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C'est vraiment cool de travailler en start-up?

Outils nouvelle génération, open space cosy, flexibilité horaire… Ici, rien n’est trop beau pour vivre une aventure collective. En étant à fond connecté.

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Click&Boat vient de racheter Sailsharing tout en annonçant une levée de fonds d'un million d'euros. Le marché des start-up françaises de locations de bateaux se structure.

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Déconnectés hors des heures ouvrées? L’idée fait bien rigoler la plupart des geeks exerçant dans les start-up. Leur univers semble à des années-lumière du droit à la déconnexion récemment instauré dans le Code du travail. Le dispositif paraît peu adapté à la «France startup nation» biberonnée au modèle californien où l’on ne jure que par la liberté individuelle. Dont celle d’organiser à sa guise sa vie professionnelle.

Depuis leurs débuts, à l’aube des années 2000, ces PME nouvelles génération se sont construites autour d’une mythologie : ici, l’employé participe à une « aventure collective », il ne compte pas ses heures, et travaille en « mode projet » avec des équipes disséminées géographiquement. Il se doit bien sûr d’être autonome et polyvalent. « Dans une start-up, nous ne nous posons pas la question de la déconnexion car tout le monde est consentant. Il y a une forte empreinte technologique dans nos métiers », tranche Benjamin Bianchet, directeur général de la cagnotte collaborative Leetchi. Quand il a rejoint la fondatrice Céline Lazorthes pour développer la société, il a connu « des journées sans horaires, avec des recrues de 22 ans qui dormaient parfois sur place ». Pas vraiment le temps de participer aux débats savants sur la déconnexion qui ont donné lieu au projet de loi.

Volontarisme, flexibilité des horaires : cela fait partie des critères de recrutement des start-up. «Dès les entretiens, nous précisons que le rythme sera dur et intense, qu’il faudra tenir dans la durée», précise Jérôme Lecat, à la tête de Scality, start-up en pleine croissance, détectée comme une future « licorne » susceptible d’atteindre le milliard de dollars de valorisation. Ici, on travaille de «45 à 50 heures par semaine en moyenne, et je demande à mes managers d’être joignables 7 jours sur 7». Chez Devialet, autre star tricolore, connue pour ses enceintes connectées haut de gamme, «les recrues sont hyper-connectées par passion, par intérêt : dans une entreprise comme la nôtre, les gens s’engagent à fond. L’enthousiasme est indispensable», martèle Quentin Sannié, son cofondateur.

Pouvoir travailler chez soi

A fond connectés, donc. Mais en échange les «digital natives», ces jeunes qui n’ont pas connu les années d’avant-web, «réclament une flexibilité dans les horaires, et de pouvoir travailler de chez eux quand ils veulent. Chez nous, le télétravail est répandu. Mais de manière non contractualisée, informelle», explique Olivier Giovanni, responsable ressources humaines dans les fonctions R&D chez Criteo. Une forme d’autorégulation s’est instaurée. Côté management, cela se traduit par un droit informel au télétravail, et l’adoption en masse d’outils de collaboration nouvelle génération. Comme le service de messagerie interne Slack, qui permet de créer des groupes de discussion thématiques. Les dirigeants des start-up ont aussi créé leurs propres rituels pour maintenir l’esprit d’entreprise. Tels les all-hands, réunion hebdomadaire par visioconférence où le patron parle de la stratégie et de la vie de la société en vingt minutes, ou encore les séminaires, au ski chez BlaBlaCar ou au bout du monde chez Criteo.

Les locaux de ces entreprises ont été conçus comme des cocons. Une start-up lambda doit cocher les bonnes cases : open space, vaste cuisine, mais aussi salle de jeux avec (au choix) baby-foot, arcade de jeux ou table de ping-pong sont de rigueur. Chez Leetchi ou MyLittleParis, des décoratrices d’intérieur ont été recrutées pour créer une ambiance cosy, avec fauteuils et bibliothèques. «Il y a une volonté de créer une ambiance comme à la maison. Et c’est un argument pour recruter», souligne Benjamin Bianchet. Pour attirer les talents, il faut aussi étendre le panel de services: séances de yoga, de relaxation, massages, voire conciergerie… Rien n’est trop beau pour assurer le bienêtre du salarié. Et sa productivité.

Rester connecté ou partir

Cette « cool attitude » masque une certaine précarité, voire une forme de déshumanisation du travail, raconte Mathilde Ramadier dans Bienvenue dans le nouveau monde : Comment j’ai survécu à la coolitude des start-up (éditions Premier Parallèle). La jeune femme témoigne de son immersion dans plusieurs start-up à Berlin. « Quand un collègue “part pour de nouvelles aventures”, pas de pot de départ. Sa chaise reste vide quelques heures. Les start-up ont besoin de flexibilité et ne s’embarrassent pas d’un salarié qui compte ses heures. Si ce dernier garde la foi en sa mission, il est augmenté. Sinon, il est viré », raconte-t-elle, sans fard. La plupart des dirigeants de start-up, qui ne se sont pas économisés pour créer leur société, ont du mal à accepter que leurs collaborateurs se comportent comme des salariés lambda. Et la hantise est de devenir une boîte normale, une bureaucratie. Le combat de ces entreprises est de conserver l’esprit start-up. «Si elles perdent leur flexibilité, elles pourront difficilement demander à leurs collaborateurs d’être mobilisables à toute heure. Elles risquent alors d’être soumises au droit du travail sur la déconnexion », souligne Guillemette Colombe, consultante chez The Boson Project. Rester connecté ou partir, telle est l’alternative pour l’instant proposée à la majorité de ceux qui travaillent en « mode startup».

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