Chen Nini, 32 ans, attend dans le couloir de l’hôpital numéro 3 de Wuhan, où sa mère, mourante, est maintenue en quarantaine. Fin décembre 2019, la maman, Chen Haotao, 59 ans, est allée acheter de la viande au marché de Huanan, d’où est partie l’épidémie quelques semaines plus tôt. « Si elle avait su qu’il y avait un risque là-bas, elle n’y serait jamais allée. Mais à cause du gouvernement de Wuhan, qui contrôlait l’information, elle ne savait pas. C’est comme ça qu’elle a été infectée… », soupire sa fille.
Rhume, fièvre… Mi-janvier, Chen Haotao présente les symptômes du nouveau coronavirus. Le 18, alors que la Chine assure toujours que ce dernier n’est pas transmissible entre humains, elle est admise à l’hôpital. Prises de sang et radio des poumons suggèrent qu’elle souffre d’une pneumonie. Les médecins parlent de cette nouvelle épidémie qui fait rage, mais ne mènent pas les tests qui permettraient de détecter le virus. Aucun lit n’est disponible, Chen Haotao doit rentrer chez elle.
Une semaine plus tard, la Chine a reconnu l’ampleur de la maladie, le président chinois, Xi Jinping, a donné l’alerte. Chen Nini emmène sa mère à l’hôpital Hankou, l’un de ceux qui ont été désignés pour prendre en charge les patients infectés par le virus. « Il y avait plus de 1 000 patients qui faisaient la queue, mais toujours pas de lits disponibles, poursuit la jeune femme. On a dû revenir faire la queue chaque jour pour un traitement en ambulatoire, alors que l’état de ma mère devenait critique : elle pouvait à peine respirer, devenait incontinente, et sa fièvre ne descendait pas. »
Le diagnostic n’est toujours pas confirmé : « Les hôpitaux utilisent souvent l’excuse du manque de kits de diagnostic pour ne pas faire les tests, et ne pas admettre ma mère parce qu’il n’est pas prouvé qu’elle a le coronavirus. Mais la réalité, c’est qu’ils n’ont pas assez de lits », avance Chen Nini. Le 27 janvier, lueur d’espoir, enfin, Chen Nini reçoit un message du directeur des urgences de l’hôpital de Hankou : un lit sera disponible dans l’après-midi, le personnel est en train de le nettoyer. Sa mère est sous oxygène dans un couloir des urgences. Mais le lit n’est plus disponible quelques heures plus tard. « Quelqu’un qui a des relations a dû passer devant nous », se désole Chen Nini. Deux jours plus tard, sa mère reçoit finalement un lit, sur lequel elle se meurt en ce moment.
Pas de médecine de ville
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