Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

« Des centaines de Syriens et d’Européens travaillent à ce que l’impunité ne perdure pas »

L’écrivaine Justine Augier continue de lutter contre l’oubli des crimes de Bachar Al-Assad avec « Par une espèce de miracle », portrait de Yassin Al-Haj Saleh, intellectuel syrien exilé en Allemagne.

Propos recueillis par 

Publié le 23 janvier 2021 à 08h00, modifié le 25 janvier 2021 à 18h47

Temps de Lecture 8 min.

Article réservé aux abonnés

L’intellectuel syrien en exil Yassin Al-Haj Saleh, à Madrid, en 2018.

« Par une espèce de miracle. L’exil de Yassin Al-Haj Saleh », de Justine Augier, Actes Sud, 336 p., 21,80 €.

Le précédent livre de Justine Augier, De l’ardeur (Actes Sud, 2017), était, à travers la Syrie et la figure lumineuse de l’avocate et égérie de la révolution syrienne Razan Zaitouneh, un portrait du monde arabe, dans ce qu’il a de meilleur et de pire. Son nouvel ouvrage, Par une espèce de miracle, est un portrait de l’Europe, dans ce qu’elle peut avoir de pire et de meilleur. Il y est surtout question de l’Allemagne, lieu de refuge pour des centaines de milliers de Syriens. Yassin Al-Haj Saleh, intellectuel dissident passé par les geôles du régime Assad, est le héros de ce second opus syrien. A travers le regard de cet exilé politique sur l’Europe et sur l’Allemagne, qu’il découvre, Justine Augier parle de nous, de nos valeurs et de nos renoncements.

Après « De l’ardeur », est-ce que vous pensiez pouvoir échapper à la Syrie et passer à autre chose ?

J’ai pensé y échapper brièvement et je me suis rendu compte que ce n’était pas possible. A l’origine de De l’ardeur, il y a un sentiment qui est très fort et qui a persisté. Un sentiment de scandale face à l’écrasement de la révolution syrienne et face à l’indifférence. Je ne me remets pas de ce double écrasement. Nous sommes aujourd’hui dix ans plus tard et il me semble que, en ayant connaissance de l’ampleur des crimes commis, cet oubli et cette impunité disent quelque chose de l’état du monde.

Cette histoire-là me concerne en tant qu’individu, en tant qu’Européenne. Quand j’ai appris que [l’intellectuel, opposant au régime de Bachar Al-Assad,] Yassin Al-Haj Saleh, avec toute l’histoire qu’il porte, s’installait à Berlin, dans cette ville qui a l’histoire qu’on connaît, cela a donné corps à ce sentiment d’être concernée. C’est pour cela aussi que j’écris. Pour me souvenir et lutter contre ces tentatives d’écraser, d’oublier. L’oubli, c’est un des grands mots de notre temps mais, dans l’oubli, la notion de conséquence s’abîme. La langue aussi s’abîme.

Pourquoi la langue ?

Quand des mots sont prononcés et qu’ils n’ont pas de conséquence, la langue perd de sa capacité à dire le réel et à le changer. C’est quelque chose dont j’ai pris conscience grâce à Razan Zaitouneh. Après les attaques chimiques sur la Ghouta, en 2013, que les Occidentaux avaient fixées comme une « ligne rouge », elle est sur place, elle documente, elle aide à enterrer les morts dans un effroi terrible. Mais elle le fait avec l’idée qu’il va y avoir une intervention. Elle ne peut pas croire que, si ces mots ont été prononcés, ils n’ont pas de conséquence. Il lui faut des semaines pour le comprendre. Au début, j’ai pris cela pour de la naïveté et ensuite j’ai trouvé ça très beau : il y a là quelque chose du rappel à l’ordre.

Il vous reste 71.5% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.