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Climat : la justice néerlandaise condamne Shell

Le tribunal de La Haye a ordonné ce mercredi au groupe pétrolier anglo-néerlandais de réduire drastiquement ses émissions de CO2 d’ici à 2030. Une première mondiale.
par Coralie Schaub
publié le 26 mai 2021 à 20h45

C’est une décision majeure, une réelle victoire qui pourrait marquer un tournant pour la justice climatique. La justice néerlandaise a ordonné ce mercredi à la multinationale pétrolière anglo-néerlandaise Royal Dutch Shell de réduire ses émissions nettes de CO2 de 45 % d’ici à la fin 2030 par rapport à 2019. Le tribunal de La Haye a ainsi donné raison à Milieudefensie, la branche aux Pays-Bas de l’organisation internationale les Amis de la Terre, qui avait saisi la justice en avril 2019.

Une «Première»

Aux côtés de six autres associations, dont Greenpeace, ActionAid Pays-Bas, et de 17 000 citoyens néerlandais, Milieudefensie accusait Shell de ne pas en faire assez pour s’aligner sur l’Accord de Paris de 2015 et dénonçait une «destruction du climat» de sa part. «Pour la première fois dans l’histoire, un juge reconnaît la responsabilité d’une multinationale pour ses activités à l’origine de changements climatiques dévastateurs», soulignent les Amis de la Terre dans un communiqué.

Le tribunal appuie sa décision sur trois fondements. Le juge estime tout d’abord que la multinationale a un «devoir de protection» des citoyens, en application du droit néerlandais. Ensuite, le juge considère que la Convention européenne des droits de l’homme oblige Royal Dutch Shell, c’est-à-dire la société mère du groupe Shell, à respecter les droits de l’homme (droit à la vie et droit au respect de la vie privée et familiale). Il se réfère à l’affaire Urgenda, dans laquelle la Cour suprême des Pays-Bas avait contraint en 2019 l’Etat néerlandais à réduire ses émissions de CO2 en application des droits de l’homme.

Greenwashing

Enfin, le juge oppose à Shell ses propres engagements. Il cite une longue liste de déclarations des responsables du groupe, de communiqués de presse, de rapports ou de documents signés, comme le Global Compact, un guide proposé par les Nations unies mais qui n’a pas de valeur juridique. Et estime que ces engagements doivent être tenus. Sous-entendu «fini le greenwashing, les belles paroles non suivies d’effets, désormais il va falloir agir, vraiment». De quoi créer une insécurité juridique pour les grandes entreprises qui ont pris quantité d’engagements volontaires et pourraient aussi se les voir opposer.

Le tribunal considère que Shell est également responsable des émissions de ses clients et fournisseurs. Et le groupe doit se conformer immédiatement au jugement. Shell a une «obligation de résultat» (réduire ses émissions nettes de CO2 de 45 % d’ici fin à 2030, donc) et devra expliquer comment y parvenir.

Le pétrolier a annoncé qu’il allait faire appel, qualifiant la décision de «décevante». Mais pour Juliette Renaud, des Amis de la Terre France, cette victoire contre Shell aux Pays-Bas «est une nouvelle brèche contre l’impunité des multinationales. Nous espérons que cette affaire pourra servir de précédent juridique à d’autres actions en justice, notamment celle contre Total en France».

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