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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
9C_255/2016  
   
   
 
   
   
 
 
 
Arrêt du 17 février 2017  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales Pfiffner, Présidente, Glanzmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Bleicker. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Easy Sana Assurance Maladie SA, Service juridique, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-maladie (soins médicaux), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, du 21 mars 2016. 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, née de sexe masculin en 1946, est assurée auprès de Easy Sana Assurance Maladie SA (ci-après: la caisse-maladie) pour l'assurance obligatoire des soins. Elle a subi une opération de réassignation sexuelle à l'étranger en 2008. 
Le 29 janvier 2013, l'assurée a demandé la prise en charge d'implants mammaires, sa poitrine étant restée très petite malgré un traitement hormonal débuté en 2007. Elle a transmis à la caisse-maladie les avis des docteurs B.________, spécialiste en radiologie (du 6 novembre 2013), C.________, médecin chef auprès du service de chirurgie plastique, reconstructive, esthétique et de la main de l'Hôpital du Valais (du 24 mars 2014) et E.________, spécialiste en médecine interne générale et endocrinologie-diabétologie (des 10 septembre 2013, 24 mars et 25 juillet 2014). Ce dernier a précisé que l'intervention chirurgicale pouvait se dérouler dans le même temps opératoire qu'une tumorectomie rétro mamelonnaire droite (tumeur bénigne). En se fondant sur l'avis de son médecin-conseil (du 18 décembre 2013), la caisse-maladie a confirmé la prise en charge des frais liés à la tumorectomie, mais indiqué refuser celle liée à l'augmentation mammaire (communication du 24 décembre 2013). Après un échange de correspondance, elle a formellement nié le droit de l'assurée au remboursement des coûts liés à une augmentation mammaire bilatérale de type esthétique, intervention qui a eu lieu le 8 janvier 2014 (décision du 6 octobre 2014). L'assurée ayant contesté le prononcé, la caisse-maladie a confirmé sa position (décision sur opposition du 11 décembre 2014). 
 
B.   
A.________ a déféré cette décision au Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales. La caisse-maladie a produit un nouvel avis de son médecin-conseil (du 12 février 2015) et conclu au rejet du recours. Par jugement du 21 mars 2016, la cour cantonale a débouté l'assurée. 
 
C.   
A.________ forme un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle conclut à ce que la caisse-maladie soit condamnée à prendre en charge au titre de l'assurance obligatoire des soins les coûts afférents à l'augmentation mammaire du 8 janvier 2014, soit la somme de 5'531 fr. 81. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Par exception à ce principe, il ne peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.   
Le litige porte sur la prise en charge par l'assurance-maladie obligatoire des frais médicaux relatifs à la pose d'implants mammaires (du 8 janvier 2014). 
 
3.  
 
3.1. L'assurance-maladie sociale alloue des prestations en cas de maladie (art. 3 LPGA et art. 1a al. 2 let. a LAMal). Selon l'art. 25 al. 1 LAMal, l'assurance obligatoire des soins assume les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles. Est réputée maladie, toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n'est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail (art. 3 al. 1 LPGA). La notion de maladie suppose, d'une part, une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique dans le sens d'un état physique, psychique ou mental qui s'écarte de la norme et, d'autre part, la nécessité d'un examen ou d'un traitement médical. La prise en charge des conséquences d'une maladie suppose également que celles-ci relèvent d'une altération de la santé et puissent ainsi être qualifiées de maladie (ATF 137 V 295 consid. 4.2.2 p. 298; 134 V 83 consid. 3.1 p. 84 et la référence).  
 
3.2. Les défauts esthétiques en tant que conséquence d'une maladie ou d'un accident n'ont pas valeur de maladie. La jurisprudence reconnaît cependant que l'assurance obligatoire des soins est tenue de prendre en charge un traitement chirurgical lorsque, servant à l'élimination d'une atteinte secondaire due à la maladie ou à un accident, il permet de corriger des altérations externes de certaines parties du corps - en particulier le visage - visibles et spécialement sensibles sur le plan esthétique; aussi longtemps que subsiste une imperfection de ce genre due à la maladie ou à un accident, ayant une certaine ampleur et à laquelle une opération de chirurgie esthétique peut remédier, l'assurance doit assumer les frais de cette intervention, à condition qu'elle eût à répondre également des suites immédiates de l'accident ou de la maladie. Il faut également réserver les situations où l'altération, sans être visible ou particulièrement sensible ou même sans être grave, provoque des douleurs ou des limitations fonctionnelles qui ont clairement valeur de maladie. Il en est ainsi des cicatrices qui provoquent d'importantes douleurs ou qui limitent sensiblement la mobilité (ATF 134 V 83 consid. 3.2 p. 85 et les références; arrêt 9C_465/2010 du 6 décembre 2010 consid. 4.2).  
 
4.  
 
4.1. La juridiction cantonale a considéré que les coûts afférents à la pose d'implants mammaires (du 8 janvier 2014) n'étaient pas à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Elle a retenu que l'hormonothérapie avait permis la présence d'une poitrine féminine, soit une réassignation sexuelle complète au niveau de celle-ci. La recourante n'avait par ailleurs pas démontré que la taille de sa poitrine présentait un défaut esthétique "tout à fait hors du commun" ou qu'elle en souffrait psychologiquement. Dans ces conditions, faute d'une indication médicale, il n'y avait pas lieu de traiter la demande de la recourante d'une façon différente de celle d'une femme née de sexe féminin et qui estimerait sa poitrine trop menue.  
 
4.2. Contestant le point de vue de la juridiction cantonale, la recourante soutient qu'elle est atteinte d'une maladie (dysphorie de genre) donnant droit à la prise en charge par l'assurance-maladie sociale des soins faisant partie des caractéristiques sexuelles secondaires. Il serait dès lors aberrant et discriminatoire d'assimiler sa situation à celle d'une "femme d'origine biologique".  
 
5.  
 
5.1. Selon la jurisprudence, l'opération de changement de sexe en cas de dysphorie de genre (ou troubles de l'identité sexuelle) doit être envisagée de manière globale pour des raisons tant physiques que psychiques. Aussi, lorsque les conditions justifiant l'opération chirurgicale sont réalisées, les interventions complémentaires destinées à modifier les caractères sexuels secondaires font partie, en principe, des prestations obligatoires à la charge de l'assurance obligatoire des soins (ATF 142 V 316 consid. 5.1 p. 320 et la référence).  
 
5.2. La poitrine, qui est une partie du corps visible, particulièrement sensible sur le plan esthétique, est un organe caractéristique de l'appartenance au sexe féminin et susceptible d'affecter le sentiment profond de l'identité personnelle et sexuelle (ATF 138 V 131 consid. 8.2.1 p. 138). Pour les personnes ayant subi une réassignation chirurgicale homme-femme, le développement de l'apparence caractéristique d'une poitrine du genre féminin ne revêt pas moins d'importance que les caractères sexuels primaires et doit être mis en relation avec l'importance particulière que revêt l'identité sexuelle (arrêt 9C_572/2015 du 22 juin 2016 consid. 4.2 et la référence à l'ATF 137 I 86 consid. 7.3.3.2 p. 98). Dans le contexte d'une dysphorie de genre, pour autant que l'indication à une opération de changement de sexe est établie, une augmentation mammaire doit être reconnue comme une intervention complémentaire destinée à modifier les caractères sexuels secondaires si cette mesure fait partie d'un programme thérapeutique global établi en fonction de l'ensemble des éléments recueillis et si, à l'intérieur de ce plan, elle peut être considérée comme efficace, appropriée et économique. En principe, la prise en charge des coûts entre alors en considération pour une prestation qui en soi ne constitue pas une mesure à la charge de l'assurance obligatoire des soins (ATF 142 V 316 consid. 5.2 p. 320 et la référence).  
 
6.  
 
6.1. Au regard de ces principes applicables en cas de dysphorie de genre, la prise en charge de l'intervention chirurgicale en cause ne saurait en principe être examinée au regard de la seule jurisprudence sur les défauts esthétiques (consid. 3.2 supra), en ce sens qu'un défaut esthétique ayant valeur de maladie devrait être exigé pour ouvrir le droit à la prestation thérapeutique. En effet, dès lors que le droit aux mesures complémentaires destinées à modifier les caractères sexuels secondaires est reconnu, le traitement y relatif correspond à celui qui est appliqué en principe, selon les règles de l'art médical, étant rappelé que le but d'un traitement médical, en tant que prestation obligatoire au sens de l'art. 25 al. 1 LAMal, est d'éliminer de la manière la plus complète possible les atteintes physiques ou psychiques à la santé (ATF 138 V 131 consid. 5.1 p. 134).  
A cet égard, en cas de transsexualisme vrai, l'accroissement mammaire est en règle générale obtenu par un traitement endocrinologique (cf. LOUIS J. GOOREN, Hormone Treatment of Adult Transgender People, in Principles of Transgender Medicine and Surgery, 2ème éd. 2016, p. 168 et p. 170 s.). Il est en principe atteint après plus de deux ans de traitement hormonal; en raison de la différence importante entre la structure osseuse masculine et féminine, l'apparence du thorax en résultant diffère cependant souvent de celle d'un thorax féminin de naissance avec un développement similaire (cf. SEAL/FRANKLIN/RICHARDS/SHISHKAREVA/ SINCLAIRE/BARRETT, Predictive Markers for Mammoplasty and a Comparison of Side Effet Profiles in Transwomen Taking Various Hormonal Regimens, J Clin Endocrinol Metab, décembre 2012, p. 4423; disponible sous " http://www.jcem.endojournals.org "). 
 
6.2. Selon les constatations de la juridiction cantonale, l'hormonothérapie suivie par la recourante a permis le développement d'une poitrine féminine (de taille "petit bonnet A"). Dans son recours, A.________ affirme que la taille ("peu développée") de sa poitrine constitue un "défaut", compte tenu du statut particulier d'une personne déclarée de sexe masculin à la naissance. Elle se limite toutefois à exposer son point de vue, sans formuler une critique rigoureuse à l'encontre de la motivation cantonale. Elle ne prétend en particulier pas que l'autorité précédente aurait apprécié de manière arbitraire les preuves dont elle disposait ou que celles-ci ne suffisaient pas pour retenir que le traitement endocrinologique avait permis, dans son cas particulier, un accroissement mammaire correspondant à l'apparence caractéristique d'une poitrine du genre féminin.  
La situation de la recourante n'a par ailleurs rien de comparable à celle d'une personne qui souffrirait après la réassignation sexuelle d'une alopécie d'origine typiquement masculine (voir arrêt 9C_550/2012 du 13 juillet 2013 consid. 3) ou nécessiterait la pose d'un implant pénien (voir arrêt K 46/05 du 13 février 2006 consid. 5.2); l'assurée ne fait pas valoir un défaut fonctionnel de l'organe ici en cause ni une répercussion déterminante sur son état psychique. Autrement dit, la motivation fournie dans le recours est insuffisante pour saisir précisément en quoi consiste le "défaut" allégué par la recourante. Les quelques références au dossier cantonal contenues dans le recours sont vaines, étant rappelé qu'il n'appartient pas au Tribunal fédéral de rechercher dans les actes les éléments propres à fonder l'arbitraire des considérations de la juridiction cantonale, supposés qu'ils s'y trouvent (cf. ATF 138 IV 47 consid. 2.8.1 p. 54; 133 II 396 consid. 3.2 p. 400). Il n'y a dès lors pas lieu de s'écarter de l'appréciation des preuves opérée par les premiers juges, la recourante ne pouvant prétendre à la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins d'une intervention chirurgicale qui avait pour but premier de contribuer à rendre sa poitrine plus belle ou plus conforme aux mensurations idéales. 
 
7.   
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
 
8.   
Dès lors que la recourante est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, sa requête d'assistance judiciaire (dispense des frais de procédure) doit être admise (art. 64 al. 1 et 66 al. 1, 1ère phrase, LTF). L'attention de la recourante est cependant attirée sur le fait qu'elle devra rembourser la Caisse du Tribunal fédéral si elle devient en mesure de le faire. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La requête d'assistance judiciaire est admise. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 17 février 2017 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Pfiffner 
 
Le Greffier : Bleicker