      Adrien Combes

Certains font d’ailleurs le choix, sur scène, de s’entourer de tout un bestiaire pour impressionner… Tu te définis avant tout comme un producteur plutôt qu’un artiste…

Je ne suis pas dans la démonstration, ni dans la recherche de niches. J’ai participé à pas mal de Mon but était effectivement de composer pour projets rock, progressifs, intellos… Aujourd’hui, les autres, puis la scène m’est tombée dessus ! mon but est une musique simple et efficace, Par défaut. Sauf que j’ai de plus mais “à détails”. C’est incroyable en plus aimé ça... Comme choisir de pouvoir faire du son avec « Ma console n’importe quoi, mais il faut aussi entre les deux reste une torture, c’est pour ça que je multiplie les savoir préserver la fraicheur. Ce de jeux, ce collaborations avec des artistes “p’tit truc” qui fait la différence, sont mes qui peuvent me compléter : chaque quoi. Bon, bien sûr que les synthés exercice enrichit l’autre. C’est pour me tentent, mais je ne suis pas instruments. » 70s ça que j’ai encore beaucoup de dans une course à l’armement… musiques — plus techno ou dubstep, par exemple — qui ne sont pas encore sor- S’immerger dans l’Australie fut ties pour ne pas brouiller la couleur musicale de un vrai rite initiatique ? Møme… Oui, j’étais intéressé par le mode de vie, la scène musicale… Attention, je n’ai pas choisi mon pseudo Après être sorti de la section parce que j’étais un gosse. C’était surtout une réfépiano classique du conservatoire, rence à l’état de création, cette passion capable de il était urgent d’expérimenter ? te transporter. Cela n’empêche pas d’être adulte… Exactement. Si je suis — à l’origine — un guitariste et d’être aussi ce type dans la lune. C’est pour ça aimant la pop, la musique électronique a l’avan- que je tiens aux collaborations. Sur le même printage de casser les chapelles musicales. Il y a aussi cipe que mon séjour en Australie, c’est un voyage un aspect nomade et une économie de moyens intérieur qui permet de s’ouvrir. intéressante. La preuve : mon album a été composé dans un van avec une carte son à 200 € ! Mal- Comment transposes-tu ton gré tout, je préfère rester un humain derrière la album en live ? machine. Je suis donc pour une électro organique Je n’ai pas réalisé ce disque dans le but d’être joué, avec des synthés analogiques... J’ai besoin de res- étant donné qu’il est difficile de se projeter. Pour sentir les vélocités et d’y mettre mon âme. autant, je refuse faire PLAY en concert ! J’ai déjà

modifié 25 fois mon live, avec l’aide de six techniciens (vidéos, lumières…), rajoutant des transitions, des impros à la guitare, etc. C’est pour ça que nous enregistrons chaque prestation. Je ne sais pas comment font les autres pour jouer tout le temps de la même façon ! La clé, c’est assumer et optimiser… Aujourd’hui, je fais également évoluer mon set en fonction de mon 2e album – sur lequel je travaille déjà –, en parsemant quelques sonorités afin de tester les réactions. Ah bon ? Mais ton premier disque date seulement de fin novembre…

Je ne peux pas encore en parler, pour ne pas griller la promotion de l’autre, mais il devrait sans doute s’enregistrer dans plusieurs pays avec une même idée comme unité. Une sorte de quête de sons authentiques avec un studio portable. Découvrir et faire découvrir… Mais pour l’heure, je me concentre sur la tournée. Avec moi, jamais de temps perdu : ma console de jeux, ce sont mes instruments. Je vais d’ailleurs aménager une partie du bus pour mettre mes enceintes, dormir dedans… J’ai toujours rêvé de ça ! i DDM Recordings dfacebook.com/momemusicrecord

* Parfois appelée glo-fi, ce genre musical est décrit comme une musique à petit budget (ou “musique d’été”), propice à la danse. Les Américains Panda Bear et Animal Collective sont souvent cités parmi les précurseurs, en raison de leur usage intensif d’effets numériques, de synthétiseurs, de boucles, de samples et de chant filtré.

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entrevue croisée

Kent - Radio Elvis la rencontre Cette année, Kent fête ses quarante ans de carrière. Il incarne tout un pan de la musique française. On peut raisonnablement considérer les Radio Elvis comme ses fils spirituels. L’occasion de provoquer une rencontre entre son leader et l’ex-Starshooter.   PIERRE-ARNAUD JONARD    Christophe Crénel

Cet anniversaire, en es-tu fier ? Kent : Je suis toujours là et je m’intéresse à tout ce qui se fait. La longévité est une chose. Se renouveler en est une autre. Le jour où tu ne te renouvelles plus, il faut arrêter, fermer la boutique. Lorsque je vois Radio Elvis en concert, cela me donne envie de continuer ! Je pense aussi qu’il faut laisser la place aux autres. À 20 ans, je pensais qu’un chanteur de trente ans était un vieux chanteur… Radio Elvis : C’est vrai que le vieux chanteur de variét’ qui passe à la télé et joue son vieux tube en playback, alors qu’il n’a plus rien sorti depuis des siècles, ça me saoule. Et pendant ce temps, tu es là, en coulisses, à attendre six heures que ton tour arrive. Je ne parle pas par rapport à l’âge ! Le talent n’en dépend pas. Kent : C’est pire encore aujourd’hui qu’à mes débuts. À l’époque de Starshooter, j’ai écrit un morceau anti-Beatles à cause de cela ! J’en avais marre que l’on parle de leur énième compile, alors qu’il y avait plein de nouveaux groupes intéressants. Lorsque je suis dans un centre commercial et que j’entends Berger, Balavoine, ça me fatigue. Lorsque j’ai commencé ma carrière solo et que Patrick Sébastien me disait de jouer “Betsy Party” parce que les gens la connaissaient, ça m’énervait… Pierre, tu imagines une carrière de quarante ans comme celle de Kent ? Radio Elvis : L’album Metropolitain est l’album par lequel j’ai connu Kent. J’ai longtemps cru que c’était un disque de Ken, le fils d’Higelin, parce que lorsque ma mère me l’avait offert, elle m’avait dit cela. Je me suis longtemps imaginé avoir en effet la carrière de Kent, Bashung ou encore un parcours comme Brel, faite de mille vies. On recherche dans ce métier la reconnaissance de ses pairs. C’est plus important que de vendre des disques. J’ai été heureux d’être adoubé par Nicolas Jules. C’est quelque chose qui m’a touché ! Mais je ne pense pas vouloir être un vieux qui s’accroche à sa place à 80 ans.

« Chez moi, les Stooges côtoient Souchon. » Kent La création n’use-t-elle pas ? Kent : L’inspiration n’est pas une chose facile ! C’est un étonnement permanent… Cela fait bien quinze ans que je me dis lorsque je sors un nouvel album que ce sera le dernier. Écrire des chansons est quelque chose de simple, mais en écrire qui ont une cohérence, c’est beaucoup plus compliqué. Trouver des accords que tu n’as pas encore fait n’est pas chose aisée. J’ai bossé sur mon nouvel album avec Tahiti Boy qui, comme Pierre de Radio Elvis, était fan de Metropolitain… Travailler avec des jeunes aussi talentueux te met un sacré coup de boost. Comment vous êtes-vous connus ? Kent : Pierre a fait ma première partie aux Trois Baudets, il y a trois ans. Je le voulais car j’aimais beaucoup ce qu’il faisait, même si aucun album n’était encore sorti. Il est beaucoup plus intéressant de se comparer aux gens de la nouvelle génération qu’à ceux de la sienne. Radio Elvis : J’avais demandé à faire la date en solo, parce que la scène était trop petite pour le groupe au complet. J’étais très fier d’ouvrir pour Kent ! Pour moi, c’est quelqu’un qui, à l’instar d’un Bashung, ne cesse de se renouveler musicalement. 20 Longueur d'ondes N°81


Vous êtes tous les deux dans un univers musical qui est à mi-chemin du rock et de la chanson… Kent : Il n’y a pas de scission entre les deux. C’est propre au paysage musical français que de penser ainsi. La presse a tendance à cataloguer les artistes. Ils vont te descendre s’ils s’attendent à un album de chansons et qu’il sonne rock ou l’inverse. On n’arrive pas à sortir de ce clivage et c’est dommage ! Le public, lui, n’a pas ces à priori. Autrefois, j’avais rangé ma discothèque par genre musical. Récemment, je me suis dit que ce serait bien de le faire par ordre alphabétique ; et c’est comme cela, maintenant, que chez moi les Stooges côtoient Souchon… La musique est de plus en plus segmentée par rapport à l’époque de Starshoot’, où il y avait la variété et le rock. Quand je lisais Rock & Folk (qui était ma bible), je connaissais tous les groupes et même ceux que je n’aimais pas. Radio Elvis : De notre côté, par exemple, nous ne sommes pas assez rock pour Rock & Folk. Je trouve que l’on devrait s’en foutre de ce que tu aimes ou pas. J’adore Nekfeu, mais lorsque je le dis, on ne me prend pas au sérieux ! Ce que dit Kent est vrai : il y a de plus en plus de niches dans la musique. Le fait que Radio Elvis soit entre rock et chanson fait que l’on n’a pas de famille. Lorsqu’on est programmé dans un festival, j’ai l’impression que l’on est potes avec tout le monde, mais que tout le monde n’est pas potes avec nous !

entrevue

croisée

Vous chantez tous les deux en français. C’est une évidence pour vous ? Radio Elvis : C’est ma langue, donc je trouve logique d’écrire en français. C’est la langue que tu maîtrises le mieux. Et puis, je trouve que l’on sous-estime trop les sonorités de cette langue. On se met parfois une pression qui n’a pas lieu d’être. On ne parle jamais des textes de Grand Blanc, parce que c’est minimaliste avec un esprit assez punk… et c’est dommage ! Grand Blanc a fait un mémoire sur Yves Bonnefoy et je trouve leurs textes fabuleux.

« Moi, j'adore Nekfeu, mais lorsque je le dis, on ne me prend pas au sérieux. » Radio Elvis Kent : On chante en français, parce que c’est notre langue maternelle. Si tu as envie de dire le plus justement les choses, chanter en anglais, c’est déjà être quelqu’un d’autre ! Après, je comprends pourquoi certains chantent dans cette langue : parce que l’on s’inscrit dans le rock pur, parce que ça ne s’entendra pas que je n’ai rien à dire ou, à l’opposé par pudeur, car je n’ose pas que l’on comprenne ce que je dis. Il y a un complexe des maisons de disques en France par rapport au marché international, estimant que pour celui-ci, tu dois chanter en anglais. C’est faux ! J’ai joué il y a quatre ans en Chine, dans un festival entre un groupe de rap américain et un groupe de hardcore chinois et j’y ai été présenté comme artiste international. Pierre, comment ressens-tu l’industrie musicale aujourd’hui ? Radio Elvis : Moi, je rêvais de choses à l’ancienne : être dans une maison de disques, avoir un manager, des gens qui s’occupent de nous. On a eu les moyens de ce que nous voulions, pour le studio, l’enregistrement. La chose qui a changé, c’est qu’aujourd’hui tu dois jouer live le plus souvent possible. On est content d’être chez [PIAS] car ce sont des gens qui sont fans de musique. Nous n’avons jamais cassé les majors, parce que la différence entre une major et un gros indé comme Because est minime ! Et je pense que le budget de Tôt ou Tard, qui est un indé sur Vianney, est digne de celui d’une major… Kent : Ha ha. C’est leur force : ne pas avoir connu l’époque d’avant. i

Kent La grande illusion (At hOME) Après quarante ans de carrière, Kent n’a plus rien à prouver. Malgré cela, il se montre, avec son nouvel album, d’une inventivité et d’une audace dignes d’un jeune homme. On est émerveillé par la qualité de production de l’ensemble. Une logique s’impose durant l'écoute : jamais Kent n’a chanté aussi bien. Un très grand disque de chansons. Mais il n’oublie cependant pas son passé rock avec “Chagrin d’honneur”, un titre magnifique, puissant et racé, peut-être même le sommet de l’œuvre... Être toujours capable d’un tel niveau d’exigence musicale, après dix-huit albums solo, invite au plus grand des respects.

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entrevues

Les jours avec Kid Wise Avec son deuxième album Les vivants, le phénomène toulousain fait une entrée fracassante dans le monde des adultes. Au lieu de passer vos “Nuits sans Kim Wilde”, on vous donne cinq raisons — subjectives — de passer vos journées avec leur pop progressive dans les oreilles.   Bastien Brun    Maeva Benedittini

Un prodige, tout simplement. Il a poussé vite, le groupe créé au lycée par le chanteur Augustin Charnet. Il lui a fallu une paire de chansons à peine pour devenir à lui seul le renouveau de la pop à Toulouse. La ville, qui n’avait pas encore connu de phénomène poppy depuis l’explosion d’Internet, est en plein renouveau. Le buzz s’est donc fait autour de Kid Wise. « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans, sauf que certains sont tout de même très matures. » C’est ce que l’on pouvait lire, voici trois ans, entre les lignes d’une tribune de son leader, « La scène indée est-elle en crise ? », parue sur le site web Konbini, où il rendait hommage à ceux qui l’ont inspiré et emplafonnait les dernières productions d’Arcade Fire, Daft Punk, et Sigur Rós (sic). C’est ce que le premier disque du groupe, L’innocence, signifiait aussi grâce à ses partis pris très culottés.

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Uniques. Les « enfants sages » — traduction littérale — ont trouvé un son. Ils le savent bien. Ce grand écart, entre la pop de stade et le rock de cave qui explose les formats radio de trois minutes pour un morceau, est un truc à eux. De l’électro-pop ? De la pop indie ? Du rock indé ? Sur Les vivants, ils ont épuré leur style au contact du réalisateur Antoine Gaillet (Mademoiselle K, M83, Julien Doré). Même assez touffu, ce deuxième opus suit un fil très progressif. L’histoire qu’il raconte est pourtant simple. Deux personnes s’aiment, elles sont parentes, amantes ou amies proches. L’une d’entre elles, proche de la mort, disparaît. Dans le plus grand flou, c’est la naissance d’autre chose. Parle-t-on d’un deuil ? D’une entrée dans le monde des morts ? D’un état de semi-vie, comme dans un bouquin de science-fiction ? Les six membres de Kid Wise ne le disent pas. Ils laissent le champ de l’interprétation ouvert.

Les vivants porte bien son nom. Ce titre est un écho aux attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan. Il colle parfaitement à cet album. Alors que la plupart de la musique actuelle est fabriquée sur ordinateur, ce n’est pas le cas pour Kid Wise. Le groupe a enregistré tous ses morceaux au cours de longues sessions à l’ancienne. Souvent installé dans le studio toulousain des vieilles usines réhabilitées du papetier Job, il a pris le temps de se construire sur des bases solides. D’autant plus que le patron des lieux est le père du batteur, Léo Faubert. Serge Faubert, qui a connu son petit succès comme chanteur au milieu des années 90, est un peu devenu le septième Kid Wise. « Il était là pour l’enregistrement de notre tout premier morceau qui s’appelait « Kid ». Au départ, c’était le groupe des copains. Il nous a enregistrés gratos parce que je suis son fils et puis, avec le temps, il nous a suivis », retrace Léo. « Il a de la route derrière lui et nous apporte son expérience. Il aime bien dire avec son accent du sud que c’est un ingénu du son », complète le violoniste Clément Libes.


entrevues

Une sacrée alchimie. L’autre atout de ce collectif très soudé, c’est évidemment la rencontre d’un songwriter doué, Augustin, avec cinq orfèvres du son. « Ma famille a un fond un peu “artiste” : mon père écrit des bouquins ; j’ai commencé la musique à cinq ans, fait le conservatoire pendant dix ans, mais l’école classique m’a saoulé. Si le groupe va vite, c’est une histoire de momentum. Ce sont les bonnes personnes réunies ensemble et au bon moment. » Au gré de ses multiples projets parallèles, Kid Wise bouge. Ils ont récemment changé de bassiste et de management. Il ne faut cependant pas minimiser la place occupée par Clément Libes. Ce multi-instrumentiste lunaire, passé lui aussi par le conservatoire, est un véritable geek. Il imagine les textures et les arrangements des morceaux, notamment pour le live. Le groupe compense alors la voix – trop – en retrait d’Augustin par un mur du son énorme !

Vous n’y couperez pas. Et si vous ne savez pas encore qui est Kid Wise, vous n’y échapperez pas. Les Toulousains sont des champions de la musique à l’image, ce qu’on appelle la “synchro”. Leur morceau « Ocean » a illustré la pub du café Carte Noire. « Hope » a été utilisé pour un clip de campagne pour les Jeux Olympiques de 2024 à Paris ainsi que pour la bande originale du film Gang Bang de la jeune réalisatrice Eva Husson, tandis que tout récemment, « Hold On » a servi d’illustration musicale pour La Nouvelle Edition sur la chaîne de télé C8 . Les « Oh-Oh-Oh » épiques qu’ils mettent partout et leurs gimmicks donnent des élans grandiloquents au quotidien. À 21 ans pour une moitié, et autour de 25 ans pour l’autre moitié, ces grands enfants n’ont vraiment pas chômé. i

Les vivants Maximalist Records / The Wire Records L’ambition de Kid Wise trouve peu d’équivalents en France. Morceaux planants, montées orchestrées, pop progressive… Ce qui pourrait être de l’électropop banale prend ici l’allure d’une odyssée. Qu’est-ce qui change pour ce deuxième album ? Des titres parfois raccourcis à trois minutes, des structures qui partent moins dans tous les sens, et puis le chant en français qui s’invite çà et là (“Hold on”, “Loin de l’autre”, “Les vivants”). Pas encore assumé, il sonne étrangement anglicisé, puis il se mélange rapidement à l’anglais. Mais à l’image de son instrumental de fin, Les vivants est encore meilleur que L’innocence, son prédécesseur. Qui a dit que les suites ne valent jamais le coup ?

dkidwise.fr

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entrevues

La Rumeur folie pure et dure

Si les politiques ne cessent pas de falsifier une réalité qui dérange, certains restent vent debout face à la manipulation du vivre ensemble. Ekoué, membre du groupe de rap le plus lucide de France, fait partie de ces derniers et ne compte pas la fermer devant le délitement du réel, entraîné par les faussaires d’idées. Entretien brûlant...    Julien Naït-Bouda     dr

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a Rumeur n’a pas l’habitude de lâcher l’affaire. Misère sociale, violences policières, pratiques refoulant toute notion de probité, ces rappeurs ont fait de la dénonciation un étendard, une marque de fabrique. Leur message aura même chatouillé les narines du Ministère de l’Intérieur en 2002, traînant Hamé l’un des membres du crew, dans un combat judiciaire de près d’une décennie. Sortis victorieux du procès face à Nicolas Sarkozy en 2010, ces gars de Pigalle sont peut-être les derniers gardes fou d’une société en proie à la schizophrénie. Près de cinq ans après sa dernière invective musicale Tout brûle déjà et au sortir d’une expérience de réalisation

cinématographique (Les Derniers Parisiens, voir encadré), le groupe de rap prépare son retour avec un nouveau disque qui, à n’en pas douter, apportera sa dose de soufre en ce bas monde. En attendant, on prend le pouls de la société française en écoutant la parole sage d’Ekoué. La Rumeur sort un album en 2017, pourquoi cette volonté de sortir un disque à chaque année d’une élection présidentielle ? Hasard du calendrier c’est tout. On n’a pas besoin de sortir un skeud en période électorale pour donner une couleur politique à notre démarche.

Pour évoquer cette campagne présidentielle, on a l’impression d’une escalade vers le pire... Cette campagne est à l’image de celles et ceux qui la font et la commentent officiellement. On assiste à l’effondrement du système politique et de ses représentants. Plus rien n’est à sauver, aucun parti, aucun candidat. Toutes et tous s’accrochent comme des morpions aux privilèges de la puissance publique, mentent comme des arracheurs de dents et engrangent les deniers publics pour se constituer des patrimoines. C’est peut-être un peu schématique mais c’est malheureusement la vérité. Je prédis des taux d’abstentions record aux législatives. Les intentions de votes attestent d’une percée du FN prégnante, notamment chez les jeunes, quel constat cela t’inspire-t-il ? La même chose qu’à chaque élection. Cela fait bien longtemps que la famille Le Pen capitalise sur l’ignorance de son électorat et fait fructifier son business avec. Ce sont des hommes et des femmes d’affaires ni plus ni moins. La nièce n’a même pas fini ses études de droit, son grand-père l’a parachutée dans une circonscription acquise et elle empoche 12 000 € de salaire mensuel en sa qualité de parlementaire. Sa tante crache sur l’Euro à longueur de journée, mais pas sur les euros que lui confère son salaire de députée européen… Bref, des escrocs comme tant d’autres. Le vivre ensemble disparaît-il vraiment  ? Existe-t-il encore un semblant d’union entre les gens ? Je n’ai jamais eu l’impression que les gens vivent ensemble. Chacun sauve son cul et se supporte dans la mesure de ses propres limites. Quelles sont les perspectives pour la banlieue parisienne ? Va-t-on vers une ostracisation de plus en plus marquée ou penses-tu que les politiques réagissent au problème, ne serait-ce que par démagogie pour satisfaire l’opinion ? J’opte pour la deuxième option… La politique étant une énorme machine à cash, tous les moyens sont bons.

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Penses-tu que les nouveaux artistes rap aient encore envie de s’exprimer politiquement pour faire bouger les choses ? Ils ont fait (ou ils font) ce qu’ils peuvent, anciens comme nouveaux. Tant qu’ils arrivent à faire bouffer leurs gosses avec, c’est déjà pas si mal. Quant à exprimer des choses politiquement, cela fait un bail que je n’attends plus rien de ce côté-là. Quel regard portes-tu sur la jeunesse et son avenir ? Des raisons d’espérer pour celles et ceux qui s’accrochent sur le chemin du savoir et de l’instruction. Pour le reste, c’est chaud ! On a assisté à la réunion d’anciennes têtes du rap en France au travers du collectif baptisé “L’âge d’or du rap français” ; vous n’avez pas été convié ? J’ai vu ça effectivement, ça me fait un peu penser aux Stars des années 80 avec Jean-Luc Lahaye et les “Démons de minuit”… Bref, si ça peut permettre à certains de prendre un dernier petit billet et des points de retraite supplémentaires, j’ai envie de dire tant mieux pour eux. Pour le reste, tu penses bien, si nous avions été conviés nous aurions poliment refusé l’invitation… Il ne faut pas déconner quand même ! La Rumeur fête son 20e anniversaire, quel bilan fais-tu des ces deux décennies, personnellement et artistiquement ? On fait des disques, on édite des livres, on écrit, réalise et produit des films, on s’éclate en concert… Je me dis que nous avons bien fait de rester sur notre ligne parce que j’ai toujours su qu’elle serait payante. Après, il faut travailler davantage et avoir les neurones constamment en marche ! i dlarumeurmag.com

Les Derniers Parisiens Déjà auteurs d’une série télévisée sur l’univers du rap, “De l’encre”, diffusée sur Canal Plus, réalisant eux-mêmes leurs clips, La Rumeur voit le 7e art comme un prolongement naturel dans son parcours. Ce premier long métrage financé de manière indépendante dresse le portrait d’un quartier en pleine mutation, Pigalle, touché par le phénomène sociologique du moment, la gentrification. Une expérience qui selon les dires d’Ekoué n’a pas changé leur manière de faire du son. « Au final la musique et le cinéma sont deux choses complémentaires, le plus important dans ces deux arts reste l’écriture. »

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Qu'avez-vous fait de vos 20 ans ? Non-cumul des mandats et renouvellement de la classe politique ? On est pour. Partout et vite : il y a urgence ! Notamment en culture... Marre des ténors et de l’entre-soi ? Côté nouveaux votants, la relève est pourtant là avec — en tête de liste — Last Train... Ou comment la jeunesse dorée, témoin d’une nouvelle génération, n’a rien d’édulcoré. Sélection non exhaustive des aspirants de 20 balais au trône du rock francophone.    Julien Naït-Bouda      Marylène Eytier

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eN couv

Last Train On ne naît pas homme, on le devient L’histoire avait débuté il y a une dizaine d’années dans les environs de Mulhouse... Une amitié naissante, un goût commun pour le heavy metal et le plaisir de s’effriter les doigts sur le cordage de guitares à peine apprivoisées. Que de chemin parcouru depuis... Weathering, premier disque de cette jeunesse audacieuse, reprend le flambeau des anciens pour illuminer la scène rock hexagonale avec éclat.    Julien Naït-Bouda      Christophe Crénel / Guendalina Flamini / Sébastien Bance

E

torrent de concerts qui les a fait voyager de l’Asie aux États-Unis. D’écho en écho, le buzz montait, les relais d’opinion attestant tous de performances scéniques à l’énergie salvatrice. Des réactions unanimes qui laissaient donc présager le meilleur sur scène... Quid d’un grand disque à venir ?

À l’écoute de la galette, un oui catégorique devrait chatouiller de nombreuses langues et en délier d’autres pas forcément enclines à cette musique. Le genre d’objet, disons-le clairement, à la puissance fédératrice et universelle, qui devrait rallier de nombreux suffrages tant le disque se veut

Christophe Crénel

n un peu plus de deux ans, Last Train a réussi à hisser haut les attentes de tout un public. Peu nombreuses sont les formations à véhiculer autant d’espoir sur la base d’un simple maxi sorti en 2014, Cold Fever. Et l’eau a, depuis, bien coulé sous les ponts, entraînant la formation dans un

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eN couv

rite de passage où la douleur est nécessaire pour passer à l’âge adulte. C’est ce que semble redire le titre Weathering — la piste éponyme qui termine l’album — traduisant cet état du temps qui passe et des épreuves renforçant un individu. Tim (bassiste) ajoute : « C’est la dernière chanson que l’on a composée. Elle est très importante pour nous tous. Weathering signifie “érosion” : c’est un concept qui nous parle. Imagine un rocher sur lequel s’abat des vagues, encore et encore, mais qui est toujours là. Il se transforme avec le temps, mais ne se détruit jamais vraiment ».

Même pas un siècle à eux quatre et pourtant, ces garçons témoignent déjà d’une maturité clivante avec les stéréotypes liés à leur jeune âge. Soudé et fraternel, le quatuor semble avoir gagné en liant, comme en témoigne l’écriture de leurs morceaux. Et quand on leur demande de regarder dans le rétroviseur après plusieurs centaines de dates, le constat du guitariste Julien est univoque : « La tournée peut changer un homme, c’est certain. Tu rencontres énormément de monde, tu es toujours en déplacement, tu ne te reposes jamais, tu as une hygiène douteuse, tu as peu de temps pour toi ou pour ta famille... On a tous traversé des expériences fortes et ça se sent dans la manière d’appréhender notre musique. Mais on a la chance d’être les quatre mêmes, frères, plus matures et bienveillants les uns envers les autres que jamais ». dd

Guendalina Flamini

maîtrisé (lire encadré). Et pourtant cette première expérience d’enregistrement ne fut pas simple. Mais c’est aussi de la difficulté que naissent les meilleures œuvres, comme l’atteste Jean-Noël, tête blonde et leader du groupe : « On n’enregistrera pas de deuxième disque comme ça ! Ce n’est pas un constat négatif. Cette première expérience était excellente, mais c’était un dur labeur. Épuisant psychologiquement... Ce sont les tournées, les déplacements incessants, les histoires de cœur et la vie qui ont rythmé l’élaboration de ce premier album ». Ce premier long format peut ainsi s’entendre tel un

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eN couv Si l’union sacrée est de mise, l’histoire a démontré que même les formations les plus unies peuvent à tout moment vaciller face au succès. Ceux-là semblent pourtant partis pour durer... En témoigne leur indépendance artistique, via la création de deux labels, Cold Fame et Deaf Rock, puis le choix de signer avec une major uniquement en licence

« Peu de gens de notre âge se retroussent vraiment les manches pour aller au charbon. »

Sébastien Bance

[le groupe reste propriétaire de la musique qu’un label peut dupliquer / distribuer], les préservant de toute pression psychologique quant à l’enregistrement du disque en studio. Une décision mesurée qui atteste d’une certaine sérénité dans la conduite d’une carrière dont beaucoup devraient s’inspirer. Fin mélange de Do it yourself et de pragmatisme,

Last Train semble sûr de sa force, comme le rappelle Antoine (batteur) : « Aucun de nous n’a de projet parallèle ou d’autres groupes avec qui s’exprimer. L’alchimie est difficilement explicable. Quand on joue, rien n’est forcé : on vit, c’est tout. Nous ne sommes pas d’excellents musiciens en plus d’être des personnes totalement différentes, dans la vie comme sur scène ; on se débrouille donc comme on peut, on apprend tous des uns des autres, on se tire vers le haut en cherchant un juste équilibre. Et c’est quand nous atteignons cette hauteur que les choses se passent... ». Jean-Noël : « Quand on sort de scène, on pleure, on crie, on saigne, on frappe, on s’écroule par terre, on s’embrasse... Chaque concert requiert énormément d’énergie : on joue notre vie tous les soirs, en donnant tout notre cœur. Ça nous fait un bien incommensurable de pouvoir nous prendre dans les bras après avoir gagné la bataille. On n’a pas honte de s’embrasser. On se sent juste comme les meilleurs potes du monde ». 30 Longueur d'ondes N°81


Habité par un feu sacré qui semble tenir les Alsaciens loin du chant des sirènes et de toute mode musicale, le groupe avance sur le bon rail, développant un rock suranné. Et dans une époque où l’on aime chanter la mort du rock (paix à ton âme Chuck), développer une musique d’un autre âge constitue une gageure certaine face au grand tout électronique. Julien précise : « Dire que la scène rock en France est en ébullition serait un mensonge, mais affirmer qu’elle est morte en est aussi un. Le style évolue, c’est tout. Nous ne sommes clairement plus dans une époque de “rock à guitares”, ça n’excite plus les foules… ni les médias, d’ailleurs. Une fois le souci du fameux “style musical” dépassé, on peut tout de même trouver des choses françaises de qualité. Il y a par exemple le groupe Las Aves, bien plus rock que n’importe quel groupe qui se vante d’en faire. Un magazine français proposait dernièrement sur sa couverture « La Femme est l’avenir du rock »… Ce n’est pas forcément notre avis, mais c’est en adéquation avec le fait que les temps changent et que cette décennie est marquée par une mutation du style ».

Weathering Barclay / Cold Fame Records

EN couv

Il est né le divin enfant. Après un temps de gestation long et nécessaire, ce premier exercice au long court se révèle brut de décoffrage, abrasif et plus sulfureux que jamais ! Les pistes s’enchaînent avec une fluidité sidérante, “Never seen the light”, “Jane”, “Fire”, affichant un background ô combien américain, non sans exhumer les cendres du blues rock, cher aux Black Keys de Nashville. Efficace autant dans la conduite des morceaux que dans le songwriting, Last Train accumule ainsi les morceaux entêtants, dans un déluge de riffs crachés par un couple Gibson / Telecaster en feu !

Christophe Crénel

Un constat consciencieux qui relate toute leur lucidité dans une période en proie au changement. Car si la donne musicale tend à se modifier, celle du vivre ensemble aussi. Et à quelques encablures de la prochaine échéance présidentielle, le chanteur de Last Train prévient : « C’est une opinion, mais je remarque que la jeunesse est assez paresseuse. Ça flâne, chez les musiciens, mais aussi ailleurs. Comme la société évolue et que tout est facile d’accès, la moindre difficulté se transforme en montagne, ce qui installe une flemme générale désolante. Peu de gens de notre âge se retroussent vraiment les manches et vont au charbon, ce que je regrette un peu... J’ose espérer que la jeunesse puisse toujours emmerder profondément le Front National ». À bon entendeur… i

Last Train international

photo

: DR

Les deux tournées en Asie et aux États-Unis marquent un tournant. L’accueil est chaleureux, les concerts bien garnis et le quatuor peut constater que des fanbases se sont constituées, même à des milliers de kilomètres de l'Hexagone. Ces gamins réalisent alors que leur musique a dépassé bien des frontières... Le rock : une valeur universelle ?

photo : DR

photo : DR

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Last Train

EN couv

Station to station

Michela

na Cuccag

Christophe Crénel

ient blic v Le pu s corps . s n le x, acie s Als nt radieu re le o enco isages s it a n v e con nt... Les a nne n erso et pourt p t n e e asim nt aphon e is. Qu à Par st quasim l a n rnatio hanteur e bscure. o c l'Inte oir à -end. Le tite salle s i d same du week de la pe n u t e e ébu par ontr renc roser le d olie s'em f ière r Prem t pour a vent de u n surto rent et u è se lib

14

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Décem

t qui assisten ur tout ceux calcul. Le e claque po de m s or pa Én . s ïs ai m Inou s la dégaine, lection des n réalise le s dans la sé t brut et de ts et Julie ue à Bourge rock à l’éta oël booke les concer rq du ba e, dé n qu ai ni an-N Last Tr ation so 20 ans, Je ix. Une déflagr maturité. À corder le pr à leur live. onne par sa à l’unanimité de leur ac si es pr im de ci groupe dé ïs des Inou clips ! Le jury

Avril 2015

Juin 2015 Retrouvaill es avec les garçon complicité s pour un au sein du shooting gang. Il fa jouent ense à Paris. ut dire qu mble depu Incroyable ’Antoine, Ti is l’âge de Facebook m, Jean-N une photo 11 ans. Le oël et Julie gr où on les oupe fait n voit tout d’ailleur gamin en répétition s circuler sur .

it l’endro le tres de ues mè label a fait e lq e u q ,à êm et le sbourg les signer oujours le m a r t S à e t iterie, clay vient d t encore et à la La ar 'es maison Deaf Rock. B sur scène, c la à siment en du label stage mais, ue qua li k rain jo manager, Ju s mal en bac Last T r pa u e le n e n s o s c où bo . Ça dé ement déplac ctrique. le é orage

Octobre

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2015


EN couv

Mars

2016

La M a Paris roquinerie , en re avant de les accu r n e seul. iflant so etourner ille pour n e D mort ans la lo cuir qui n studio leur dern po  — ave a ie g c, po e, on nag fait la to ur l’albu r concer m ur to us, le e entre m urnée et . Jean-N t officiel o s tat c à ouag ystique e ommenc ël se ma rr e es « T t he Ho fraterne à tenir t e l — o ly Fa mily »  à la vie ut à la sur le bras.

Avril 2016 Retour triomphal au Prin temps de Bourges. Con cert dans la même sall en plein après-midi, mai e du 22 Ouest, mais cet s en soirée devant une te fois, ce n’est plus salle comble. Le groupe bouleversant de voir Julien, le guitariste, a encore gagné en puis sortir de scène et hur sance. Toujours emmagasinée. ler tout seul pour ext érioriser toute la fure ur

drop back t son de feu n a n ainte uissance p ui a m upe q fe et leur tivals. o r g f s le o e t t f n é s ’ s d le cueil pertoire plus gran rt ac é Belfo ne). Le r nner les e d s lo è e éenn nd de sc ttre de sil fo e urock Les E géant en leur perm (logo ésormais d peut Concer t joue plu surprise au N o s surpris ieurs nouvea uveau Casino ut es à apesan comme par és. L’influenc Paris. Le gro teur, fu e e u reur et xemple un no blues à la Ze pe vient de te p u toujou rs le m veau titre tr pelin reste p rminer le m ix de s r ême ét è o at de t s post-punk édominante, , ranse q mais il n album et y ui laiss leur allant à merveil a quelques e tout le mon de KO le. Larsen en debout .

Juillet

2016

Janvier 2

017

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eN couv

ELLAH A. THAUN

R photo : D

« Ella, elle l’a / Ce je n’sais quoi / Que d’autres n’ont pas… » Par ses multiples projets aux influences éparses, la jeune Rouennaise possède un univers dont la profondeur se révélera à ceux qui n’écoutent pas la musique qu’en surface. La scène queer française lui a d’ailleurs fait les yeux doux. À raison : le goth-rock de son premier projet Valeskja Valcav possédait tout ce qu’il fallait pour tromper les codes et les apparences. Glam, shoegaze, blues ou folk… Difficile de définir l’identité artistique de cette dernière. « Je ne suis vraiment pas portée sur les genres et les étiquettes, car ça n’aboutit en général qu’à des histoires de territoires et de crédibilité au sein de ces mêmes genres et scènes. Ce que je fais avec Ellah A. Thaun est peut-être trop pop pour des réseaux dits “underground“. Ou trop expérimental pour ceux qui se veulent plus institutionnalisés. Mais c’est un débat qui m’intéresse ! » Au-delà de la musique, elle avoue avoir une attirance pour les sciences parallèles. Une pratique qui renforce un peu plus la fascination pour ce personnage. « L’incidence sur mon quotidien est forte. J’ai déjà pris des décisions importantes en me basant sur un oracle ou un transit particulier de planète en astrologie. Ce n’est pas du déterminisme ! Ça revient à travailler son instinct et s’en méfier, sortir d’un certain confort, prendre le parti de l’imprévu et du hasard. Je mets sur le même plan les Stratégies Obliques de Brian Eno et Peter Schmidt (Ndlr : pouvoir utiliser ces phrases comme des clés, des moyens de débloquer une situation) ou le Yi-King (Ndlr : système chinois de signes binaires qui peut être utilisé pour faire des divinations)... » Si la contingence va de paire avec les énergies du cosmos alors on devrait reparler très vite de cette jeune femme au destin que l’on prédit illuminé.

dellahathaun.com

Julien Naït-Bouda

JOHNNY MAFIA

Romain Vigna

Julien Naït-Bouda

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À peine la vingtaine et une réputation qui les précède déjà. À raison de concerts méchamment foutraques, tout fuzz tout flamme, leur musique s’est ébruitée aux quatre coins de France. Et pour cause : Johnny Mafia est peut-être la formation actuelle qui a le mieux assimilé le groupe californien Thee Oh Sees : guitares portées, la fleur au fusil, et dégainant des spirales sonores infernales qui emportent tout sur leur passage. Ainsi, il n’est pas rare de voir leur concert se terminer dans une mare suintant le houblon, tant leur agitation est communicative. Une folie furieuse qui n’est pas prête de s’arrêter, comme le laisse penser Théo, chanteur de la formation : « On répète de plus en plus et le fait de faire des résidences nous aide à avoir de meilleurs automatismes en live. Cela nous permet de prendre encore plus de plaisir ! On aime ne pas trop réfléchir sur scène et jouer de manière spontanée ». Épicuriens, les garçons ? Certainement, car si beaucoup de formations garage sont estampillées d’un je-m’en-foutisme devenu identitaire, force est de constater que cette attitude leur est bénéfique. Et quand on leur demande ce qui leur importe le plus dans la vie, la réponse est limpide : « La bonne bouffe et la bière ». On ne leur en demandera pas plus...

djohnnymafia.bandcamp.com

Rod Maurice

LYSISTRATA Pour ce trio formé en 2013 par des Charentais se connaissant depuis l’enfance, l’ascension fut rapide ! Encore inconnu il y a quelques mois, celui-ci fait désormais partie des projets rock les plus en vue du moment. Lauréat du Prix Ricard S.A Live 2017, le groupe a réussi à séduire avec ses deux maxis, mais aussi et surtout par ses lives électriques et sauvages qu’il enchaîne à la pelle. L’occasion de s’immerger dans son rock fougueux et — à la grande surprise — majoritairement instrumental, teinté de grunge, de math-rock, de post-rock et de pop noisy, prenant toute sa dimension en concert. « On voit la scène comme notre deuxième salon. On se sent à l’aise », lance Théo, guitariste. Sur scène, la formation fait en effet preuve d’une remarquable dextérité et d’une belle spontanéité. Et côté mélodies, les fans des Battles, Fugazi, At The Drive In ou Mogwaï trouveront de quoi se mettre sous la dent. « Après, On trouve l’inspiration dans tous genres de projets », avance le batteur Ben, comme « Papier Tigre, Marvin, Pneu, Electric Electric… Bref, tous les groupes de La Colonie de Vacances nous influencent beaucoup », développe le bassiste Max. Sans compter « Biffy Clyro, Placebo, Karaté, Eels, Archive, Radiohead », continue Théo, désireux d’inscrire leur histoire dans une dynastie rock. « On aime bien l’aspect brut et super honnête d’un artiste, autant au niveau musical que du discours exprimé », résume Max. Côté actu, le trio sort un disque en commun avec La Jungle, un duo noise-rock belge, pour le Disquaire day (en France) le 22 avril et finalise son EP prévu pour mai. L’album, lui, est attendu à l’automne !

dlysistrata.bandcamp.com/releases

ÉMELINE MARCEAU

THE PSYCHOTIC MONKS

Arnau

d Bro ssard

2016 / 2017 : première tournée et premier album pour le quatuor au rock sombre. « On pourrait plutôt parler de “pesanteur”. On s’inspire beaucoup de poésie. On laisse place à l’imaginaire et à l’interprétation. On se voit comme des romantiques du XIXe siècle. On aime parler de ce que l’on ressent face à l’absurde, au vide de l’existence... On chante et écrit tous. On exprime ainsi nos pulsions : l’amour, la colère, la vie, la mort, l’espace et le temps. » En live, c’est une expérience intense. Embarquement dans des envolées psychédéliques et féroces. Captivant. « C’est un état de transe ! Parfois, on monte sur scène et on sent une énergie. C’est très humain, un peu spirituel et ça nous donne une vraie force. Laisser place aux imprévus est très important ! C’est là que l’on se retrouve sur nos passages instrumentaux et improvisations “noise”. Certains soirs, on est en colère et on a envie de hurler. D’autres, on est pris de mélancolie, avec l’envie de se laisser bercer dans le vide. » Des prestations pareilles, cela s’appréhende ? « Toujours ! On essaie de se plonger dans un univers et d’y amener le public. C’est pour ça que l’on a du mal avec les rappels. L’idée de revenir jouer un seul morceau nous met mal à l’aise. À la fin de nos lives, notre histoire est terminée. Cela nous pousse à toujours réfléchir à ce que l’on propose, pour ne jamais tomber dans un automatisme d’exécution. »

Laura Boisset 34 Longueur d'ondes N°81

dfacebook.com/ThePsychoticMonks


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Hervé Goluza

SIDA Entre La Grande Triple Alliance Internationale de l’Est, Maison de retraite, Teenage Menopause et Population, les membres respectifs de SIDA accumulent les projets et les collaborations. Peur de la routine ? Luca (guitariste) : « Il s’agit simplement de faire un max de musique. Que ce soit dans nos projets solos respectifs (Théorème, Ventre de biche, Zad Kokar) ou en groupe, le but est de produire sans arrière-pensée. On est tous des potes, alors le fait de jouer ensemble peut s’apparenter à une réunion de famille dégénérée, mais sans les discours relous du tonton facho en bout de table... » Punk, front wave. Rigolard ? « Un morceau peut venir d’une grosse blague trouvée en répèt’ et nous ayant bien fait marrer. » Loin du rock ou de la pop en français ? « Cette catégorie de groupes ne nous intéresse pas. C’est un autre monde dont nous faisons abstraction et dont nous n’attendons rien. Certains y trouvent leur compte et on est touchés quand ils viennent nous le dire, mais n’oublions pas que ça concerne à peu près 0,000000000001 % de la population mondiale. » Toujours aussi incendiaire, dominé par le chant-crachat de Maïssa, le nouvel album est sorti en février dernier.

dpopulation-label.bandcamp.com/album/sida

JEAN THOORIS

TH da Freak À tout juste 24 ans, ce songwriter bordelais a déjà sorti plusieurs maxis et publié en mai 2016 son premier album The Freak. Un disque entre rock, garage, folk et pop low-fi s’inspirant des années 90. « Je suis né en 1993. Je n’ai pas réellement grandi dans les nineties... C’est grâce à l’album American Idiot de Green Day, qui passait en boucle à la radio et à la TV, que je me suis mis à écouter du rock. Et comme tous les kids du monde, j’ai découvert Nirvana vers 12 ans et en suis tombé amoureux. Ça a été la porte ouverte à Pavement, Sonic Youth, Dinosaur Jr., My Bloody Valentine, etc. », explique l’artiste, citant également Mellow Gold de Beck, Horsedrawn Whishes de Rollerskate Skinny et In Utero de Nirvana en albums cultes. Prônant le Do it yourself, Thoineau Palis (son vrai nom) aime « l’authenticité, autant dans la musique que dans l’attitude d’un artiste », préférant « faire des CD découpés au cutter et collés à la colle UHU, plutôt que de laisser quelqu’un le faire ». À Bordeaux, il partage sa passion pour le rock avec une joyeuse bande de musiciens, The Flippin’ Leaks, avec qui il fait des concerts et sort des compilations : « C’est un collectif avec des gens comme moi : artistes solo, groupes ou bien même graphistes et illustrateurs qui ont commencé au même moment et voulaient sortir leur art de leur chambre ou de leur cave. On joue tous dans les formations des autres (Flanagan, Wet Daydream, Mellow Pillow, Mamat...). »

dfacebook.com/thdafreak

Photo : DR

ÉMELINE MARCEAU

TÔLE FROIDE

Photo : DR

Trois Lyonnaises : Pauline, Morgane, Leslie. Trois instruments : batterie, basse, synthés. Mais surtout : trois femmes issues d’autres formations pour former un supergroupe, édité sur un label co-dirigé par... Leslie. Fun Fun Funeral, Le Méchant, Kcidy et une dizaine d’autres viennent ainsi renforcer l’écurie de l’ancienne capitale de la Gaule. « On n’a pas vraiment de ligne éditoriale. On ne fait aucune promo ! On essaie surtout de créer une famille bienveillante, où tout le monde peut se filer des coups de pouce (concerts, enregistrement...). » Leur musique ? « Basée sur le même principe : on n’essaie pas de coller à un style. On se réunit... et pouf ! » En ressort tout de même un univers rock évident, sorte de pop décoiffante, joyeusement punk. S’autorisant même les grands écarts. Ainsi, une chanson rend hommage à Louise Michel (féministe anarchiste du XIXe siècle) quand une autre reprend “Maman a tort” de Mylène Farmer... Pourquoi ? L’instinct. Le zapping. La passion, aussi : « Petite, j’étais une grande fan de Farmer et d’Alizée », explique Morgane. Le tout est emballé dans une pochette où se mêlent voiture de police (référence à l’un de leurs titres), feu et visages des auteurs, façon peinture naïve. À leur image : simple et spontanée : « Le mouvement social contre la loi travail, l’année dernière, a changé le regard sur la police, même si c’était déjà là après la mort de Rémi Fraisse. Plus que la pochette proposée par Régis Turner (autre artiste du label), ça a en tout cas inspiré nos paroles. » Qui a dit que la jeunesse se désintéressait de la politique ?

Laura Boisset

dabrecords.bandcamp.com/album/k7

YACHT CLUB Ils sont quatre, viennent de Tours et pourraient bien être les futurs grands ambassadeurs du rock (au sens large) en Indre-etLoire ! En une poignée de titres colorés et mouvants, cristallisés sur leur EP éponyme paru en 2016, ils convoquent aussi bien l’univers de Deerhoof que celui de Micachu and the Shapes. « Nous ne pensons pas notre musique comme une juxtaposition de styles définis et nous voulons que toutes les influences fusionnent pour fabriquer quelque chose de personnel », explique Bastien, batteur du groupe formé en 2014. « La période a pour essence le grand mélange d’un tas de choses qui se sont faites jusqu’à maintenant et la recherche de notre bande de musiciens est globalement d’extraire de tout cela des sons et des formes qui ne suivent pas les schémas de la musique dominante. » Membres actifs de Capsul Collectif, « une coopérative de musiciens de Tours promouvant une culture libre, exigeante et engagée via 13 groupes très actifs, mais aussi un travail d’administration, de relations institutionnelles, de médiation culturelle et un label », le quatuor, féru de rock indé, s’apprête à enregistrer son premier album, prévu pour la rentrée. D’ici là, il entame une tournée italienne. L’occasion de (re)découvrir sa musique kaléidoscopique et doucement perchée !

dcapsulcollectif.com/groupes/yachtclub

Photo : DR

ÉMELINE MARCEAU

LONGUEUR D’ONDES N°81 35


EN couv

Le rock

une tradition moderne   Julien Naït-Bouda    Christophe Crénel

À défaut de pouvoir être exhaustif, rien n’empêche d’observer les interstices de la scène francophone, là où les aspérités esthétiques de l’underground posent les jalons d’une nouvelle musique rock. Parmi ces challengers, retenons le post-punk du one-manband On lâche les chiens, doux mélange de King Krule et Joy Division aux relents de fin du monde. Dans une sphère toujours aussi nébuleuse, impossible de ne pas citer le quatuor féminin Rose Mercie, dont la fraîcheur et la spontanéité sont mises au service d’un son suranné totalement lo-fi, réactivant ainsi tout un pan du patrimoine anglo-saxon. Émasculée aux quatre coins de la France, il semble cependant difficile d’identifier une scène rock singulière, tant la multi-polarité des genres est une nouvelle donne dont l’ouverture sur le monde permise par le web et les réseaux sociaux a amplifiée. Certaines tendances rejaillissent pourtant. Citons à titre d’exemple l’ineffable retour à la sphère du psychédélisme, que les années 60 auront porté au firmament, que la jeunesse actuelle tente inlassablement d’embrasser. À ce titre, les six membres de Butterscotch Hawaiian illustrent parfaitement cette assertion, tout comme les Rennais de Chouette, auteurs d’un surf rock redonnant ses lettres de noblesse à la musique rockabilly. Autre espoir en la matière : les Lorientais de The Same Old Band, pour qui cette faste époque semble tenir une place de choix, le goût des 90’s en plus. Tous, au final, témoignent d’un jeu de vase communiquant où passé et présent ne cessent de se confondre, attestant d’un espace mental créatif soumis aux lois de la “rétromania”.

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couliss ses es e c n e u fl n i s v e c n e Afflu

les festivals de musique et les réseaux sociaux

Vitrine de luxe, hotline, collecteur de données, contre-média, David contre Goliath... Les sites communautaires revêtent différents visages suivant l'événement. Quelles réalités se cachent derrière l'écran ? On a posé la question à 6 d'entre eux. SAMUEL DEGASNE

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DENOUAL COATLEVEN / MARYLÈNE EYTIER / DR

ou les concerts Live Nation). Employés 3 mois – voire moins – en amont de l’événement, ils ont l’avantage de « coûter moins cher qu’une agence, tout en possédant une forte expertise » du fait de leur dimension multicartes, souligne Maxime. Défaut ? dd

Photo : DR

armi les community managers des festivals [ceux qui animent et fédèrent les internautes], il y a les freelances cumulards, comme Maxime Le Cerf (Printemps de Bourges / Panoramas / Route du rock / ex-Trans Musicales) ou Frédéric Bazil (Download festival / Lollapalooza

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s l va

couliSSes dossier

i t s e f #

des équipes… De plus, on croit toujours qu’il faut un jeune pour parler aux jeunes, alors que c’est un vrai métier. Est-ce que l’on emploie un enfant de maternelle pour rédiger un livre qui lui est adressé ? Non. C’est aussi con que confier ça à une agence gérant Danone. » Les Charrues s’en défendent malgré tout, arguant leur leadership : « Notre public a un fort sentiment d’appartenance avec près de 10 000 likes par annonce en moins de 2h. Pas besoin de stratégie de conquête. » Idem du côté du Hellfest dont les réseaux sociaux sont « l’extension d’une communauté déjà très active. C’était aussi le cas du temps de MySpace et des forums ».

« Ne pas animer une communauté à l’année, étant donné la durée du contrat », ce qui l’oblige à « former les équipes pour assurer la transition »... Ensuite, il y a les rares CDI comme Diane Roudeix (Francofolies / Chantier). Idéal ? Sauf quand celle-ci est « mutualisée sur une majorité des activités du groupe » (Morgane) : documentaires et émissions, événementiels... En plus de travailler en parallèle pour l’émission On n’est Tous admettent en tout cas que la programmation pas couché ou des artistes, voire de prêter « main cannibalise le budget. Maxime (Printemps de forte » au Printemps de Bourges (également pro- Bourges, etc.) pointe même un « retard par rappriété de Morgane), la différence semble maigre port à nos voisins. Exemple : à Coachella (Californie), lorsque tu tweetes “Où sont les avec les freelances. Si ce n’est toilettes ?”, tu reçois illico un plan une image de stabilité permetgéolocalisé ». Nuançant malgré tant, selon elle, « un travail sur « Le public tout en parlant de « partenariats le long terme, sans multiplier les attend bien publics / privés plus importants », interlocuteurs ». voire de pratiques de consomEnfin, cas le plus courant, on plus de nous mation différentes : « En France, trouve des directeurs de la le public se rend en moyenne à communication comme Alexxx que nos 4-5 événements. Aux US, c’est la (Hellfest), Gabriel Massei (Nuits employeurs ! » sortie de l’année ! Ce n’est donc de l’Erdre / ex-Rock en Seine) pas le même budget. » ou Claire Malard (Vieilles CharFrancofolies Frédéric (Live Nation), désorrues) assurant la tâche en plus mais installé au Canada, tient de leurs autres missions. Soit 20 % de leur travail. Eux emploient des renforts à alerter : « Pour les français, le web est forcébénévoles pendant le festival... Avec une évolu- ment gratuit, mais un buzz, ça ne se maîtrise pas tion cette année aux Charrues : le stagiaire (de avec 1 euro. Une communauté bien administrée, mai à juillet) est désormais un CDD sur la même c’est pourtant un nombre conséquent d’affiches période. Pour Claire, il n’est en effet pas « néces- en moins… Affiches qui sont surtout là pour faire saire d’avoir un poste à l’année, étant donné l’acti- plaisir aux annonceurs. Le public, lui, s’est déjà renseigné… » vité fluctuante ». Pour les Francos, la mutation du budget Une constante française qui fait bondir Frédéric papier / web s’est tout de même opérée : « Il a per(Live Nation) : « C’est de la radinerie ! Ça ne coûte mis de financer l’embauche de CDD ou l’achat de pas si cher de payer quelqu’un à l’année. Ce métier matériel professionnel (perche, meilleur téléphone, résume tous les secteurs de la com’ des années etc.) ». Du côté des Nuits de l’Erdre, on préfère 80-90. D’autant qu’il faut de la cohérence dans « investir dans des campagnes sur des applications l’approche et du temps pour obtenir la confiance médias, un vecteur à fort potentiel ». 38 LONGUEUR D'ONDES N°81

Et pourquoi conserver les affiches, donc ? Alexxx (Hellfest) précise que c’est « surtout une opération de notoriété. Nos challengers ne nous contraignent pas, aujourd’hui, à changer de stratégie. Pour autant, nous avons abandonné notre street team [bénévoles assurant la promotion en échange de places] et le tout numérique pose tout de même le souci de l’autonomie de la batterie ou du réseau téléphonique sur place ». Les Charrues justifient même une « fracture numérique et technologique » au sein de son public, les obligeant à maintenir un « équilibre entre réseaux et documents papier ». Pas de budget, OK, mais des objectifs chiffrés ? Même pas... Tous admettent bénéficier d’une grande liberté, le plus souvent « parce que les directions ont peu de connaissances sur le sujet », admet Maxime (Printemps de Bourges, etc.). Quelle méthode, alors ? « Aucune n’est universelle, c’est empirique. » Acquiescement de Diane (Francofolies) : « Les idées viennent de moi. Pour tenir l’année, j’essaie donc de trouver tout ce qui fait vivre Internet : sortie de Star Wars, journée du gif, devinettes, playlists collaboratives, actualités des artistes… En 2016, il n’y a qu’un seul mois où nous n’avons pas communiqué. Si l’on veut, comme nous, rajeunir la cible, c’est essentiel. Aux Vieilles Charrues par exemple, les gens viennent parfois plus pour l’ambiance que pour la programmation. Nous, ça peut être l’inverse, alors on essaie d’équilibrer ». Pourtant, pour les Charrues, communiquer sur les réseaux sociaux est avant tout « la fierté d’un aboutissement ». À chacun, ensuite, le choix du ton : décalé à Carhaix (« ni hystérique, ni vulgaire et encore moins institutionnel ! »), orienté sur le off pour les Nuits de l’Erdre, documentaire pour les Francofolies (qui vont jusqu’à réaliser des vidéos avec des artistes en amont), bourré de points d’exclamation à Panorama, journalistique à Rock en Seine (qui possède son webzine depuis 2 ans) et Europavox (qui vient de lancer sa plateforme de contenu sur les groupes européens), voire personnel au Hellfest (le directeur pouvant s’exprimer en son nom). Au Download festival, dont la 1re édition française était l’année dernière [celle anglaise existe depuis 2003], il a fallu ruser : « On a fait exprès de faire des fautes d’orthographes pour agacer. Sans lien sponsorisé, le ranking naturel [le fait d’apparaître dans le fil d’actualités de vos amis Facebook] n’est seulement que de 2 %… Or, comme


le site calcule ses mises en valeur par rapport à Tous affirment d’ailleurs avoir de la difficulté à l’audience des contenus et non leur qualité, on rappeler ces règles élémentaires à leur hiérarchie a donc pu bénéficier d’un coup de pouce des (tout comme celle de ne pas « trop poster »). Et mécontents, reporté sur l’année suivante. C’est pendant le festival ? Impossible, évidemment, de vraiment une page taquine. On n’est pas là pour surveiller près de 300 comptes... du Instagram contemplatif  ! » La deuxième est la concurrence Au Hellfest, on joue aussi les avec les médias traditionnels. apprentis-sorciers, mais en se Pour Diane (Francofolies) : « On « On a fait servant des réseaux comme a conscience que c’est compliexprès de faire d’un laboratoire d’analyse : « On qué, mais on se doit d’avoir nos étudie les profils, on questionne photographes. Les blogs moins des fautes pour tester des approches, on équipés ont besoin de ces photos d’orthographes cible davantage les fans de tel qui servent également à enrichir groupe… On réalise aussi une notre patrimoine. Nous ne tuons pour agacer. » veille numérique pour déminer donc pas le métier : on veille à les intox. Les groupuscules relila pluralité, même si on voit de Download festival gieux y sont par exemple très plus en plus de labels, comme actifs. On essaie par contre de ne Columbia, envoyer leur propre pas instrumentaliser notre public. La haine ame- community manager ». Et c’est notamment ce qui nant la haine : on répond sans attaquer ». plaît aux artistes et aux structures : l’absence de critique / jugement pour les uns et le fait de maîLe souci, c’est comment s’arrêter ? Facebook attri- triser un contre-média pour les autres, mettant en bue en effet un badge de réactivité, obligeant valeur des aspects passés inaperçus. les community managers à répondre pendant leur temps libre. Tous pointent l’ingratitude du À l’avenir ? Le Hellfest rêve d’un bracelet avec poste (« surtout en terme de retombées », précise « mémoire de déplacement, possibilités de paieGabriel des Nuits de l’Erdre). Aux Charrues, on ment, accès aux zones, infos sur les groupes… ». a même calqué cette réactivité en « mettant en Trop cher pour le moment. Alexxx se contenterait ligne les photos du concert avant sa fin » ! Diane alors d’un peu plus de « réciprocité » entre struc(Francofolies) ironise : « Le public attend bien plus tures, en se « saluant via les réseaux, par exemple ». de nous que nos employeurs ! Ils veulent que nous Même constat pour l’ensemble des sondés. Les rebondissions sur chaque décès ou actualité… ». Francos vont jusqu’à même rêver de « rencontres Alexxx (Hellfest) s’agace même que « certains régulières entre confrères pour échanger », évine prennent plus la peine de chercher la réponse tant de « se marcher dessus lors d’annonces de et pose éternellement la même question ». « C’est programmation ». « Difficile  », rétorque Gabriel un exutoire que l’on imagine sans conséquence. (Nuits de l’Erdre), « les dates des annonces sont Mais les commentaires négatifs restent… », ajoute parfois conditionnées par une relance nécessaire de Gabriel. Un rituel qui ne dérange pas toujours la billetterie ou un contrat artiste ». Quant à l’idée Claire (Vieilles Charrues) permettant, via les de rencontres, il précise qu’un « groupe secret, à récurrences, de prendre conscience « de certaines l’initiative des Papillons de Nuits, existe sur Facelacunes dans notre communication ». book entre communicants du secteur », invitant Pour ne pas être pris au dépourvu, les Francos malgré tout à aller « chercher des idées en dehors affirment de toute façon « avoir prévu tous les cas de la musique : au même titre que l’uniformisation de figure. Même lors d’attentats ! » des programmations, nous n’avons aucun intérêt à adopter le même discours ». i Deux critiques reviennent parfois. La première est résumée par Frédéric (Live Nation) : « Les directeurs qui se prennent en photo avec les artistes, c’est gentiment ridicule, mais ça correspond à l’égo trip général. La relâche après l’accomplissement, c’est compréhensible, mais ça n’est évidemment pas pro. On ne devrait pas être fan face aux artistes. »

couliSSes

dossier

CHIFFRES 2016* / / Facebook —  Avec une fréquentation globale de 3,47 millions spectateurs, les festivals rassemblent plus de 2,7 millions de fans (soit 87%) ; —  10 festivals dépassent les 100 000 fans (6 en 2015) ; —  En tête : le Reggae Sun Ska avec 4 fois plus de fans que de festivaliers. —  En moyenne, la fréquentation numérique a augmenté de 29% ; / / Twitter —  3 festivals dépassent les 100 000 followers ; —  En tête : les Vieilles Charrues ; —  Plus forte progression 2016 : Main Square festival (double) et Garorock (triple) ; —  Moyenne de 694 tweets / an (+ 29%) ; seuls 25% du public parmi les followers ; —  Rock en Seine et les Francofolies sont les seuls a avoir plus de suiveurs que de spectateurs.  / / Instagram —  8 festivals dépassent les 10 000 abonnés (1 en 2015) ; —  En tête : le Hellfest. / / Youtube —  9 festivals dépassent les 1 000 abonnés (7 en 2015) ; —  + 74% de fréquentation —  En tête : le Reggae Sun Ska ; 87% des festivals ont une application mobile (iPhone et / ou Android). * Étude de SocialBand, publiée en janvier 2017, sur les 30 plus gros festivals français de musique.

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ON TOUR (72) 24H du Mans LE MANS 15.04 (BE) Muziekcafé De Giraf ZWALM 21.04 (55) MJC Verdunois BELLEVILLE-SUR-MEUSE 22.04 (59) Parc Mosaïque HOUPLIN-ANCOISNE 23.04 (88) La Souris Verte ÉPINAL 29.04 (80) Festiv’Art AMIENS 05.05 (13) Mey Kustom Day MEYRAGUES 21.05 (68) Festival Chipo’Zik MULHOUSE 02.06 (CA) Weekend Blues Festival MONTRÉAL 08.06 (CA) La Petite Boite Noire SHERBROOKE 09.06 (CA) Weekend Blues Festival Trh Bar MONTRÉAL 10.06

30.06 WILLGOTTHEIM Festival La Grange (67) 07.07 NOGENT LE RETROU Festival du Thé Vert (28) 14.07 LANDRESSE La Guerre du Son (25) 21.07 PLANCHER LES MINES Festival de l’Ours (70) 27.07 SAMOENS Festival les Pépites (74) 03.08 HAUTEFORT Le Meloko (24) 05.08 ST MEEN LE GRAND Festival Pedale Wah Wah (35) 12.08 OSTENDE Paulusfeesten (BE) 17.08 CARLETON SUR MER Le Naufrageur (CA) 26.09 PARIS La Boule Noire (75) 07.10 HUNINGUE Le Triangle (68)

Nouvel Album Sortie Mai 2017 40 Longueur d'ondes N°81


couliSSes

initiative

SUR LA ROUTE Une idée aussi ingénieuse que pratique : un studio mobile… dans un camion ! Pour le Lillois Benjamin Mathieu, initiateur du Road Studio, le principe est le suivant : le producteur part à la rencontre des groupes, et non l’inverse.   JEAN THOORIS    GUENDALINA FLAMINI

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on BTS en poche (audiovisuel option son), Benjamin Mathieu commence à travailler dans différents studios (dont le Studio Ferber à Paris). Un apprentissage qui le conduit à s’interroger sur les limites de la production musicale. Comment s’affranchir de l’uniformité sonore et transformer la conception d’un disque en véritable aventure, se demande-t-il ? D’où l’invention du Road Studio. Merveilleuse pensée : un studio est emménagé dans un semi poids lourd, et ce dernier, par sa mobilité, permet aux musiciens d’enregistrer là où ils le souhaitent (une église, un chalet, un lieu en plein air). « C’est un lien plus intime avec les musiciens car je suis toujours impliqué dans leur projet », explique Benjamin. « Lorsqu’un musicien commence à réfléchir à un album, il y travaille en amont et ne peut pas booker une session studio à l’improviste. L’idée, pour ce dernier, consiste à se demander quel type de lieux recherche-t-il par rapport à son univers ou sa personnalité. Un premier album tient forcément à cœur, et si je propose de vivre une “aventure ” un peu particulière pour le produire, cela change les relations et me permet de plus m’impliquer dans le projet. »

Comment se déroule le choix du lieu ? « Je discute avec les musiciens, on parle de leurs inspirations, pour apprendre à se connaître. On réfléchit ensuite au son que l’on voudrait donner à l’album, même

si parfois le but est d’expérimenter, de se renouveler. Puis au lieu adéquat en termes d’acoustique, d’atmosphère. Par exemple, si j’enregistre un groupe de folk en pleine montagne, ce n’est pas nécessairement pour avoir le son du chalet, mais aussi pour se mettre dans une bulle durant une bonne semaine – ce qui est beaucoup plus créatif que d’enregistrer dans un sous-sol sans lumière. Il y a donc le côté confort et acoustique. » Concrètement, à quoi ressemble un voyage en compagnie de Benjamin ? « Le camion est une régie insonorisée. Lorsqu’on entre dans un lieu bizarre, avec une grande réverbération (un hangar ou une église), dans le camion je peux contrôler tout ce qui se passe à l’extérieur. Je tire un câble, je place les musiciens et les micros dans tel endroit, on parle par casques (comme dans un studio classique) et on enregistre ! » Un parti pris qui n’est pas seulement technique car le lieu choisi aura logiquement un impact sur la couleur de l’album, et permettra d’éviter « le son de tout le monde ». En deux ans d’existence, le Road Studio a enregistré une cinquantaine de groupes (Majordome, Cougar Parking, Ségolène Brutin), d’horizons très divers (rock, rap, folk, formations établies comme débutantes) et originaires de nombreuses villes. Benjamin : « J’habite à Lille mais je ne suis pas localisé dans une ville précise. Et puis, avec un groupe

nantais, on peut aller enregistrer à Bordeaux ; avec un groupe lillois, en Allemagne ; avec un groupe parisien, en Picardie. » Entreprise collective, le projet s’ouvre également à l’audiovisuel et à l’événementiel : captations live, interviews vidéos promotionnelles, concerts. Toujours au service de l’artiste, de son univers comme de ses attentes. Ainsi, le Road Studio ne fait pas seulement qu’accompagner les groupes vers des lieux musicalement appropriés, il matérialise également leurs souhaits — avec un tarif qui s’adapte en fonction des projets. i droadstudio.fr

Tour de France Du 25 mai au 15 juin, le Road Studio part en voyage (et en camion) dans sept villes. « Pour voir comment les musiciens vivent leur musique dans différents endroits, comment s’arrangent-ils pour créer du réseau entre eux », précise Benjamin. Ce périple, baptisé Tempo, donnera naissance à une série documentaire diffusée sur YouTube : un épisode par ville qui montrera les initiatives musicales entreprises par chaque région visitée. Toujours cette idée de curiosité, de défrichage de l’espace sonore. Toujours ce besoin de rencontres, marque atypique d’un studio mobile qui arpente les routes avec passion et sincérité.

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couliSSes portrait

Suzanne Combo Drôle de GAM La Guilde des artistes de la musique (GAM) veut défendre les auteurscompositeurs auto-producteurs. Elle les invite, par exemple, à refuser les contrats d’artistes... Explications avec sa déléguée générale.       Patrick Auffret

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ssociation loi 1901 chargée de défendre les intérêts des artistes, la GAM a été fondée en 2013 par Axel Bauer et Suzanne Combo. Kent (l’ancien leader de Starshooter) et le pianiste jazz Issam Krimi étaient aussi à la base du projet. « Nous nous sommes aperçus que l’on ne gagnait plus rien ! Tout est parti d’une chute totale des revenus des artistes. Notre volonté a été d’utiliser la GAM comme une voix collective pour défendre les intérêts d’une corporation. » Rapidement, Suzanne Combo prend position comme déléguée générale. « Je dirige l’association : je coordonne, gère la trésorerie, les financements, le site Internet, les relations publiques, voire les négociations avec les différents acteurs. Bref : presque tout ! » « L’objectif est surtout de faire des propositions aux pouvoirs publics, d’influencer la vie politique en faveur des intérêts des artistes. » Alors que de nombreuses sociétés civiles, comme la Sacem ou l’Adami, parlent déjà au nom des auteurs et des compositeurs, un manque est apparu du fait de l’évolution de la société et des comportements car « aujourd’hui l’artiste est aussi producteur ! Pour être adhérent à la GAM, il faut être auteurcompositeur mais aussi auto-producteur. Nous sommes tantôt des salariés, tantôt employeurs. » 42 Longueur d'ondes N°81

La GAM est donc un groupement d’intérêts partagés. Reste à savoir desquels on parle... « Nous avons remarqué que la parole des artistes était utilisée pour défendre un certain nombre de sujets. Nous étions instrumentalisés par les producteurs, les sociétés de gestion de droits d’auteurs… par tout le monde, quoi ! L’idée était donc de protéger les artistes individuellement pour ne pas qu’ils aillent sur le front recracher des paroles qu’on leur aurait demandé de transmettre. Nous voulons maîtriser l’information, en mode think tank [groupe de réfléxion]. »

Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ! La répartition bénéficie surtout aux majors... Les artistes ramassent les miettes. » La GAM n’a pas de concurrent en France et a même réussi à se fédérer à l’international avec des mouvements équivalents. En Angleterre par exemple, la FAC (Featured Artists Coalition) a une très forte influence. Logique car, contrairement à l’Hexagone, le marché des indépendants est dominant… i dlagam.org

Dominique A, Olivia Ruiz, 1995, Yodelice ou encore Arthur H sont quelques-uns des 360 artistes ralliés à la GAM. « C’est un vrai succès. Il y a un vrai élan. » Certes, mais les gros vendeurs de disques rechignent à intégrer le mouvement : « Les générations qui ont bénéficié du succès de l’industrie musicale pendant de nombreuses années ne veulent pas aider les jeunes générations à s’en sortir. C’est un peu déstabilisant. » Conflit de générations ? « Ils n’ont pas les mêmes problématiques et ont peur de perdre des prérogatives en se mouillant dans un combat collectif. Mais ils regardent de près et s’intéressent quand même... » Le combat du moment ? « Les plateformes de streaming [écoute à la demande] pour une redistribution transparente.

One-combo-girl Suzanne Combo a connu, dans les années 2000 avec le groupe Pravda, un vrai succès d’estime. Elle a tourné avec Placebo ou Indochine et vendu 10 000 albums. Également membre du girls band Tu seras terriblement gentille, elle a finalement eu envie de se recentrer sur un projet solo pour « exprimer des choses plus intimes... Je suis en train d’enregistrer en studio à Biarritz. Je compose, j’écris, je produis, je réalise. C’est un peu long ! » L’impressionnant “I hate you“ est déjà visible en version live sur YouTube. L’EP est prévu pour janvier 2018. L’impatience gagne.


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BAGDAD RODÉO Trois

LA CAFETERA ROJA One shot

LAURA CAHEN Nord

CHAPELIER FOU !

Auto-Production

Green Piste Records

Bellevue

Ici d’ailleurs

Ce disque possède déjà une qualité première : il vous fait rire du début à la fin, que ce soit au premier, au second ou au troisième degré. Il serait cependant dommage de cataloguer ce combo de“groupe rigolo” car il mérite assurément mieux. En effet, si les paroles sont drôles, elles sont aussi et surtout acerbes, incisives et mordantes. Elles dénoncent les travers de la société actuelle, la corruption des élus (actualité brûlante), les tenants de la Manif pour tous, les fanatismes religieux et l’esprit Charlie dévoyé par les réseaux sociaux avec une rébellion de façade. Il ne faudrait cependant pas que les qualités d’écriture fasse oublier la musique ; Bagdad Rodéo est en effet un excellent groupe de rock aux guitares tranchantes, entre punk et hard-rock. Il reprend avec intelligence le flambeau des Trust et Bérurier Noir d’hier qui alliaient paroles dénonciatrices et musique de qualité.

Il va être compliqué de ne pas s’y retrouver dans le nouvel album de La Cafeteria Roja. Dix ans après sa naissance à Barcelone, la formation cosmopolite a trouvé son rythme. Mélangeant savamment les influences musicales, tirant du hip-hop, apprenant du rock et déjouant la pop, elle nous sert un riche bouillon culturel. Les langues se mélangent : l’allemand (‘’Sonnenbrand’’) succède à l’anglais, qui traîne avec l’espagnol et le français (‘’Shadows’’). Jouant le jeu de la pluralité à fond, les featurings se succèdent. Toutes ces voix offrent d’étonnantes associations. Le tableau aurait été excellent si de nombreux couplets n’avaient pas été trop pâles. Ce défaut se fait oublier dès que l’enthousiasme du groupe se fait ressentir grâce à l’énergie insufflée par les instruments. Enfin, que dire du dernier titre ? Personne ne s’attendait jusqu’alors à ce morceau (“Art for peace”) qui envoie cet album dans une autre dimension. Un manifeste expérimental pour l’art, à mettre entre toutes les oreilles.

Avec ce premier disque d’une beauté désarmante, la Nancéenne développe une autre idée de la chanson, déposant sans contrefaçon ses états d’âmes, au grand dam d’une variété française dont le cri d’unisson ne vaut plus que pour certains Enfoirés. Instigatrice d’une musique éloquente par son lyrisme, arrangements épurés et minimalistes, l’artiste souffle sur les braises de ses ressentis, ressassant dans cet album cathartique les troubles qui l’ont autrefois émaillé. D’une intimité de tous les instants, les morceaux classés en chapitre racontent les relents existentiels d’un être qui a souvent déchanté, telle une confession susurrée au creux de l’oreille. Le tout sublimé par une voix qui touche aux cieux, la vraie valeur ajoutée de cette artiste à la sincérité loin d’être exaspérante. En témoigne des titres tels que “Ça dépend des saisons” ou “Roseau” dont la force testimoniale devrait arracher quelques larmes aux plus sensibles. Une expression du beau si rare qu’elle touche au miracle !

Attention, ceci n’est pas un nouveau disque du Chapelier Fou mais une compilation de trois maxis. On y redécouvre les travaux qui ont fait connaître le musicien messin voici une petite dizaine d’années, c’est-à-dire les EP’s Darling, Darling, Darling... et Scandale !, avec en supplément le plus tardif Al Abama (2012). Instruments préparés, collages d’électronique et de violons, sons étranges que l’on croirait sortis d’un cabinet de curiosité, voilà ce qui fait la magie de « ! » — comme de ce diable de Louis Warynski, véritable nom du Chapelier. Mais si cet album instrumental de presque 1 h 20 est une véritable claque, il est surtout est un résumé parfait des bricolages du fils spirituel de Yann Tiersen. On n’a pas retrouvé Alice ici mais une chose est certaine : ce drôle de bonhomme est tout à fait à sa place au Pays des merveilles.

PIERRE-ARNAUD JONARD

dbagdadrodeo.org

VALENTIN CHOMIENNE

dlacafetera.com/fr

JULIEN NAÏT-BOUDA

dlauracahen.com

BASTIEN BRUN dfacebook.com/chapelierfou d

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chroNiques musique

CHRISTINE Atom from heart

ALAN CORBEL Like a ghost again

DIRTY DEEP What’s flowin’ in my veins

DREAM CATCHER Vagabonds

Mouton Noir Records

Megalux Production

Junk food records

Jazzhaus records

Ce duo de musique électronique formé par les Normands Nicolas Lerille et Martin Blanche (ils sont également remixeurs pour Amon Tobin et Boys Noize) livre un album très influencé par la French Touch 2.0 (Air, Justice, Yuksek…), avec ce côté turbine version label Ed Banger couplé aux B.O. de films du réalisateur Dario Argento. Si vous aimez les gros beats, les lignes de basses lourdes omniprésentes à vous rendre fou, les ambiances anxiogènes et les synthés transperçants, cet opus est fait pour vous. “Maniac” est une véritable descente aux enfers technologiques, “Drama” digère un hip-hop sous Xanax, “Lost generation” mixe ambiances cinématographiques et collages dubstep. Quant à Lipstick, “Lipstick” est une autoroute de sons rugueux accompagnés par une TB 303. Il manquerait quelques respirations à cette musique un brin trop solennelle et droite comme une cathédrale, mais les amateurs sauront apprécier la qualité de sa production influencée par plusieurs styles : rock, métal mélodique, hip-hop et dubstep.

Découvert en 2012 sur Dead Men Chronicles, un premier album enthousiasmant dans lequel il dévoilait sa pop-folk fragile et mélancolique, puis avec l’EP That City, aux couleurs un peu plus rock, le Rennais revient avec un disque protéiforme qui lie énergie électrique et douceur acoustique avec finesse et sensualité, déployant une pop délicate qui sait se faire aussi bien intime que plus emportée (“She is”). On y retrouve la voix toujours aussi aiguë et prête à tomber du songwriter (comme sur “The sweetness of the dust” ou sur le beau guitarevoix “Two hearts in love”), aux côtés de (jolis) pianos signés Albin de la Simone et d’arrangements globalement élégants qui caressent souvent dans le sens du poil sans toutefois parvenir à sublimer toutes les chansons. Car si celles-ci gagnent parfois en efficacité et en légèreté (“An old friend”, pas loin d’Elliott Smith, “The Wonderer”), il peut aussi leur manquer un peu de caractère pour se démarquer totalement.

Pas besoin d’aller jusqu’aux États-Unis pour trouver du vrai blues-rock enragé. Il suffit de se rendre à Strasbourg. C’est bien ce que prouvent en tout cas les 14 titres survoltés de cet album. Au programme : voix rugueuse, harmonica, guitares qui envoient, et ce dès le premier titre. Le trio mené par le brûlant Victor Sbrovazzo a pris le temps de s’affiner depuis sa création en tant que one-man-band en 2010. Aujourd’hui accompagné d’une batterie diablement efficace et d’une basse cinglante, le combo propose un jus délicieux pour les oreilles aussi enivrant et brut qu’un whisky hors d’âge. De titres qui semblent déjà cultes tant ils résonnent naturellement (“John the revelator”) aux morceaux crasseux du rock de bikers (“Messin around”) sans oublier une ballade digne du meilleur de Scorpions (“Light and blue”). Tout y est. L’ensemble donne un cocktail explosif digne d’un road trip dans le désert ponctué de sonorités marécageuses. Laissez-vous embarquer dans ce dirty trip les yeux fermés.

Passer de l’anglais au français, de la chanson au rock celtique avec un saut par la pop britannique, c’est l’incroyable pari qui est proposé ici. Une pluralité se dessine tandis que les titres défilent. Un coup, textes francos et riffs évoquent Ronan Luce (“J’veux du soleil plein la vie”) ; une autre fois, c’est à la folk de prendre les commandes le temps d’une fête ensoleillée (“Not too old to folk’n’roll”). Le meneur John Rech est-il multiple ? À écouter celui qui officie depuis 1998 et a déjà ouvert pour les plus grands — Sting et Michael Jackson en tête de liste —, on ne peut que répondre par l’affirmative. Les ballades, pop à souhait, plantent leurs racines dans les têtes, pour ne plus en sortir et devenir des classiques instantanés. Le passage au luxembourgeois ne surprend même plus alors qu’il propose une pause douceur. Sans se poser de questions, on se laisse simplement porter par ce voyage aux nombreuses facettes sans jamais avoir envie d’arriver à destination.

SERENA SOBRERO

dsheischristine.com

ÉMELINE MARCEAU

dalancorbel.com

JULIA ESCUDERO

ddirtydeepofficial.com

JULIA ESCUDERO

ddreamcatcher.lu/new/v2

ESKELINA La verticale

GRIMME The world is all wrong but it’s all right

PAMELA HUTE Highline

IVY S’armer de patience

Le matin du pélican

Hot Puma Records / Vibrations sur le fil / Absilone

My Dear Recordings / Kuroneko

Productions Inty / Productions l’Incidental

La voix claire de la jeune Suédoise, exilée en France depuis plus d’une décennie, séduisante de sincérité, se pose délicatement sur les notes de guitare accompagnant ses 13 nouvelles chansons. En 2015, elle a fait son entrée dans le paysage musical avec un album en compagnie de Christophe Bastien (Debout sur le Zinc) et Florent Vintrigner (La Rue Kétanou). Aujourd’hui, elle continue son voyage avec eux (mais aussi Batlik, Bukatribe), à travers une affirmation de soi et une découverte de nouveaux instruments traditionnels de son pays tel que la nyckelharpa. Jouant entre séduction et mélancolie, elle nous plonge dans une richesse de sonorités folk, groove ou swing, et trouve les mots justes dans un univers d’émotions avec une simplicité déconcertante. Féminine et sensuelle, mais au caractère bien trempé, elle nous balade entre charme et bohème. À apprécier en concert, où elle excelle. Ce n’est pas pour rien qu’elle a décroché le Prix du Jury et le Prix du Public, lors du Prix Georges Moustaki en 2016.

Grimme est comme une hirondelle annonçant le printemps. Le Lyonnais livre un premier album qu’il a sagement couvé dans sa chambre. Victor Roux, de sa véritable identité, est un hommeorchestre qui n’en finit pas de bidouiller et de bricoler à partir de sons et de vidéos. Entre les pleurs de bébé qui accompagnent le chant rassurant du jeune père, le murmure des oiseaux, ainsi que l’usage de voix enregistrées, une création plurielle apparaît. À travers ces mélanges, c’est bien d’une célébration de la nature dont il est question. Cette diversité résonne également via l’utilisation et l’association de nombreux instruments comme des cuivres, un xylophone, des violons, un piano, un ukulélé, sans oublier le recours aux sons électroniques. Doux, intemporel et planant, ce rêve éveillé rappelle les créations de groupes tels que Eels ou OK Go. Bien que parfois timide ou monotone, cet album est tout ce qu’il faut pour partir flâner dans les rues et tomber amoureux.

Une mélancolie épurée et évanescente emporte immédiatement l’auditeur dans le monde mélodieux du groupe formé par Pamela, une attachante Parisienne. “All I say” est une porte d’entrée bien agréable. Elle ouvre sur un disque particulièrement cohérent. La voix de l’artiste se pose avec douceur sur des instruments minimalistes bientôt relevés par une batterie veloutée. Sur “Getting old”, la douce voix de la chanteuse porte à la rêverie. “Summer of 75” est plus joyeux et l’album se conclut sur un extatique “Run through the storm”. Les envolées noisy et les riffs accrocheurs du maxi sorti il y a quelques mois ont disparu ; à croire que la jolie musicienne veut désormais s’affirmer d’une manière plus épurée. En onze titres, tous très courts et chantés en anglais, elle parvient néanmoins à définir les contours d’un univers évanescent et tout en retenue. Elle livre au final l’emballage très cohérent d’une musique aux couleurs d’un temps mélancolique.

Proche de Grand Corps Malade, grand activiste de la scène slam montréalaise aux côtés de Mathieu Lippé et Queen Ka, Ivy est de retour avec un troisième opus de treize titres dont Misc, trio jazz aux accents samba mené par Jérôme Beaulieu, a composé la plupart des instrumentaux. Dès le premier morceau intitulé “Mon pays”, la couleur de l’album est annoncée avec un extrait d’interview explicite du poète Gilles Vigneault. Ivy est pour l’indépendance du Québec et ne s’en cache pas. Assonances et allitérations sont au rendez-vous (“Québécœur”), mais la force du disque est de concilier textes et musiques sans la lourdeur qui caractérise parfois les projets spoken word. Inconvénient : difficile de se concentrer sur le propos quand l’accompagnement est entraînant. Une écoute attentive est nécessaire pour saisir toute la portée des thèmes abordés, à savoir la religion, la géopolitique, la corruption, l’espoir et le courage.

MARIE FAUCHART

VALENTIN CHOMIENNE

44 Longueur d'ondes N°81

dgrimmemusic.com

PATRICK AUFFRET

dpamelahute.com

ALEXANDRE SEPRÉ

divycontact.com


chroNiques musique

JIM MURPLE MEMORIAL Stella NOVA

KO KO MO Technicolor life

KRISMENN S’habituer à l’obscurité

KURSED Misophone

Zn Production

LMP Musique

World Village / [PIAS]

Hyp / Pias

“Are you ready” pour voyager ? Une première chanson rythmée, avant-goût d’un album ensoleillé et addictif. Le collectif invite au ciel bleu et aux pieds dans le sable chaud. Après 20 ans de carrière, la chanteuse originelle laisse place à... sa fille ! Mais toujours les mêmes six musiciens. Résultat : un groupe multi-générationnel, multi-culturel et savoureux. Entre français, anglais et espagnol, seize titres d’une bonne humeur débordante, aux sons sucrés, mêlés de reggae, de rythm’n’blues et de ska. Voyage estival haut en couleur, direction la Jamaïque avec une halte inattendue dans une Asie drôlement chaloupée (“Hong Kong flu”), suivie d’un bon repas romantico-français sur fond de “Te prends pas le chou”. Les compagnons de voyages ? Un saxophone vibrant, une contrebasse rythmée, une trompette brillante, et d’autres ingrédients dansants. À écouter avec cocktail et sans modération.

Difficile de croire qu’il s’agit d’un premier album. Kevin et Warren, tous deux venant de Nantes et de son grand Ouest, nous envoient voltiger vers le Far West avec une facilité insolente. Riffs de guitares extrêmement pêchus et batterie mise en valeur, le tandem nous rappelle que le rock n’est pas encore mort. De nombreuses inspirations se ressentent. Certains cris nous rappellent Aerosmith, des vrombissements nous renvoient aux White Stripes, et d’autres sautillements nous emportent vers Blur dans ses meilleurs moments. Le groupe parvient à ne pas s’enfermer dans une simple révérence aux fondamentaux du genre et fait aussi se rencontrer psychédélisme, musiques électroniques, et riffs presque grunge. Cette richesse atteint toute sa splendeur dans le morceau “VW Lady”. La singularité des voix fait entrer cet album dans une toute autre dimension. Les deux compères nous rappellent qu’à Nantes, les rockeurs font des disques ravageurs.

L’artiste n’est évidemment pas que la moitié du duo mené avec le beatboxer AleM (double champion du monde 2015), croisé et applaudi aux Vieilles Charrues ou encore au FME. C’est aussi et surtout le Beck breton, capable de passer du chant traditionnel au hip-hop ; du bluegrass à l’électro. Autant de peaux et de vies ayant servi à préparer ce premier album... Avec en leitmotiv ce lien viscéral à la terre (coups de hache, bourdon de clôture électrique, de cuve de fuel d’un tracteur…). Matière brute et vivante, symbole d’un attachement, taillée à même la chair du vécu. Ne manquait plus alors que les guitares d’Etienne Grass (Electric Bazar), un bandonéon, une contrebasse ou un violoncelle, passés par le tamis de l’ordinateur, pour donner des airs d’ailleurs. Mais le projet s’inscrit aussi dans une démarche photographique, faisant de l’exercice un acte philosophique : non pas en reniant, mais bien en s’appropriant ses racines pour continuer une lignée héroïque qui n’a pas plus (?) à rougir.

Les Montpelliérains de Kursed font du rock en souhaitant repousser l’échéance de l’âge adulte. Vitesse, urgence, don de soi. La formule est certes éprouvée, mais qu’importe lorsqu’une nécessité se dévoile. Car sur son premier album (qui reprend l’intégralité de leur précédent EP, Appley), la formation contourne les clichés usuels pour mieux revendiquer son ancrage ici et maintenant. Les membres de Kursed se moquent du passé et n’envisagent guère l’avenir. C’est leur principale force : écrire et jouer comme si le monde pouvait soudainement stopper sa course et s’exprimer avec l’idée que chaque instant rock’n’roll est un acte volé à l’existence. D’où la sensation d’un groupe qui veut tout dire, tout offrir, en un minimum de temps. Loin d’être sereine, cette musique y déniche, fatalement, une tension, un trouble. Le fond et la forme se rejoignent : la furie embrase l’auditeur car elle se heurte ici à l’impossibilité de vivre éternellement jeune. Kursed jouit du présent, jusqu’à l’overdose.

djimmurplememorial.com

MARIE-ANAÏS GUERRIER

VALENTIN CHOMIENNE

dko-ko-mo.com/

SAMUEL DEGASNE

dkrismenn.com

JEAN THOORIS

dkursedmusic.com

LESBO VROUVEN Griff Piff

LE TROUBLE Making maters worse

-MLamomali

MALTESS Au large

Catulle & Ramón

INDICA MUSIC

Wagram Music

M&O MUSIC

Un des projets du prolifique et charismatique Sam Murdock (Oromocto Diamond), fondateur de l’étiquette québécoise P572 (qui balance d’audacieuses parutions depuis 2004), revient à la charge avec sa sonorité qui décoiffe. Le trio, composé d’Hugo Lebel (Les Goules) et de Jean-Christophe Bédard-Rubin (Mauves), propose des pièces qui font résonner amplis et guitares électriques appuyées par une forte base rythmique. L’album marque le retour du groupe depuis Encore la mort (paru en 2008) et propose une sorte de rock dansant flanqué d’une variation punk déjantée. L’intention psychédélique est livrée de façon assumée et même parfois un peu irrévérencieuse. Les textes imagés dépeignent magnifiquement bien l’univers de la formation qui se retrouve à son apogée avec cet enregistrement. L’indépendance et la créativité sans compromis sont à souligner, particulièrement à travers la persistance de ses protagonistes. L’un des groupes les plus sous-estimés au Québec à ce jour et qui gagne à être mieux connu.

Avant même d’écouter l’album de ce Trouble, on sait déjà que ce sera un très bon disque. En effet, les Montréalais ont signé chez Indica Music, fondé par Grimskunk, groupe mythique de psyché-punk. Devenu au fil des années le plus gros label indé québécois, on y trouve ce qui se fait de mieux dans la scène musicale canadienne, de Half Moon Run à Foreign Diplomats en passant par Highs. Le Trouble ne déroge pas à ce très haut niveau et offre avec cet album un superbe condensé de pop-rock aux guitares abrasives. La production est soignée et la voix de Michael Mooney emporte l’auditeur. Six ans après leur formation, Le Trouble semble être arrivé à maturité avec ce disque. On y sent un groupe soudé et on ne peut plus cohérent musicalement. Une expérience malheureuse sur un label américain aurait pu les décourager, mais elle n’a fait que les ressouder. Les amateurs d’indie-rock seront comblés avec ce Making maters worse de très bonne facture qui font d’eux une sorte de Strokes canadien.

Avec Lamomali, Matthieu Chédid signe son disque africain. Marqué par les attentats islamistes qui ont récemment touché Paris et Bamako, ce sixième album studio rappelle tout simplement qu’il est bon de s’aimer les uns, les autres. Grâce à une chanson titre assez boom-boom, “L’âme au Mali”, ou un “Bal de Bamako” de dessins animés, on a clairement envie de rouler des épaules. Mais lorsque monsieur -Mréunit Youssou’N’Dour, Seu Jorge, Santigold, Ibrahim Maalouf, la libanaise Hiba Tawaji et le rappeur Nekfeu autour de “Solidarité”, on prend peur devant cette chanson quasi caritative. Très bien accompagné par Toumani Diabaté et son fils, Sidiki, -M- sait cependant y faire. Il dessine un pays rêvé autour de ses voix de femmes et de la kora enchanteresse de son ami Toumani. Dopé par un casting hallucinant réunissant le ban et l’arrière ban de la musique malienne (Amadou & Mariam, Fatoumata Diawara, Mamani Keita…), Oxmo Puccino ou la jeune Jain, Lamomali est une jolie surprise et un digne fils de la terre mère africaine. Ce qui n’est pas rien en ces temps de repli nationaliste.

Originaire de l’Orléanais, Maltess a vécu une histoire assez extraordinaire. Créé dans les années 80, le groupe a ensuite disparu des écrans radars sans même avoir eu le temps de sortir un album. C’est seulement aujourd’hui, après des retrouvailles l’an dernier que le groupe sort (enfin) son premier disque. Au Large est un disque de rock français classique, quelque part entre Lavilliers, Bashung et Rodolphe Burger. Les morceaux sont agréables et l’ensemble est plaisant même si l’on peut reprocher au disque de n’être pas toujours très original. Ce sont les premiers titres qui sont les plus réussis : “Au large hélas”,“J’ai !”, “Ami entends-tu?” et surtout “Paris-London”. Des morceaux à l’écriture intéressante et aux textes assez drôles. Le reste de l’album est un peu plus décevant avec des titres qui flirtent un peu trop avec la variété comme “La fanfare du crépuscule”, “Louve Blanche” ou “Mon zinc”. Un disque inégal mais dont les meilleurs moments séduisent.

PASCAL DESLAURIERS

dlesbovrouven.bandcamp.com

PIERRE-ARNAUD JONARD

dletrouble.com

BASTIEN BRUN

dlabo-m.net

PIERRE-ARNAUD JONARD demergenza.net/FR/fr-fr/band/329/232930/maltess.aspx d

LONGUEUR D’ONDES N°81 45


chroNiques musique

MOUNTAIN MEN Black market flowers

NLF3 Waves of black and white

PIXVAE Pixvae

POLAROID3 Rivers

Echo Production / Pias

Prohibited Records

Grolektif / L’Autre Distribution

Label OH ! - Bloody Mary Records / Inouïe Distribution

Ce duo, originellement composé du Français Mr Mat, à la voix surpuissante, et de l’Australien fou d’harmonica Barefoot Iano, avait su s’imposer comme une des figures les plus qualitatives du blues-rock actuel avec son premier opus, Spring time coming (2009). Devenu quatuor pour défendre leur nouvelle galette sur les routes, les compères proposent ici un tournant résolument rock. En un premier titre, “Still in the race”, les monumentaux musiciens plongent dans du rock old school qui régale les oreilles. Pas de panique néanmoins pour les puristes, les accents blues du Sud des États-Unis sont toujours au rendezvous, “Go round again” et “Work song” en étant l’illustration sonore. Alors qu’harmonica et guitares se donnent sublimement la réplique tout au long de cette pépite, Mr Mat s’essaie brièvement au français : “Passe dans cette vallée”, “Et puis le son”. Balades sonores épiques et obsédantes à travers le rock, le vrai, conté par une voix rassurante.

Black and White, chaud et froid, la rencontre accordée entre le groove fin et l’expérimentation. Mais une gageure pour un chroniqueur ou un mélomane féru d’étiquettes : classer la musique insaisissable du combo parisien. Reste l’essentiel  : le plaisir manifeste des oreilles. Disons que sur une base post-rock et autres modernes musiques raffinées, NLF3 greffe claviers et sonorités électro analogiques chaleureuses. On parvient même à danser sur l’entêtant et progressif « Fields ». Bien souvent, on décèle des sonorités puisées dans la discothèque mondiale intemporelle. Remarquons ainsi sur « Look at their eyes » un sitar que l’on aurait puisé dans le meilleur de la musique psyché. Parfait pour toujours plus enrichir des phases à tiroirs et creuser un sillon inépuisable. Le tout rafraîchi entre autres au son abtract du label américain de Boom Bip, Lex Records. Ces vagues submergeront bien d’autres plages, en quête de nouveaux territoires.

La formation de Lyon fait une musique caféinée où l’afrobeat, la cumbia et autres déclinaisons de musiques typiquement colombiennes rencontrent l’univers électronique, et côtoient des influences du blues touareg en chemin. Pensez à une version carabinée du Buena Vista Social Club et vous y êtes presque ! Au niveau des arrangements, c’est à en faire rougir l’Afro Celt Sound System dans les moments où les guitares rugissent, le saxophone est survolté et les percussions sont lourdes et relevées. De leurs côtés, les voix masculines et féminines échangent constamment, se faisant l’une plus prédominante que l’autre suivant les titres, ce qui procure suffisamment de variété pour captiver l’attention de l’auditeur. Similaire à la formation Ojos de Brujo pour son énergie brute ou à la musique latine contemporaine et bigarrée de Bomba Estéreo, cet enregistrement électrique, éclectique et éclaté ensoleillera même vos journées les plus maussades.

Les guides sont masqués et costumés tels les officiants d’un mystérieux rituel, prêts à nous conduire à travers un paysage enneigé, attirés par la voix de givre d’une prêtresse païenne… Le soin porté par le trio strasbourgeois à la mise en scène de sa musique n’est pas démenti par celleci : cinématographique, pourvoyeuse de visions, elle est le moteur d’un voyage vers d’irréelles contrées, terres glacées issues de légendes fantastiques ou secrets rivages intérieurs… Des claviers synthétiques, des boucles électro, une batterie et un trio de cordes soyeuses forment le socle d’une “trip-pop” qui se laisse teinter ici de jazz, là de new wave. Un socle sur lequel s’épanouit la voix de Christine Clément, qui évoque autant la limpidité d’un torrent montagnard que l’étrange et presque menaçante clarté des aurores boréales. Polaroid3 dessine de vastes paysages hivernaux et pourtant chaleureux, dont s’empare parfois une douce mélancolie, entre inquiétude et sérénité, feu et glace…

JULIA ESCUDERO

dmountain-men.fr

Vincent Michaud

dnlf3.com/music.html

PASCAL DESLAURIERS

dgrolektif.com/ecard-pixvae

JESSICA BOUCHER-RÉTIF

dpolaroid3.com

PSYKUP Ctrl + Alt + Fuck

R.WAN Curling

OUMOU SANGARÉ Mogoya

SAX MACHINE Bubbling

Dooweet Agency

Chapter Two Records

No Format / Sony Music

Saxtoyz Records / Musicast

Les Toulousains ont fêté cette année leurs 20 ans d’existence. Malgré ce long parcours musical, Ctrl + Alt + Fuck n’est que leur quatrième album ; on constate à son écoute que les années n’ont pas d d’emprise sur eux. Au fil du temps, Psykup s’est imposé comme l’un des meilleurs groupes de metal de la scène française, aux côtés de Gojira ou Mass Hysteria. Sur ce disque, le groupe fait preuve d’une rare puissance, mais également d’une grande intelligence. C’est un album totalement abouti que l’on écoute d’une traite. Psykup a toujours su ajouter à son metal des éléments venant d’autres musiques : pop, rap, bossa, ce qui confère à son style une subtilité qui manque parfois dans ce genre musical. Il se rapproche en cela d’un groupe comme System of a Down, dont ils seraient les cousins français. Cet album va leur permettre de s’imposer définitivement dans la cour des grands du metal.

Après avoir parcouru la France pour porter la révolution du dancefloor, Sylvester Staline retrouve sa vraie identité et pond un quatrième album solo. Cette fois-ci, les sonorités orientales sont mises à l’honneur par le chanteur qui aime avoir la tête ailleurs. Du Pays Basque au Brésil (“Bayonnaise de Bahia”), en passant par les montagnes marocaines du Rif, plus que jamais ce disque fait voyager. Le leader de Java [en pause depuis 2010] a toujours le béguin pour la capitale et lui consacre “Paris en bouteille” et “Le ventre de Paris”. N’oubliant pas le maniement de la dérision qui le caractérise, il nous livre de savoureux jeux de mots et ose s’aventurer dans le disco ultra-kitch (“Faites l’amour, c’est la guerre”). Définitivement touche-à-tout, cet album jongle entre rap, jazz, musette, envolées oniriques, et musiques électroniques ; ainsi nous sert-il une chanson française mûre et évolutive. Une affaire à suivre de près.

Depuis trente ans, Oumou Sangaré est l’une des grandes voix de l’Afrique de l’Ouest. Chanteuse engagée dans la lutte des femmes africaines et femme d’affaires, elle est l’une des ambassadrices de la musique malienne dans le monde. Il était donc assez logique qu’un jour, sa route croise celle de l’excellent label No Format, très axé sur les merveilles du Continent noir (Voir Longueur d’Ondes N°80). À l’image de sa pochette pour le moins flashy, Mogoya est un croisement de trad’ et de sons modernes. Les rythmes font des boucles, c’est chaloupé et c’est d’abord une sorte de transe-peace qui s’installe, puis, passé un featuring avec l’immense batteur de Fela, Tony Allen, on se dirige gentiment vers le dance floor. Avec ses chœurs, ses claviers kitschounes et son groove disco, le morceau “Kamelemba” est une synthèse de tout ça. Petit avertissement tout de même : si on ne comprend pas tout à la première écoute, une fois initié, attention aux sensations !

L’histoire remonte à 2 ans, à Madagascar... Le groupe était en résidence au Libertalia, festival d’où émergeront The Dizzy Brains (“révélation des Trans Musicales”, 6 mois plus tard). Sur ce bord de piscine, on avait alors découvert l’épais CV du trio afro-beat / deep funk en provenance de Rennes : le saxophoniste Guillaume Sené (Like Jam, Xavier Pillac), le tromboniste Pierre Dandin (Sergent Garcia, Malted Milk, Mix City) et RacecaR, MC de Chicago ayant taquiné le micro avec Slim Kid (The Parcyde), Speech (Arrested Development) ou Soul Square (DJ Atom). Leur hip-hop cuivré avait déjà cette saveur apatride, ce chaudfroid dandy et métissé. Sensation confirmée l’année suivante au New Morning, en première partie de The Mouse Outfit. Assez pour en rêver, version vinyle, en ouverture ou fin de soirée. Rechute cette année : leur 2e album aggrave l’obsession syncopée et mélodique. Avec pour invités : Mattic (Wax Tailor) ou encore Raashan Ahmad (Crown City Rockers). What else ?

PIERRE-ARNAUD JONARD dfacebook.com/pages/Psykup

VALENTIN CHOMIENNE

46 Longueur d'ondes N°81

dr-wan.fr

BASTIEN BRUN dnoformat.net/album-sangare-mogoya-56.html d

SAMUEL DEGASNE

dsaxmachine.biz


chroNiques musique

SCHLAASSS Casa plaisance

SLAUGHTERHOUSE BROTHERS The man is gone

SUPERSONIC Sons of love

THE FAKIRS Retrace The Track

Atypeek Music / L’autre Distribution

Association Aragonne / TFT Label

Label Bleu

Jawaka Production

Il y a deux ans sortait Slaasssch, mi-coup de poing, mi-mise au point. “Onani”, le titre qui s’écoutait d’une seule main, ou le bien nommé “S****e”, donnaient le ton. Chez certains, le mot salope est juste vulgaire, mercantile, et inutile ; il devient, dans la bouche de Charlie et Daddy, militant et drôle. On les annonce assagis, la réponse est claire : assagis, mon cul ! “Kiki” avec le slogan « C’est ta bite » en est la parfaite illustration. Sans hésitation, le pudique iTunes indique Explicit partout, sauf pour le tube “Bisous”. Rap intelligent mâtiné d’électro : voilà qui peut résumer le duo de Saint-Étienne. Il convient d’ailleurs de parler de trio puisqu’aux beats sévit Kiki qui donne un côté sautillant à l’ensemble. Coquine à bon escient, Charlie, qui n’est pas sans rappeler les Titis du temps des Béru, et Daddy, qui commit jadis sous le nom de Pusse trois albums devenus de vrais collectors, écrivent ces paroles qui réclament l’art libre et l’amour des dauphins. Un bon coup de couteau dans le mou pensant.

La pop enjouée de ce quatuor caennais a des relents de la BO de Friends. Cela tombe bien, on est ici en terrain ami. Des mélodies virevoltantes, des tonalités sixties, le combo se la joue séducteur en diable. Et gagne à tous les coups. Les dix titres en anglais de cette savoureuse galette sont autant d’odes à la douceur de vivre, le tout emporté dans la fureur de riffs veloutés et de chœurs imparables (“Madeleine”). Créé à Évreux dans d’anciens abattoirs (d’où le nom), ce quatuor enthousiaste sait mettre de l’entrain dans son propos et parvient sans mal à emporter le morceau. Ce très réussi nouvel album, le second, mélange les sonorités gospel et soul pour percuter, dans des ambiances psychées, le meilleur de la pop. Ces frangins musicaux peuvent sans contexte désormais prétendre à une reconnaissance nationale. Pour le moins.

Depuis quelques saisons, le saxophoniste Thomas de Pourquery s’est fait un nom côté pop avec son groupe, VKNG (lire : Viking). Assez loin de cette musique inspirée des années 80, Supersonic est le sextet de jazz avec lequel ce touche-à-tout explore les versants du free. Avec ses élans cosmiques, ses cassures franches et ses paroles comme des mantras, ce premier album original, après un hommage déjà remarqué à Sun Ra, possède donc une approche musicale très libre qui rappelle de grands iconoclastes comme Zappa ou dans un registre plus voisin, Moondog. Après un hommage déjà remarqué à Sun Ra, Sons of love devrait faire toussoter les puristes de tous horizons. Mais de notre côté, on applaudira plutôt ces changements de registres permanents, ces frottements et le son rugueux de ses cuivres. Fille psychédélique de l’amour, cette musique est diablement vivante. Elle dissone, bouscule, caresse parfois et rue le plus souvent dans les brancards, sans qu’on y voit le moindre inconvénient.

Si la Bresse est plus connue pour sa volaille que pour son rock, les choses devraient changer grâce au duo The Fakirs. Formé en 2014 à Joyeux dans l’Ain, le groupe a déjà à son actif deux opus. Leur nouveau disque, Retrace The Track, est un très bon album noise dans lequel pointent également des influences psychédéliques et free-jazz. L’utilisation du moog et du saxophone sur certains titres accentuent ces colorations. Même si l’album se rapproche du son stoner, il ne saurait être cantonné à ce style. Le duo fait preuve ici d’une grande ouverture d’esprit musicale et cela nous offre un album assez riche et plus complexe qu’on ne pourrait le penser. On sent chez ces deux garçons une envie d’innover et de s’aventurer sur des terrains musicaux peu balisés. Les morceaux s’étirent sur de longues minutes et permettent ainsi nombre d’expérimentations diverses. La production d’ensemble est excellente et les morceaux d’une grande cohérence. On attend la suite avec impatience.

OLIVIER BAS

dschlaasss.fr/Slaasssch.html

PATRICK AUFFRET dtheslaughterhousebrothers.bandcamp.com d

BASTIEN BRUN dfacebook.com/thomasdepourquerypage

PIERRE-ARNAUD JONARD dthefakirs.bandcamp.com/track/throw-it-away d

TRISTESSE CONTEMPORAINE Stop and Start

CÉDRIC VIENO Autopsie d’un peureux

WYVE Birth

MARY ZOO Tales from the Underground

Record Makers

Distribution Plages

Autoproduction

Autoproduction

Après un premier album minimal faisant revivre la cold wave, avant les effets de mode électro-pop qui ont assailli les ondes FM dans la décennie 2010, le trio avait asséné un second coup nettement plus dansant. Chez eux, la fête est une “Ceremony” sacrificielle. Il y a toujours cette rythmique froide et imparable qui constitue le centre nerveux de leur son. Le titre de cet album agit comme l’ordonnance pharmaceutique de dix compositions osseuses, travaillant le commencement, le degré zéro et la moelle de la métrique. Less is more. Leur musique se construit sur des mantras, des claquements secs sans fioritures, à travers des boucles (“Let’s go”) et des tons lancinants, mais surtout entêtants, à cause du grain de voix râpeux de Mau. Néanmoins la faille de la monotonie, pourtant présente, est très vite comblée par des assauts industriels créés pour la danser sur des icebergs. Prenez “Dem roc”, ce ballet frigorifique qui développe un potentiel d’exutoire que ne renierait pas un Nitzer Ebb.À écouter en priorité : “Dem Roc”.

Un troisième album folk-blues-rock pour cet artiste originaire du Nouveau-Brunswick (Canada), après la parution de Maquiller l’âne en 2014 et NorthShore Love Stories en 2012. Ces derniers lui ont fait avaler des kilomètres de routes, d’un océan à l’autre du pays, jusqu’en France, et la tournée qui s’annonce fera encore bien tourner le compteur... Sa poésie imagée, tantôt intimiste, (“Somany”), tantôt coup de poing (“Pogo jello tonka”), est livrée de manière un peu suave avec une interprétation théâtrale, toutefois sans l’accent typiquement acadien. Les chansons sentent la forêt et le large à perte de vue sur une musique contemporaine. Les guitares électriques mises à l’avant-plan rappellent les arrangements musclés d’Antoine Corriveau, pendant que les accords un peu foutraques font penser à Louis-Philippe Gingras. L’enregistrement dégage une atmosphère qui se compare avantageusement à la sensualité de David Giguère, aux textes colorés de Yann Perreau et la virilité de Clément Jacques.

Il y a de toute évidence une dimension créative très affirmée dans le duo de Wyve, il suffit de jeter un œil à leur site qui, parfaitement huilé et avec de belles photos, montre la volonté de développer un univers visuel très moderne, à l’image d’artistes comme Aaron, The XX ou Woodkid. L’histoire a commencé en 2014 quand Michaël Dietrich, auteur-compositeur, rencontre Maxime Toussaint au chant et à la guitare, également comédien dans la vie. Une envie commune de composer les poussent à sortir trois ans plus tard leur premier album, savant mélange d’électro-pop aux élans rock avec quelques jolies envolées épiques. Et malgré la volonté initiale, le groupe un peu trop sous influence semble chercher son style et se perd dans les genres en créant une confusion dans l’équilibre des morceaux. Birth n’est pas exempt de défauts, mais l’on prendra beaucoup de plaisir à le découvrir. Il reste à souhaiter qu’avec le temps et un peu de maturité, le duo parisien trouvera sa pleine identité.

Ce disque possède une histoire incroyable : tous les titres qui le composent ont été écrits dans les catacombes, à six pieds sous terre. Cela ne pourrait être qu’un gimmick mais à l’écoute du disque, on se rend compte qu’il n’en est rien, tant les morceaux qui le composent s’avèrent d’une grande beauté. Christine Zufferey nous offre un disque entre rock et classique qui s’envole parfois vers quelque chose de plus baroque. Les arrangements y sont superbes notamment par l’utilisation du violon ou d’instruments traditionnels comme le oud. On pense parfois à Nico tant au niveau du chant que de l’orchestration. Les morceaux sont écrits en français et en anglais et donnent un équilibre intéressant à l’album, avec un côté plus rock pour les morceaux anglophones et plus réaliste pour les titres en français. Tales from the Underground est un disque mélancolique mais jamais triste. On y sent une émotion palpable qui fait toute la richesse de cet album à l’intensité musicale incontestable.

CLÉMENCE MESNIER

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PASCAL DESLAURIERS

dcedricvieno.ca

KAMIKAL

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PIERRE-ARNAUD JONARD dmaryzoo.com/joomla/index.php d

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FRÉDÉRIC DELÂGE Kate Bush, le temps du rêve

ARTISTES DIVERS Only Slam Lyon Anthologie

Éd. Le Mot et le reste, 19 €

Éd. Les Polysémiques, 10 €

Éd. Taschen, 50 €

Le slam lyonnais a fêté en janvier dernier ses 15 ans d’existence et pour marquer l’événement, Les Polysémiques ont choisi de mettre en lumière 16 poètes ayant participé à l’évolution du mouvement sur le territoire Rhône-alpin. Ce recueil s’ouvre sur une préface de Marco DSL, l’un des pionniers français de cet art pas si nouveau, inventé à Chicago dans les années 80, puis fortement popularisé en France par Grand Corps Malade au début des années 2000. À l’heure où de nombreux bars et lieux culturels hexagonaux ne cessent d’accueillir de nouveaux poètes, la capitale des Gaules — riche de plusieurs scènes ouvertes — est un vivier de talents sans cesse renouvelés qui compte bien revendiquer sa place dans le top des villes les plus impliquées. Ce petit livre rouge, tiré à 500 exemplaires seulement, est à commander sur le site polysemiques.com et s’avèrera tout aussi précieux qu’instructif pour les amateurs de cette discipline artistique qui prône fièrement la liberté d’expression !

Ce n’est pas un hasard si ce bel ouvrage est publié par un éditeur de livres d’art. Pour son auteur, historien, les pochettes de disques (pas toutes, mais un certain nombre) sont en soi une œuvre visuelle. Pour les artistes, elles sont un espace de liberté où les contraintes de l’art contemporain n’ont plus court. La rencontre de la création picturale et musicale se fait alors dans la joie. En témoignent les 500 pépites rassemblées ici. Les plus emblématiques sont la banane d’Andy Warhol illustrant l’album éponyme du Velvet Underground, en 1967, ou encore, le couple sur fond orange dessiné par Keith Haring pour ­Without you de David Bowie, sorti en 1983. De Dali à Bansky en passant par le photographe Robert Mapplethorpe, ils sont des dizaines à s’être lancés dans l’aventure. En 2013, Jeff Koons a ainsi signé la pochette d’un disque de Lady Gaga, tandis que Takashi Murakami a travaillé pour Kanye West. Passionnant.

Zit Zitoon

Aena Léo

Roman

BD

Biographie

Aena Léo

FRANCESCO SPAMPINATO Art Record Covers

Récit autobiographique

Cette fille a tout défriché. Sans elle, il n’y aurait probablement pas eu de Björk, de Camille ou même de Christine and the Queens. À son propos, l’auteur écrit qu’elle a été « pionnière dans l’inclusion de la danse, d’éléments de mime et de théâtre au sein de concerts et vidéos pop ». Au Royaume-Uni, Kate Bush est considérée comme un trésor national, et il va sans dire que cette artiste mystérieuse et protéiforme a cultivé l’audace et l’indépendance tout au long de sa carrière. Dans cet ouvrage — le premier en France qui lui est consacré —, le journaliste rock Frédéric Delâge revient sur les grandes étapes de sa carrière. Celle-ci débuta en 1978 avec le 45 tours “Wuthering Heights”, inspiré du roman Les Hauts de Hurlevents d’Emily Brontë. L’inspiration littéraire marquera nombre de ses compositions, sensuelles et fantaisistes, toujours profondes. Un document précieux pour découvrir le parcours de cette créatrice finalement mal connue en France, où on la résume trop souvent à ses tubes “Babooshka“ et “Don’t give up“.

TONI BRUNO et DANILO DENINOTTI Kurt Cobain : when I was an alien

livres

Livre d’art

Recueil

Biographie

chroNiques

EDOUARD GRAHAM Joni Mitchell : songs are like tattoos

GRÉGOIRE HERVIER Vintage

NILDA FERNANDEZ Contes de mes 1001 vies

Éd. Urban Comics, 14 €

Éd. Les mots et le Reste, 24 €

Éd. Le Diable Vauvert, 18 € 50

Éd. l’Archipel, 20 €

On ne remerciera jamais assez cette maison d’édition qui, en plus de réhabiliter une partie du répertoire de DC Comics, s’évertue à publier quelques audaces en marge de leurs écrasants (anti-)héros. D’autant plus quand le façonnage reste chaque fois exemplaire et qu’un important travail est réalisé sur les postfaces. C’est dire tout l’intérêt que relevait la publication d’une bande dessinée sur l’adolescence de celui qui déplaça le centre de gravité du rock dans les années 90... Le parti pris justifie d’ailleurs son entrée dans la collection Urban Graphic : cadrages cinéphiles alternant les points de vue, traits fins proches du croquis et monochromie bleu pastel. Ambiance carnet de voyage plutôt que grunge ? Un choix judicieux qui rejette le pastiche cynique, mais n’évite pas l’écueil du fond. Car l’ouvrage pèche là où les précédents avaient buté : faible densité d’infos et absence de critiques envers une industrie musicale ou un personnage qui ne fut pas qu’un Christ candide. Dommage.

Si elle fut l’une des égéries de Woodstock, sa notoriété fut rapidement éclipsée par celle de Bob Dylan, Neil Young ou Leonard Cohen. La longévité et la richesse de sa carrière n’ont pourtant rien à envier à celle de ses confrères masculins. Étonnante Joni Mitchell ! Née en 1943 au Canada, elle fait une entrée fracassante sur la scène folk en 1967, retracée dans cette biographie érudite. Allergique aux étiquettes, agacée par les compromissions de l’industrie du disque, qu’elle ne tient pas en très haute estime, l’insaisissable Joni ne cessera de prendre des virages. En particulier vers le jazz, qu’elle aime avec passion — quitte à déboussoler son public. Elle travaille avec les maîtres du genre, tels que Herbie Hancock, Charles Mingus ou Jaco Pastorius. En parallèle, l’égérie n’a jamais cessé de peindre, réalisant elle-même une bonne partie des pochettes de ses albums. La plus célèbre est probablement celle de Both Sides Now, sorti en 2000. L’artiste l’a illustré par un autoportrait emprunt d’une mélancolie lunaire à la Edward Hopper.

Parmi les nombreux mythes parcourant l’histoire du rock, il y a celui de la Moderne, une guitare électrique conçue par Gibson, en 1958. S’il en existe quelques croquis, elle n’a jamais été mise en vente, et il n’est même pas sûr qu’un exemplaire ait été produit. Pourtant, une poignée de passionnés affirment régulièrement posséder l’instrument légendaire, comme le guitariste de ZZ Top… Ce roman nous embarque sur les pas de Thomas Dupré, guitariste-pigiste-vendeur dans un magasin de musique. Un jour, l’un de ses clients, un mystérieux lord écossais, le charge de partir à la recherche de la fameuse Moderne. Dès lors, le voilà en route pour un voyage qui, de l’Australie aux États-Unis, le conduira aux racines du rock et du blues. Il y rencontrera des personnages aussi excentriques que fascinants, tel que Li Grand Zombi, un étrange bluesman albinos. L’auteur exploite avec talent cette intrigue attachante pour explorer l’histoire de la musique noire et, au passage, celle des ÉtatsUnis. Bien fichu et haletant.

Il n’était pas à l’aise avec l’idée d’écrire une autobiographie, et le dit dès les premières lignes : « Il y a trop longtemps que je m’exerce à vivre au présent pour ne pas voir d’un mauvais œil la momification du passé ». Après réflexion, Nilda s’est finalement prêté à l’exercice, mais fidèle à lui-même, en prenant la tangente, et en filant en zigzag par les chemins de traverse. Dans cet ouvrage qu’il qualifie de « roman-selfie », l’auteur-compositeur-interprète, qui a connu le succès en 1991 avec “Madrid, Madrid” ou “Nos fiançailles”, retrace des épisodes de sa vie, en puzzle impressionniste. L’enfance — d’abord espagnole, puis française — et l’harmonie de ses souvenirs sont le fil rouge de cet autoportrait qui promène le lecteur de la pampa argentine à la Sibérie, de Cuba au Québec, en passant par New York, Bogotá, Moscou, Oulan-Bator… Un parcours d’artiste au cours duquel l’auteur croisera ceux qu’il appelle ses « frères d’âme », Ferré, Moustaki et Nougaro.

Samuel Degasne

Aena Léo

Aena Léo

Aena Léo

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ca gavE

humeur et vitriol

par Jean Luc Eluard

C

omme en voiture il y a la place du mort, il y a parfois dans les journaux celle du vieux con dont on souhaiterait parfois qu’il prît plus souvent la voiture. Mais à la différence de l’automobile où le récipiendaire du privilège souhaite souvent ne pas en bénéficier, ce qui, en ces périodes mercantiles où même un apprenti présidentiel ne crache pas sur quelques ristournes pécuniaires, est quand même une attitude louable, celle du vieux con dans un journal suscite la jalousie de ceux qui aimeraient pouvoir le faire taire pour avoir mieux à dire et ne se privent pas de le faire savoir en ajoutant souvent leur propre médiocrité à l’absolue mauvaise foi que j’y déploie. On m’abreuve ainsi de substantifs qui se veulent injurieux et sont souvent personnifiés avec des individus « vus à la télé » et qui changent donc avec les modes de détestation : il y eut une période où Eric Zemmour revenait souvent et j’ai eu droit récemment à Cyril Hanouna. Je ne sais pas si j’y gagne mais eux, sans doute... Quoi que je dise, de toute manière, c’est le détesté du moment qui sert de torchon que l’on jette à la figure de ma serviette scripturale. Cela a au moins l’avantage de me tenir au courant des nouveautés télévisuelles et de situer le niveau de l’insulte dans le monde contemporain.

l’on soupçonne d’avoir des idées fumeuses induites par la consommation excessive de substances psychotropes, l’injure musicale n’est pas dans le vent. Eu égard à mon propos liminaire, je pourrais ainsi être traité de « Renaud » mais ça ne me permettrait guère de remettre à flot ma culture musicale qui s’étiole au même rythme que les adhésions au Parti Socialiste. J’en discutais récemment à un Congrès de vieux cons (on se réunit parfois pour comparer la taille de notre impopularité) et il en ressortait une opinion unanime : si l’on est capable de donner une couleur musicale à chaque décennie depuis les années 50 (seuls les plus vieux d’entre nous ont connu cette période, ils sont donc particulièrement choyés et on murmure admirativement dans leur dos « Mais quel sacré con celui-là ! ») jusqu’aux années 90 incluses, nous étions bien en peine de dégager un style particulier depuis les années 2000. Avisant un jeune con qui passait par là (il faisait un stage de perfectionnement), nous lui posâmes la question (sans l’emploi du passé simple, trop compliqué). Et tout ce qu’il fut capable de nous répondre fut un « Heu... » qui en disait long sur l’état de perplexité dans lequel nous l’avions jeté.

Et derechef, je regrette amèrement que les noms de groupes ou de genres musicaux ne soient pas plus employés pour servir d’étalon à la détestation que je procure chez certains (...attention à ne pas mélanger ! Je ne dis pas que je sers d’étalon chez certains même si parfois, je regrette que ce ne soit pas le cas). Hormis dans quelques campagnes reculées du Bas-Livradois ou du Haut-Berry où le terme « Pink Floyd » a encore cours plus de 40 ans après son apparition pour désigner une personne que

Et le constat est unanime : le brouet musical dans lequel nous pataugeons depuis 15 ans ressemble à un programme d’Emmanuel Macron. Il y a là dedans des choses qui ont l’air neuves, mais qui ne sont que le réassemblage de recettes qui ont pu marcher à une autre époque. Pour expliquer cet état de déshérence de l’imagination musicale, je vais bien être obligé de ressortir le poncif que l’on attend de ceux de ma catégorie socioprofessionnelle : c’est la faute d’Internet. Avant que le virtuel ne s’impose à la réalité, les

Audition, piège à con maisons de disques, vieux satrapes apôtres du capitalisme qui, on le sait, ne concerne absolument pas le monde merveilleux de l’Âaaaart, choisissaient plus ou moins ce qui avait droit de cité ou pas sur les ondes radiophoniques, seul vecteur d’écoute (je sais, c’est tellement old-school...). Et si, dans l’ensemble, leur but était de faire ingurgiter un maximum de choses vite faites mal faites, il y avait quand même quelques personnes dans ces boîtes qui faisaient correctement leur travail et cherchaient aussi à mettre en avant des choses jamais entendues, des nouveaux styles, des trucs que je te dis pas comme c’est révolutionnaire (même Pink Floyd le fut en son temps, c’est dire...). Alors que désormais, c’est le public qui, grâce au Net, choisit en priorité ce qu’il veut écouter et les maisons de disques se contentent bêtement de suivre le mouvement. Et je suis désolé de te le dire, cher public dont je m’extrais grâce à ma place en fin de journal et à ma mauvaise foi qui donne un aperçu de l’infini, l’auditeur va écouter en priorité ce qu’il connaît déjà, tout comme il vote aussi “moutonesquement” pour les programmes politiques qu’il a déjà vu passer à toutes les élections précédentes. Ainsi, on se retrouve consciencieusement abreuvé de choses qui sentent la naphtaline et le bon goût creux, l’ordinaire de déjà-vu plutôt que les embruns du large et de l’imagination débridée. Alors, cher auditeur, avant d’écouter pour la millième fois ce que tu as déjà entendu sous d’autres formes et en d’autres temps, essaie un peu des trucs bizarres, quitte à perdre une oreille (tu peux même écouter les groupes dont on parle dans ce canard, c’est dire si c’est étrange...). Et cette prise de risques, ça vaut aussi pour les élections.

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