Eau en pays de Fayence: les enjeux après une année de sécheresse en 2017

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Voici la version compatible PC, smartphones et tablettes de ce numéro spécial du bulletin de François Cavallier notre conseiller départemental. Il est publié en version papier et disponible en lecteur digital Calameo. Merci à François Cavallier de me permettre de réaliser cette édition html pour le service des lecteurs du blog. Les italiques dans le texte sont de moi. Pourquoi? Parce que quel que soit le sujet traité, on est toujours confronté à la complexité. Or dans le cas de l'eau en pays de Fayence, la complexité est énorme. Un réseau de réservoirs dont la capacité totale est de plusieurs milliers de m3, maintenus pleins par le prélèvement continu de l'eau des résurgences de la Siagnole et le fonctionnement intermittent de pompes dans quatre forages de la plaine (et un 5è prévu). C'est donc un système d'une complexité extrême qu'aucun modèle simplifié permet d'expliquer.

Contenu
  1. Quel est l'état des lieux de l'eau en pays de Fayence?
  2. De combien d'eau disposons-nous ? Combien produisons-nous et combien consommons-nous ?
  3. Quel équilibre entre les besoins du milieu naturel et les usages humains?
  4. Quel avenir pour la Siagnole? Avec ou sans actionnaire privé?
  5. Trouver plus de ressources ou consommer moins?
  6. Faut-il se connecter au canal de Provence ou en rester à nos ressources locales?
  7. L'intercommunalité, échelon providentiel?
  8. Documents

1: Quel est l'état des lieux de l'eau en pays de Fayence?

J'avais consacré, en novembre 2013, un dossier central à la Siagnole, dans le bulletin cantonal n°15 (visible ici) et dont voici le schéma de principe (cliquer). Dans ses grandes lignes, la situation de l'approvisionnement en eau est resté la même : E2S, avec les eaux de la Siagnole et celles des forages de Tassy et de la Barrière, alimentent la quasi-totalité des communes du pays de Fayence (sauf Tanneron qui est alimenté par une dérivation de la Siagne), ainsi que les communes du Syndicat des Eaux du Var Est (S.E.V.E.), des agriculteurs, le stade et le golf de Tourrettes, ainsi que quelques particuliers non encore raccordés à un réseau communal.

En 2016, E2S a distribué 9,4 millions de m3, dont 8,5 à des communes. Sur ces 8,5 millions de m3 distribués à des communes, presque 4,3 soit une bonne moitié, aboutissent à l'usine du Gargalon pour les communes du SEVE.

Nous vivons sur le stock d'eau accumulé dans le réseau karstique du plateau de Canjuers, la montagne de Malay et l'Audibergue depuis des années. Voir ce billet "eau en pays de Fayence 2017". Il n'a pas plu depuis le mois de mai (Voir Climatologie annéé 2017 station météo Le Luc en Provence) et ce stock s'épuise comme le montre le débit aux sources de la Siagnole qui est au plus bas, 229 litres par seconde le 25 septembre 2017 (*). Le réseau karstique d'où proviennent les multiples sources d'eau sous la forme d'exurgences ou de résurgences n'est pas pérenne de manière illimitée; certaines sources se tarissent selon leur relation avec les cavités karstiques remplies d'eau. Plus en profondeur on ne sait pas ce qui se passe, comme dans la plaine de Fayence. L'eau y est encore abondante mais le niveau baisse. Peut-être que certaines zones n'ont pas d'exutoire - la plaine de Fayence? Mais ce qui est certain, c'est que sans réalimentation du stock par des pluies, l'eau viendra à manquer et que des restrictions d'eau deviendront nécessaires. Prions Saint Maxe. La question est comment ces restrictions vont se faire?
(*) Moins 40l/sec réserve des pêcheurs, cela laisse 189l/sec seulement pour le réseau collinaire E2S soit 60% du débit normal de 325l/sec.

2: De combien d'eau disposons-nous ? Combien produisons-nous et combien consommons-nous ?

Pour illustrer le plus simplement et le plus concrètement possible cette question des volumes, prenons la situation factuelle du jour où ces lignes sont écrites, soit le 25 septembre 2017 (cliquer sur l'image pour l'agrandir).

Ce synoptique reflète imparfaitement la situation à mon sens.
- les débits sont les débits mesurés le 25 septembre; il me paraît souhaitable de montrer les débits alloués aux réservoirs par leurs conduites d'alimentation et leurs vannes de règlage, puis de montrer la réduction des débits due à la baisse drastique de l'alimentation d'eau au Jas Neuf.
- La commune de Mons est alimentée par une source située bien au dessus; mais en cette année de sécheresse, cette source est tarie. Mons doit donc s'alimenter aux sources de la Siagnole et pomper l'eau pour alimenter ses réservoirs. Cela montre que le stock d'eau n'est pas pérenne et illimité en tous les points de résurgence de l'immense réseau karstique qui nous alimente en eau.
- Les réservoirs des communes alimentés par E2S sont régulés par les diamètres des conduites d'alimentation et des vannes qui limitent le débit entrant. A Callian il y a trois réservoirs, Fontenouille débit 15 l/sec, et deux à la Pinée débit 28 l/sec soit un débit de 43 litres/sec pour cette commune. La conduite M1 permet un débit de 96 l/sec, ce qui laisse un débit de 53 l/sec pour Montauroux.
- Le réseau E2S alimente l'ensemble des réservoirs des communes de manière à les maintenir pleins par un système analogue à un flotteur dans une chasse d'eau. En aval de ces réservoirs, les communes distribuent l'eau à des milliers d'abonnés via des kilomètres de tuyaux aboutissant à des compteurs individuels qui servent à facturer l'eau au prix de production et de distribution ainsi que de l'entretien de ce vaste réseau.
- E2S alimente ces réservoirs d'une part, par l'eau prélevée aux sources de la Siagnole, qu'on peut considérer comme "fatale" car l'excèdent d'eau prélevée aux sources par rapport à la consommation des réservoirs, doit être déversée dans le milieu naturel hors du réseau; d'autre part, par les 4 forages de la plaine (Tassy 1 et 2, Barrière 1 et 2), mais par des pompes immergées qui peuvent ne fonctionner que de manière intermittente, selon la consommation des réservoirs.

Mais c'est une situation qui présente deux facteurs aggravants : une sécheresse très sévère, qui a amené la Siagnole à une position d'étiage tout simplement jamais vue; et la mise en application des débits réservés négociés avec les services de l'Etat, soit 40 litres/ Seconde en été, contre 19l/s auparavant. Difficile aujourd'hui de dire si ces deux facteurs sont plutôt conjoncturels ou structurels : mais la tendance au réchauffement climatique et au durcissement de la réglementation doivent nous faire envisager cette situation, aujourd'hui exceptionnelle, comme une situation devant se reproduire régulièrement demain.

Or cette configuration a le mérite de faire apparaître avec brutalité la réalité de notre situation : une application trop formaliste des débits réservés (voir page 7) ne serait pas longtemps compatible avec la continuité du service public, c'est-à-dire avec notre capacité à mettre de l'eau au robinet ! Et même sans cela, il est dorénavant clair que nous n'en serions plus capables depuis déjà plusieurs semaines sans les forages, ce que je souhaite rappeler à tous ceux qui se sont émus de la mise en œuvre de ces forages, à Montauroux naguère, à Tourrettes plus récemment: ce n'est pas pour rien que j'avais rappelé à l'époque que l'intérêt général en la matière l'emportait sur les quelques inquiétudes privées.

Il faut continuer de rechercher des forages productifs dans le réseau karstique sous jacent des collines sous la Siagnole. La difficulté c'est de les trouver car ils sont le plus souvent dans les propriétés privées et les propriétaires rechignent. En plus de considérations géologiques, la méthode consiste à répertorier les sondages privés existants, à demander aux propriétaires privés s'ils sont productifs; puis négocier avec eux les conditions d'exécution d'un forage d'essai. Exécuter un forage à petit diamètre; déterminer si l'eau est chimiquement et biologiquement potable; puis faire des essais et des mesures piézo-métriques pour évaluer le volume disponible et le débit de pompage possible sans épuiser la ressource... C'est un long processus qui en cas de succès, nécessite un forage à plus grand diamètre, un raccordement au réseau d'eau brute, une station de pompage, la pose d'une conduite, un droit de passage ou vente d'une parcelle au public. C'est ce long processus qui a été suivi à Tassy.

3: Quel équilibre entre les besoins du milieu naturel et les usages humains?

La Siagnole, source originelle de notre approvisionnement en eau, et la Siagne, fleuve dont elle est un affluent, ne servent pas qu'à la consommation humaine. Il y a d'autres enjeux humains, comme les activités de loisirs (pêche, promenade, baignade, canyoning, etc..), et comme les risques d'inondation, notamment pour l'aval. Et, au-delà des besoins et des loisirs humains, il y a d'autres enjeux dont celui de la biodiversité et du respect des milieux naturels. Entre tous ces usages de la rivière, il faut arbitrer, entre acteurs du bassin de vie, ce qui est l'enjeu du Schéma de Gestion des Eaux (S.A.G.E.) de la Siagne, porté au quotidien par le SIIVU de la Haute Siagne dont je suis le président.

Le premier socle de cet arbitrage est la réglementation. Jusqu'ici, les débits qui étaient censés être réservés à l'écosystème étaient de l'ordre du quarantième de ce que l'on appelle le module, c'est-à-dire le débit moyen observé. E2S a donc rejeté dans la Siagnole 19l/s au minimum, sans que jamais une quelconque association environnementale ou de pêche, ni un quelconque particulier, n'y ait vu à redire. La nouvelle version de la loi sur l'eau prescrit de quadrupler ces débits réservés en les passant au dixième du module, ce qui donnerait pour nous des débits réservés de 76l/s. Comme cela apparaît clairement dans la page précédente.

De combien d'eau disposons-nous ? Combien produisons-nous et combien consommons-nous ? en appliquant un tel débit il est impossible d'assurer l'alimentation en eau de l'est du Var en été. Cela a été bien compris par les services de l'Etat avec lesquels un accord a été trouvé sur la base d'une logique compensatoire : réserver moins l'été que l'hiver. Ainsi fonctionnons-nous depuis deux ans avec un débit réservé de 40l/s l'été et de 100 l/s l'hiver. Mais ce sont des dispositions provisoires(*).

Comment en sortir ? C'est l'objet des études "ressources"qui sont menées dans le cadre du S.A.G.E. Une notion y tient une place centrale, la notion de "débit biologique", notion par laquelle il faut entendre le débit dont on suppose qu'il est nécessaire au milieu naturel. Là où le bon sens voudrait que l'on parte de constats, de débits mesurés, l'idéologie ambiante, qui tient volontiers l'homme pour un intrus dans la nature, fait que ce débit biologique est très théorique. C'est un axiome et non un constat, ce qui ne manque pas de rendre perplexe. Car, sauf à finir par décréter qu'il n'y aura plus d'eau au robinet au vu des besoins des libellules tels qu'on les suppose, il faudra bien convenir d'un débit réservé compatible avec la continuité du service public.

(*) Ces 40l/sec résultent du code de l'environnement L 211-1, L 214-3 fixant le débit minimum biologique à 1/40e du module moyen inter annuel d'une rivière. L'arrêté préfectoral du 28/7/2015 portant préscription complémentaire à l'autorisation relative aux prises d'eau de la Siagnole est ici (lien). Il y a 3 sources d'eau, la source Neissoun dite cage aux lions, les sources nouvelles et la source Jourdan. L'arrêté du 28/7/2015 obligeait 40l/sec à la source Neissoun, ce qui mettait E2S en limite de capacité d'alimenter le réseau. A la demande d'E2S, cet arrêté a été modifié par l'arrêté du 2/8/2017 qui partage les 40l/sec en deux: 20l/sec à source Neissoun et 20l/sec à la source Jourdan. On est donc revenu à la situation antérieure.

4: Quel avenir pour la Siagnole? Avec ou sans actionnaire privé?

C'est en 1993 que le Département a concédé l'exploitation du service public de la Siagnole à une Société d'économie mixte, dénommée E2S (voir ici la plaquette sur la renaissance de la Siagnole, publiée peu avant cette décision (http://bit.ly/2widCM5 (lien non actif)).

A l'époque, cette décision avait fait le plus grand bruit, provoquant notamment la chute du conseiller général de l'époque, Jean-Marie Bertrand, au profit de mon prédécesseur Alfred Rolland. L'ouverture du capital à un actionnaire privé, en l'occurrence Veolia, avait nourri tous les fantasmes. Il a été dit en ce temps-là, et souvent ressassé depuis, que la collectivité départementale avait bradé un patrimoine public, et chacun s'est mis à imaginer que la présence d'un actionnaire allait signifier une sorte de pillage, que les prix allaient augmenter, et que l'actionnaire allait se faire servir de somptueux dividendes.

C'est tout le contraire qui s'est produit : le prix de l'eau des sources, qui était à 0,07 € le m3 en 1993, est resté stable pendant plus de vingt ans pour ne passer à 0,13 € le m3 qu'en 2015. Pendant l'ensemble de la période, jamais l'actionnaire Veolia n'a prélevé le moindre dividende, et la technicité qu'il a apportée (le directeur et son adjoint sont issus de ses rangs), son aide aussi en matière comptable sur des normes propres à ce secteur, ont nettement bonifié le fonctionnement de la structure, et je tiens à rendre ici cette justice à notre partenaire. Il y aura aussi trouvé ce qui l'intéressait en tant que fermier du S.E.V.E., c'est-à-dire la stabilité de l'alimentation à prix bas de l'usine du Gargalon. Mais la diabolisation des grands groupes fait que, aussi injuste que cela soit parfois, il est difficile, sur le plan symbolique, de conserver un actionnaire privé au capital de la Siagnole.

La question se pose dans le cadre de la préparation de l'arrivée à terme, l'an prochain, du contrat de concession de la Siagnole. Toutes les options ont été étudiées, et celle qui semble la plus consensuelle est celle de la création d'une S.P.L. (Société publique locale), qui resterait donc une structure de droit privé, avec la fluidité et la réactivité de gestion que cela permet, tout en étant composée exclusivement de collectivités : en l'occurrence le Département, qui restera majoritaire puisque les sources et les forages sont son patrimoine, et les deux intercommunalités desservies par ces ressources : la communauté de communes du pays de Fayence (principal partenaire minoritaire), et l'agglomération de Frejus-Saint Raphaêl (la CAVEM). Mais attention, le contre-lobbying des uns ou des autres peut encore tout remettre en cause.

5: Trouver plus de ressources ou consommer moins?

L'épisode de sécheresse de cet été a réveillé tous les Cassandre prêts à dégainer leur idéologie punitive à la première occasion.
La pénurie d'eau dont a été victime le réseau de Montauroux au mois d'août leur a donné l'occasion d'instrumentaliser la situation à des fins idéologiques. C'est en l'occurrence dénué de sens sur la forme, car la nature des difficultés que le réseau communal a pu connaître au moins d'août n'est pas directement liée à la période estivale ou à la pénurie de ressources : la même série de conséquences en cascade se serait produite, à partir de la même casse de la conduite M1 de la Siagnole, même en plein hiver d'une année très pluvieuse, à la réserve d'une moindre pression de la demande au redémarrage.

Mais, sur le fond, la question évidemment se pose. D'un côté il faut bien trouver des ressources supplémentaires pour garantir la continuité du service public et accompagner la demande. Répétons à cet égard que, si les forages de la Barrière puis de Tassy n'avaient pas été mis en service, en dépit de certaines hostilités, les coupures d'eau seraient monnaie courante. Pour autant, ces ressources nouvelles ont vocation à garantir l'alimentation de l'existant, et non à cautionner un développement ultérieur.

De ce point de vue, il est important que le SCOT du pays de Fayence pose cette limite aux projets de développement.

A cette gestion par l'offre (qui consiste à s'adapter aux besoins par de nouvelles ressources et de nouvelles infrastructures), certains opposent la gestion de la demande, qui consiste à préconiser des économies de consommation. Il est vrai que tous les néo-ruraux et néo-provençaux qui nous ont rejoints n'ont pas encore tous pris la mesure de la nature méditerranéenne de notre climat, et que nous avons encore des progrès pédagogiques à faire sur le type de végétation employé et sur certains comportements.

Mais il y a aussi des contre-excès : je constate qu'au premier arrêté préfectoral de restriction venu, les idéologues punitifs y vont de leurs amalgames, et se plaignent, là qu'une station lavage puisse encore fonctionner, ou ici qu'on ne laisse pas jaunir les fairways des vilains golfeurs, comme s'il n'y avait pas de différence entre un plaisir individuel et un intérêt collectif, ni entre un jardin et un outil de travail.
Gardons-nous donc des excès dans les deux directions, et convenons qu'en milieu méditerranéen, il ne faut pas opposer la gestion par l'offre à la gestion par la demande, puisqu'elles sont complémentaires.

6: Faut-il se connecter au canal de Provence ou en rester à nos ressources locales?

Certains ont leur idée sur la solution aux limites de nos ressources actuelles: nous tourner vers le grand opérateur régional qu'est le Canal de Provence.

J'ai eu l'occasion d'affirmer des réserves sur ce point à plusieurs reprises, et je voudrais ici les préciser. J'ai pu lire ici ou là que je faisais obstacle à un tel raccordement par hostilité personnelle à la SCP. Il n'en est évidemment rien, et j'ai avec le président Philippe Vitel, mon ancien collègue aujourd'hui élu régional et président du Canal, les meilleures relations. Je ferai aussi observer que c'est sous ma délégation à l'environnement qu'a été prise en 2010 une délibération dont j'étais le rapporteur (http://bit.ly/2kDMMN2 ce lien est non actif) et par laquelle le Département a contribué, à hauteur de 16,5 millions d'euros, à la liaison improprement appelée "Verdon - Saint Cassien", qui est en fait un délestage de l'eau du lac par celle du canal. Drôle d'hostilité... Je suis évidemment parfaitement conscient du rôle éminent et structurant qui est celui du Canal de Provence dans l'alimentation en eau de notre région.

On se représente volontiers cette ressource régionale comme providentielle, illimitée et facile d'accès. Or, et contrairement à ce que certains de leurs cadres disent parfois imprudemment (voir article ci-dessous) les ressources du Canal ne sont pas illimitées et ce d'abord parce qu'elles sont encadrées. Les mêmes arrêtés restrictifs, qui font d'ailleurs polémique dans certaines communes du Nord-Ouest du Var, s'y appliquent du fait de la gestion par la demande (voir page précédente). Il y a une dizaine d'années, la situation sur l'axe de la Durance était devenue si critique que l'irrigation en aval avait été limitée, ainsi que la production hydroélectrique, ce qui avait causé une éphémère remise en route de centrales à charbon à Gardanne et à Martigues. Pas illimitées, ces ressources ne sont pas non plus si proches de notre territoire : la question se pose de savoir qui pourrait assumer le coût d'un tel raccordement.

Outre cette incertitude, il y a d'autres raisons de bien y réfléchir, qui sont autant d'inconvénients potentiels. Le prix, d'abord : l'examen de la structure tarifaire du SEVE par exemple permet de montrer que le prix moyen de revient de l'eau de la SCP est trois fois supérieur à celui de l'eau de la Siagnole : en 2016, le prix de revient au m3 de l'eau d'E2S a été de 0,23€, et celui de l'eau de la SCP de 0,69€ (source : rapport d'activités 2016 du SEVE).

La qualité de l'eau, ensuite : entre une eau de source et une eau de surface, la différence de caractéristiques physico-chimiques fait une grande différence au moment de potabiliser l'eau. Enfin et surtout, il y a le risque du monopole. Certaines déclarations laissent toujours planer une certaine tentation intégratrice, qui aboutirait à un monopole dont les conséquences sur les prix seraient immédiates et radicales. Conjuguer ressource structurante et ressource locale n'est pas une question partisane, mais une question de sécurité et de bon sens. Les élus du SEVE, qui cultive sa double alimentation (le Lac de Saint-Cassien et le Canal d'un côté, la Siagnole de l'autre), l'ont bien compris. Ceux de Draguignan aussi, qui viennent de remettre en exploitation la source des Frayères dévastée en 2010. Comme eux, entre ressources locales et ressource de surface, je vois de la complémentarité, et en aucun cas de la concurrence.

La ressource SCP lac de Saint-Cassien provient du même réseau karstique mais l'exutoire (module) est plus abondant. La pérennité longue de la ressource dépend aussi de la pluviométrie. Et le partage de la ressource entre ceux, plus nombreux qui en dépendent, est plus complexe. Le Golf de Tourrettes a pu obtenir un droit de prélèvement pour l'arrosage des golfs. La conduite passe au bas du hameau des Villards au gué du Riou blanc. Ne peut on pas obtenir un droit de prélèvement pour les agriculteurs de la plaine, ce qui permettrait d'utiliser le forage de Tassy 1 pour renforcer l'alimentation en eau potable. C'est une question.

La liaison "Verdon - Saint Cassien" n'est pas improprement appelée; il s'agit bien de l'extension de l'interconnexion de leur immense réseau, comme le montre le plan que voici. Cette liaison est décrite en détail dans ce document de SCP. La liaison est devenue effective en 2012 et en 2020 le SEVE syndicat des eaux de l'Est Var - usine du Muy - a mobilisé 2.8Mm3 d'eau pour servir les communes dont il assure l'approvisonnement en eau. Parmi les principaux clients de SCP, il y a SEVE le syndicat des eaux de l'Est Var. Les différentes sources d'eau de SEVE y compris ceux du canal SCP Verdon-StCassien et ceux provenant du pays de Fayence: Siagnole et forage Barrière 2 sont indiquées ici. Et ici concernant les tarifs.

Que pourrait apporter la SCP et le lac de Saint-Cassien en approvisionnement d'eau en pays de Fayence? La question essentielle n'est pas d'avoir un droit de prélèvement; mais quelle infrastructure créer - station de pompage, conduites et réservoirs; et à partir de là, quels clients servir, agriculteurs et/ou la Régie des eaux et pour quel réseau de distribution! Il s'agirait d'un investissement très important à financer et de coûts élevés au m3 d'eau. Et d'abord des études.

7: L'intercommunalité, échelon providentiel?

La conjonction de deux lois récentes donne aux intercommunalités un rôle décisif en matière de gestion de l'eau, rôle qui doit être bien maîtrisé pour ne pas aboutir à une gabegie technocratique.

1) la loi MAPTAM, qui a créé un bloc ce compétences sur la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (le fameux acronyme GEMAPI). Ce bloc de compétences sur le "grand cercle de l'eau» échoit à l'intercommunalité dès le ter janvier 2018. Jusque-là ces compétences étaient exercées par les communes. Comment arrivaient-elles à le faire alors que des enjeux de ce type dépassent évidemment les périmètres communaux ? Par regroupement dans des syndicats intercommunaux, de façon à faire coincider leur périmètre avec l'objet de ce cercle, comme par exemple le bassin versant d'un fleuve. Dans le cas de la Siagne, fleuve frontalier, le SIIVU de la Haute Siagne est à l'échelle du bassin versant du haut pays, et prend en compte le caractère bi-départemental du bassin versant par la représentation égales entre communes des deux départements.

C'est la raison pour laquelle c'est lui qui porte le SAGE, document qui régule pour les années futures les débits prélevables et les confits
d'usages.

Bien que le SAGE est réputé être hors GEMAPI et donc pas susceptible de passer sous la coupe des intercommunalités, ces dernières se sentent pousser des ailes et tentent d'en récupérer le portage .Le périmètre d'aucune d'entre elles ne correspondant au bassin versant, laquelle d'entre elles porterait-elle la démarche au quotidien ?

C'est parce que cette question est insoluble, sauf à évacuer la parité de la gouvernance entre les départements, que le SAGE doit rester entre les mains d'une structure paritaire, telle que le SIIVU en est aujourd'hui le seul exemple.

2) la loi NOTRe, qui veut confer aux intercommunalités, au 1er janvier 2020, des compétences jusqu'ici communales : la gestion de l'eau et de l'assainissement, ce que l'on appelle le "petit cercle de l'eau"Il est d'usage de présenter cette mutualisation comme un bienfait qui serait d'avance évident et incontestable, notamment en termes d'efficacité économique. Une grande régie communautaire unitaire, homogène, avec des services plus évolués qu'aujourd'hui (par exemple en termes d'astreinte): la vision abstraite est tentante.

Dans la pratique, la seule étude pour la mise à niveau des réseaux a été chiffrée à 1,7 million d'euros : même si la plus grande part sera assumée par l'Agence de l'Eau, c'est un montant si considérable que l'on voit bien que la première conséquence de cette évolution pour l'usager sera une augmentation du prix de l'eau. Dans la pratique, encore, force est de remarquer que quelques uns des élus communautaires chargés de ces questions ont le plus grand mal à fournir de l'eau au robinet sans coupure dans leurs communes, et que les leçons qu'ils donnent sur ces sujets ne sont guère audibles. Sans contester l'intérêt potentiel de cette perspective, je ne suis pas de ceux qui se laissent griser par cet emballement intégrateur.

Chez certains esprits, ce démon intégrateur va même jusqu'à confondre la question de la production et celles de la distribution, et à imaginer une grande structure communautaire qui se chargerait des deux. Mais il faut rappeler que le patrimoine de la Siagnole (forages inclus) est un patrimoine départemental, et que les deux démarches, d'un côté celle qui consiste à transformer la SEM E2S en SPL, et de l'autre celle qui consiste à bâtir un service communautaire de distribution de l'eau sont deux démarches distinctes, même si elles sont sous-tendues par le même idéal de gestion entièrement public.

Renforcer la maîtrise de la ressource en eau :

Le Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) de la Siagne est le document qui fixe les règles d'utilisation de la ressource en eau à l'échelle du bassin versant. Le Conseil communautaire a donc délibéré en octobre 2016 pour refuser que l'animation et le suivi du SAGE soit réalisé à une autre échelle que celle bassin versant de la Siagne dans le cadre d'une gouvernance partagée entre les collectivités des deux départements. Il est aujourd'hui animé par le SIIVU de la Haute Siagne dans cet esprit. Au départ isolée, dans la défense de cette position, la Communauté de communes a été rejointe par les Communautés d'agglomération de Grasse et de Cannes pour mettre en place cette solution.

Sources de la Siagnole : le contrat de concession pour l'exploitation des sources de la Siagnole arrivera à échéance en décembre 2018. La Communauté de communes et le Département s'emploient à construire une solution de gestion de long terme qui garantisse au territoire la maîtrise de cette ressource stratégique.

Travailler en partenariat avec les territoires voisins dans le cadre d'une cohérence hydrographique :

La Communauté de communes du Pays de Fayence travaille aujourd'hui de manière étroite avec les communautés d'agglomération varoises (CAVEM et CAD) et celles des Alpes-Maritimes (Pays de Grasse et Cannes Pays de Lérins) à l'échelle des bassins versants. La présence d'importantes ressources et l'implication de nombreux acteurs du territoire dans ce dossier font que le Pays de Fayence devient aujourd'hui un acteur central de la gestion de l'eau de l'Est Var et de l'Ouest des Alpes-Maritimes.

Aqui l'aigo es d'or: article du bulletin de la communauté de communes du pays de Fayence août 2017; publié dans ce billet du blog du 22 août 2017.

Plus:

  1. Loi Maptam
  2. Loi NOTRe
  3. François Cavallier
  4. Pays de Fayence;: billets de la rubrique eau et E2S
  5. Société du canal de Provence Actualités
  6. SCP Rapport annuel 2020
  7. SAGE PACA
  8. SIIVU Haut de Siagne
  9. Hydrographie du pays de Fayence
  10. Débit minimum biologique 1/40e du module moyen inter annuel (1984)
  11. Hydrologie du Sud-Est de la France et de l'Est Var Comment se situe la source de la Siagnole?
  12. L'eau dans le pays de Fayence
  13. "Eau en pays de Fayence 2017"
  14. Climatologie annéé 2017 station météo Le Luc en Provence

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Mis en ligne le 25/10/2017 pratclif.com