Ces deux nouvelles études relancent le débat sur les origines des premiers occupants du continent nord-américain. Anthropologues et archéologues vont de nouveau pouvoir croiser le fer pour essayer d'établir quand et comment les premiers humains ont investi l'Amérique du Nord.


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    Le peuplement de l'Amérique du Nord remonte à au moins 30.000 ans et serait donc deux fois plus ancien qu'estimé jusqu'ici, selon des recherches archéologiques dont les résultats ont été publiés mercredi. Les spécimens collectés, dont 1.900 outils en pierre taillée, prouvent une occupation humaine de la grotte de Chiquihuite (Mexique) remontant jusqu'à 33.000 ans, et qui a duré 20.000 ans, révèlent deux études parues dans la revue Nature.

    « Nos recherches apportent de nouvelles preuves sur une présence ancienne des humains dans les Amériques », dernier continent à avoir été occupé par l'Homme, s'est félicité auprès de l'AFP l'archéologue Ciprian Ardelean, auteur principal de l'une des deux études.

    De nouvelles estimations révèlent un peuplement de l'Amérique du Nord bien plus ancien qu'il ne l'était estimé auparavant. © Joe Raedle, Getty Images North America, AFP, Archives 
    De nouvelles estimations révèlent un peuplement de l'Amérique du Nord bien plus ancien qu'il ne l'était estimé auparavant. © Joe Raedle, Getty Images North America, AFP, Archives 

    Des résultats qui repoussent l'âge des premiers peuplements…

    Les plus anciens spécimens trouvés dans cette grotte, située en altitude et fouillée depuis 2012, ont été datés au radiocarbone (ou carbone 14) sur une fourchette comprise entre 33.000 et 31.000 ans avant notre ère. « Ils sont peu nombreux, mais ils sont bien là », a commenté ce chercheur de l'Universidad autonoma de Zacatecas au Mexique. 

    Ils révèlent une industrie lithique jusqu'ici méconnue, utilisant des outils de pierre débités en fines lamelles, une technologie avancée qui serait venue d'ailleurs, selon les auteurs. Si aucun os ni ADNADN humains n'ont été trouvés sur le site, « il est probable que des humains l'ont utilisé comme base assez fixe, sans doute lors d'épisodes saisonniers récurrents dans le cadre de mouvements migratoires plus larges », affirme l'étude.

    Des humains l'ont utilisé comme base assez fixe […] dans le cadre de mouvements migratoires plus larges

    Les origines de l'arrivée d'Homo sapiensHomo sapiens en Amérique, dernier continent peuplé par notre espèceespèce, sont âprement débattues chez les anthropologues et archéologues. Pendant des décennies, la thèse la plus communément acceptée a été celle d'un peuplement provenant de Sibérie orientale, qui aurait franchi un pont terrestre - l'actuel détroit de Bering - pour débarquer en Alaska, puis se répandre plus au sud.

    Des preuves archéologiques, dont des pointes de lance servant à tuer les mammouthsmammouths, ont longtemps suggéré un peuplement vieux de 13.500 associé à une culture dite de Clovis -- du nom d'une ville de l'État du Nouveau Mexique aux États-Unis -- considérée comme la première culture américaine d'où sont issus les ancêtres des Amérindiens.

    …Et remettent en cause la « culture Clovis »

    Ce modèle de la « culture Clovis primitive » est remis en cause depuis 20 ans, avec de nouvelles découvertes qui ont reculé l'âge des premiers peuplements. Mais seulement jusqu'à 16.000 ans. Les résultats de ces recherches risquent donc d'être vivement contestés. « Cela arrive dès que quelqu'un trouve des sites plus vieux que 16.000 ans : la première réaction est soit le déni, soit une forte approbation », selon le chercheur qui a commencé à fouiller la grotte en 2012. « Il est clair que des peuplements se trouvaient dans les Amériques bien avant le développement de la culture Clovis », écrit Ruth Gruhn, professeur d'anthropologie à l'Université d'Alberta, dans un commentaire accompagnant les publications.

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    La seconde étude, des chercheurs ont réussi à dater des échantillons de 42 sites à travers l'Amérique du Nord, utilisant la datation par radiocarbone et par luminescence. Grâce à des modèles statistiques, ils ont démontré une répartition de la présence humaine « avant, pendant et immédiatement après la période du dernier maximum glaciaire », entre 27.000 et 19.000 ans.

    La présence humaine, un facteur clé de l'extinction des grands mammifères ? 

    Cet épisode de glaciation est crucial, car il est communément admis que les calottes glaciairescalottes glaciaires couvrant à l'époque la plupart du nord du continent ont rendu impossible toute migration humaine venue d'Asie. « Donc, si des humains se trouvaient là durant cette dernière période glaciairepériode glaciaire, c'est forcément parce qu'ils étaient arrivés avant », relève le Pr Ardelean.

    La présence très ancienne de populations à travers le continent coïncide aussi avec la disparition de la mégafaunemégafaune nord-américaine, dont les mammouths et autres espèces disparues de dromadairesdromadaires et de chevaux. « Nos analyses suggèrent que l'expansion généralisée des Hommes à travers l'Amérique du Nord a été un facteur clé de l'extinction des grands mammifères terrestres », conclut cette étude.

    De nombreuses questions restent en suspens, notamment celle des routes empruntées par les premiers arrivants, soit par le détroit de Bering ou, comme le suggèrent de récentes découvertes, le long de la côte pacifique, à pied ou par des petites embarcations.


    Le plus vieux village d'Amérique du Nord vient d'être découvert

    Article de Xavier Demeersan, le 14 avril 2017

    Sur une petite île du territoire revendiqué par la nation Heiltsuk, au large de la Colombie-Britannique, au Canada, des restes d'un campement vieux de 14.000 ans ont été retrouvés. Cette découverte témoigne d'un peuplement de l'Amérique plus ancien qu'on ne le pensait.

    Des restes d'un campement humain datés de 14.000 ans ont été découverts sur la petite île du Triquet, située au nord de Vancouver, près des côtes de la Colombie-Britannique (ouest du Canada). Les fouilles dans le paléosol ont permis de trouver, autour des restes d'un foyer, divers artefacts comme des outils en boisbois sculptés.

    C'est la datation des quelques échantillons de charbonscharbons qui a permis à l'équipe d'archéologues et d'anthropologues de dater l'occupation de ce site. Il s'agit du plus ancien témoignage de peuplement de l’Amérique. Une découverte majeure qui, une fois de plus, relance le débat, vieux de plusieurs décennies, quant à la date d'arrivée des premiers humains sur le continent.

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    De gauche à droite, John Maxwell, Alisha Gauvreau et Seonaid Duffield sur le site de fouille de l’île du Triquet, en Colombie-Britannique. © Joanne McSporran
    De gauche à droite, John Maxwell, Alisha Gauvreau et Seonaid Duffield sur le site de fouille de l’île du Triquet, en Colombie-Britannique. © Joanne McSporran

    Un site connu dans l’histoire plurimillénaire des Heiltsuk

    Selon l'hypothèse la plus souvent évoquée, les colons venus d'Asie auraient emprunté un corridorcorridor de terre ferme dans le détroit de Béring, lorsque le niveau des océans était plus bas, du fait de la glaciation, pour ensuite gagner l'Alaska puis le centre du Canada.

    Cette récente découverte favorise toutefois une théorie alternative : les premiers habitants seraient venus par bateaux. « Au regard de notre site, il apparaît évident que ces personnes étaient plutôt des chasseurs de mammifèresmammifères marins », a déclaré à CBC News Alisha Gauvreau, étudiante en doctorat à l'université de Victoria, qui a conduit ces fouilles avec une équipe du Hakai Institute et des membres de la nation Heiltsuk.

    L'île est sur leur territoire revendiqué et, justement, il y est fait allusion dans un récit vieux de plusieurs millénaires. « L'histoire orale des Heiltsuk parle d'une bande de terre dans la zone où les fouilles ont eu lieu, a expliqué William Housty, un de leurs descendants. C'était un endroit qui ne gelait jamais durant l'ère glaciaire et où nos ancêtres affluaient pour survivre ».

    Pour lui et son peuple, cette découverte apporte des éléments matériels complémentaires à leur histoire. « Nous avons une histoire soutenue par la science et l'archéologie occidentales », a-t-il fait savoir. Autant d'arguments qui leur permettront de mieux renégocier leurs droits.