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High-Tech
L'histoire

Dorcel s'impose au premier hackathon "sex tech" français

Le week-end dernier s'est déroulé à Paris le premier hackathon de l'économie du sexe, le SexTechLab. Soixante-neuf participants ont passé plus de 50 heures à développer des projets liés aux sites de rencontres, aux sextoys ou aux films pour adultes. Des entrepreneurs aguerris leur ont rappelé comme il est dur d'entreprendre dans le sexe. Challenges y était.

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Sex tech lab, premier hackathon sur les sex tech co-financé par Dorcel

Sex tech lab, premier hackathon sur les sex tech co-financé par Dorcel

SexTechLab, quèsaco ? Ce week-end du 20 et 21 mai 2017 était organisé le premier hackathon dédié à l’industrie du plaisir à l’Ecole 42, usine à développeurs située dans le dix-septième arrondissement de Paris. Pour accéder à l’amphithéâtre dans lequel se déroule le concours, il faut se faufiler dans un couloir sinueux au sous-sol de l’école, discrétion assurée. On est surpris que cet évènement soit organisé dans l’école montée par Xavier Niel, car le Pape de la tech française, qui a démarré son activité en investissant dans le Minitel rose, les peep-shows et sex-shops, n’apprécie guère qu’on lui rappelle ses débuts.

Au micro, une brunette en jupe, casquette Dorcel vissée sur le crâne, chauffe la salle pour le concours de pitchs. Cela fait 54 heures que ces douze groupes de jeunes âgés de 20 à 30 ans, autant d’hommes que de femmes, des diplômés d’écoles de commerce et de l’Ecole 42, planchent sur des projets d'entreprises innovantes dans l’industrie du sexe, de l’amour et de la santé. « Soixante-neuf participants tout pile. J’espère que ça va nous porter chance », s’amuse Bastien, l’un des organisateurs.

Devant l’habituel rétroprojecteur, passe l’équipe de « Heart sensation » qui présente une application qui fait vibrer un sextoy au rythme du cœur de son âme sœur. Puis D-Date, un projet de site de rencontres articulé autour de l’organisation d’activités thématiques (du restaurant au musée en passant par le sport). De quoi remplacer les tchats interminables.

« Je veux surtout trouver un mec à ma mère », lance avec punch une geek blonde qui imagine un site de rencontres pour les séniors dont l’application ne serait pas manipulée par les intéressés, mais par leurs enfants trop intrusifs. Son projet, « TuMamm » va être accompagné par The Family. A l'origine de « Can’U », un jeune homme a pensé aux couples rattrapés par un quotidien ronronnant. Il leur propose « une application pour pimenter leur vie de couple avec des défis sexys. Une bonne surprise à faire en rentrant le soir à la maison ». De quoi séduire Be-Coworking qui leur a offert d’être incubé dans ses locaux pendants trois mois. D’autres réfléchissent déjà à une « cup mensuelle » connectée comme alternative aux tampons tant critiqués. Imaginatif mais périlleux en matière de réglementation.

C’est Ali(x), un « chatbot » conçu pour Facebook et dédié à l’éducation sexuelle des 13-18 ans qui a remporté la mise. Les fondatrices d’Ali(x) seront invitées à pitcher à Futur en Seine la semaine prochaine et suivront trois ateliers sur la création d’entreprise dans le très sérieux incubateur Paris Pionnières. Mais Jacques Waynberg, doyen de la sexologie en France rappelle que « pour un tel projet, il faut s’associer avec les acteurs officiels, le Ministère de la Santé ou de l’Education, c’est dur de les approcher. Ils ont besoin de jeunes qui innovent en parallèle, mais ils peuvent aussi freiner ce genre d’initiatives ».

Stephen des Aulnois, fondateur du magazine en ligne de la culture porn Le Tag Parfait, et mentor le long du week-end, est plus nuancé sur les résultats de ce hackathon. « Je suis surpris de voir que certains projets qui n'étaient pas aboutis quelques heures avant de passer au jury se retrouvent embarqués dans The Family ou le Dorcel Lab. Ces évènements sont aussi une manière habile de communiquer pour les entreprises présentes. Malheureusement, ce n'est pas ça qui changera le problème fondamental du milieu adulte : aucune boite dite "mainstream" n'investira dans ce secteur », explique-t-il.

Une organisation inhabituelle

L’équipe d'organisation habituelle des hackathons « Startup Weekend » n’est pas à l’origine de cet évènement, car la marque détenue par l’incubateur américain Techstars répond à des règles strictes : pas de sexe, de drogue et d’armes. C’est donc la petite équipe Made in France de l’association ADN start-up qui a donné forme au projet depuis septembre dernier et emboîte le pas à Londres, première ville européenne à avoir lancé un évènement comme celui-ci. « Le budget a atteint les 10.000 euros, c’est plus que ce que nous avions prévu », confie Bastien. L’entreprise Marc Dorcel a rejoint le projet dans un second temps, en a financé presque la moitié et a même offert des boites de jeux de société érotiques aux participants. Le reste des fonds provient en partie de Wyylde, le premier réseau social pour les couples libertins. L’incubateur The Family, dont le fondateur Nicolas Colin avait signé en mars 2016 une tribune « We Want More Sex (Startups) » appelant les entrepreneurs de ce domaine à venir frapper à sa porte, a mis la main à la poche avec d’autres acteurs plus modestes de ce nouvel écosystème.

Entreprendre dans le sexe, parcours du combattant

Pour les entrepreneurs présents, membres du jury et mentors chargés d'accompagner les créateurs, ce hackathon est l’occasion de rappeler à quel point il est difficile d’entreprendre dans le sexe, même en France en 2017. Banquiers, investisseurs, institutions, tous reculent au moment de soutenir ces entreprises à l'activité coquine. Christel Lecoq, fondatrice de B-Sensory, dont l’application de littérature érotique est reliée à un sextoy, a galéré pour obtenir les fonds nécessaires à la commercialisation de son produit le Little Bird. « Même si nous avons été récompensés par un prix de l’innovation au CES 2016, que nous sommes passés dans le classement Challenges des start-up dans lesquelles investir l’an dernier, les fonds d’investissements ont tardé. Ils sont encore trop frileux. Ils ne veulent pas voir leur image associée à des sextoys », explique-t-elle. Cela a aussi gêné le concours Lépine qui a chassé la jeune entreprise le 3 mai dernier, après trois jours d’exposition. Gênant. Et économiquement dommage, car le potentiel marché des jouets pour adultes est réel : il devrait frôler les 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires mondial en 2020.

Confronté lui aussi à des difficultés pour obtenir des capitaux ou faire la promotion de son activité, Marc Pointel, fondateur du site de e-commerce Le Roi de la Capote, a souhaité « bon courage aux futurs entrepreneurs du sexe parce que c’est très difficile dans ce domaine. Croyez-moi, j’ai 13 ans d’expérience ! » Les candidats n’y couperont pas, il faudra investir sur fonds propre ou compte sur le crowdfunding au moins le temps de prouver l’intérêt du concept.

Dorcel ouvre son propre incubateur

Pour la maison Dorcel, cet événement tombe à pic. Le groupe de films pour adultes, qui a fait de l’innovation sa marque de fabrique (chaînes spécialisées, diversification, expérience de réalité virtuelle), prépare depuis des mois le lancement de son incubateur « DorcelLab ». En 2015, il avait déjà investi dans une start-up française fondée par Quentin Lechemia et basée en Angleterre : Uplust. Ce réseau social non censuré qui diffuse des vidéos et des photos de vrais amateurs vient d'atteindre les 500 000 membres. Le Dorcel Lab incubera donc cinq nouveaux projets, dont leur coup de cœur de ce week-end « Porn it yourself ».

Ce projet se présente comme le « Airbnb du porno » et met à disposition des réalisateurs et techniciens pour permettre à n’importe quel couple de réaliser son propre film de genre pour un budget moyen de 1.000 euros. Amusant sur le papier, ce concept risque de se transformer en casse-tête juridique pour protéger le droit à l’image des participants et les droits des réalisateurs. Surtout, le sondage utilisé par ses fondateurs et réalisé à la va-vite sur 100 personnes au cours du week-end, annonce un potentiel de marché de...11 millions de personnes intéressées en France ! Complètement démesuré. Grégory Dorcel, PDG de l’entreprise (35 millions d’euros de chiffre d’affaires), a cependant repéré le projet et ne perd pas de vue son objectif. « Pour survivre dans ce milieu à l’heure des tubes, il faut innover et soutenir les entrepreneurs », rappelle-t-il. Un écosystème des « sex tech » est en train de se former en France et le Roi du porno compte bien s’y faire une bonne place.

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