Publicité

Quelle place pour les pères au travail?

CHRONIQUE. Avec deux semaines de congé paternité en voie d’être validées par le gouvernement, la Suisse est le dernier pays européen à accorder du temps aux nouveaux pères. Au-delà de ce futur droit, quelle place laisse-t-on à la paternité dans le milieu professionnel?

Image d'illustration.   — © Katarzyna Białasiewicz /123rf
Image d'illustration.   — © Katarzyna Białasiewicz /123rf

L’image et la place du père dans la famille ont considérablement évolué en l’espace de cinquante ans. Les papas poules qui suscitaient moqueries ou méfiance ont fait place aux papas investis qu’on admire et valorise. Aujourd’hui beaucoup de pères s’engagent dans la relation avec leur bébé avec autant d’enthousiasme qu’une mère. Les hommes vivent des changements à l’approche de la naissance qui sont désormais objectivés scientifiquement [1].

Lire aussi:  Congé paternité: le Conseil national opte pour les deux semaines

Les femmes comptent sur le soutien de leur partenaire durant cette période et c’est aussi tout le système familial qui en profitera. Le père peut être une figure d’attachement aussi importante que la mère et sa présence auprès des bébés contribue à mettre en place des bases égalitaires dans la dynamique familiale. Il est aussi plus facile d’aller vers une organisation partagée si ce dernier s’investit dans le lien avec son enfant dès le départ. Voilà qui est rassurant pour les femmes qui souhaitent poursuivre leur carrière après leur congé maternité.

La carrière des pères, elle, n’a jamais été interrompue mais ils doivent concilier les changements familiaux et leur travail. Car devenir père, c’est vivre un bouleversement identitaire qui peut parfois soulever des craintes par le poids des responsabilités. C’est une source de joie pour certains ou d’agitation pour d’autres qui voudront se prouver que rien ne changera. Tous les hommes n’investissent pas la grossesse avec sérénité.

Le changement se prolonge aussi au niveau du couple. Devenir parents transforme et fait ressortir autant de points communs que de divergences. C’est une vraie découverte de son partenaire influencée par le patrimoine culturel et familial de chacun. Comment se répartir les rôles? En Suisse, le modèle familial traditionnel est majoritaire et dans 71% des couples, l’homme travaille à temps plein et sa compagne à temps partiel, voire pas du tout [2].

L’environnement professionnel contribue largement à la validation sociale de la paternité

L’environnement professionnel contribue largement à la validation sociale de la paternité et au vécu de tous les changements. Comment annoncer sa future paternité? Peut-on demander de la flexibilité autour de la naissance? Comment aménager les horaires de travail, les voyages ou les réunions? Depuis que le soutien des pères est valorisé, leur disponibilité est attendue à la maison alors qu’elle n’est pas toujours compatible avec leur travail. De cette pression ressort un choix embarrassant entre les responsabilités professionnelles et celles de la nouvelle famille.

Les hommes ont-ils envie d’en parler au travail? Se sentent-ils libres de le faire? Le sujet est complexe et encore peu étudié. En effet, au-delà des conditions-cadres et de la flexibilité offerte par les entreprises, les mentalités sont encore très ancrées et maintiennent les hommes dans une posture professionnelle qui ne permet souvent pas de concilier famille et travail. Partir tôt pour finir la journée avec sa famille est encore mal accueilli et travailler à temps partiel sous-entend souvent renoncer à l’ascension d’une carrière.

Le congé paternité est un premier pas vers un modèle familial plus progressiste mais nous avons besoin de plus d’exemples pour changer les mentalités en profondeur. En attendant, nous ne pouvons que nous réjouir d’avoir de jeunes pères investis qui s’impliquent auprès de leurs familles et qui n’attendront pas leurs vieux jours pour profiter de leurs enfants.

[1] «How men’s bodies change when they become fathers?» New York Times, Anna Machin, juin 2019[2] OFSP, 2019