L'Université Laval s'installe en grand à Montréal. L'automne dernier, elle a inauguré de nouveaux locaux rue Sherbrooke, en plein coeur de Montréal, avec salles de classe flambant neuves et équipement high-tech.

> En graphique: Les campus universitaires satellites

L'Université loue un étage complet qu'elle a rénové de A à Z. Coût des travaux: 2 millions. Plus de 1600 étudiants fréquentent ses 10 salles de classe et une cinquantaine de chargés de cours offrent l'enseignement. L'Université a même embauché deux conseillers en développement chargés de recruter de nouveaux étudiants.

Laval est à Montréal depuis 1999. Ses locaux étaient éparpillés. L'automne dernier, elle a regroupé ses activités.

Les universités se bousculent dans la grande région de Montréal: l'Université du Québec en Outaouais s'est installée à Saint-Jérôme, l'Université de Sherbrooke à Longueuil et l'Université Laval à Montréal, sans oublier les universités et écoles affiliées déjà implantées à Montréal: UQAM, Concordia, McGill, Université de Montréal, HEC, Polytechnique, ETS, ENAP.

Cette « délocalisation « (ou satellisation si vous préférez) à grande échelle suscite la grogne chez les étudiants qui parlent de concurrence déloyale et malsaine entre les universités, de gaspillage de fonds publics et de clientélisme débridé. Les universités se défendent en disant qu'elles répondent à un besoin.

Dans l'entente de principe conclue samedi entre le gouvernement et les leaders étudiants, la délocalisation figure en tête de liste des sujets sur lesquels un conseil provisoire doit se pencher. Son mandat: scruter la gestion des universités. Les étudiants croient que les universités peuvent dégager des économies importantes en resserrant leurs dépenses et en coupant dans le gras. Dont la délocalisation. Ces économies doivent servir à réduire la facture des droits de scolarité.

La multiplication des antennes universitaires s'opère dans le plus grand désordre. Le Conseil supérieur de l'éducation est inquiet. Dans un avis publié en février, il a souligné que les «antennes ne sont soumises à aucune évaluation».

C'était la deuxième fois que le Conseil sonnait l'alarme. En 2008, il avait déjà mentionné l'absence d'encadrement, mais Québec n'a pas bougé et le développement des antennes est toujours aussi anarchique.

Le mode de financement pousse les universités à s'arracher les étudiants. Le gouvernement verse de l'argent aux universités pour chaque étudiant recruté. Sous-financées pendant des années, elles se sont lancées tête baissée dans la construction d'antennes.

Selon une étude de CIRANO menée en novembre 2011 par Manuel Crespo, Laval et Sherbrooke sont les universités qui ont le plus d'étudiants hors campus, suivies de près par l'Université de Rimouski qui s'est installée à Lévis, en banlieue de Québec.

«En termes financiers, c'est l'Université de Sherbrooke qui retire le plus de revenus, dit M. Crespo, soit 18 millions. Suit Laval avec 8,6 millions.»

Le phénomène n'est pas unique au Québec. «La France, l'Italie, les États-Unis et l'Ontario ont créé des campus régionaux, ajoute Manuel Crespo. Dans les pays membres de l'OCDE, l'État investit de moins en moins dans l'éducation postsecondaire. Avec un financement par étudiant, les universités recherchent de nouveaux étudiants. Elles développent donc des niches hors campus.»

Entre l'Université de Sherbrooke qui a ouvert un énorme campus à Longueuil, et l'Université Laval qui donne surtout des cours de formation continue à 1600 étudiants, il y a un monde. N'empêche, Laval a adopté une approche plus vigoureuse. Et elle recrute dans une zone où l'offre est saturée.

«La vaste majorité des antennes offrent des programmes courts de premier et de deuxième cycle, précise Manuel Crespo, mais la situation est en train de changer avec l'arrivée de l'Université de l'Outaouais à Saint-Jérôme, Sherbrooke à Longueuil et l'Université de Montréal à Laval qui offrent des programmes complets.»

Manuel Crespo propose un moratoire sur la construction de nouvelles antennes et l'agrandissement des succursales existantes.

L'Université Laval se défend de jouer dans les plates-bandes des universités mont-réalaises et souligne qu'on ne peut pas la comparer à Sherbrooke.

«À Montréal, nous avons opté pour une structure souple et légère, affirme Vincent Goulet, directeur général adjoint de la formation continue. Nous donnons des cours à des entreprises, comme l'Agence de santé et des services sociaux, notre plus gros client, et à monsieur et madame Tout-le-Monde.»

Ce qui n'empêche pas Laval d'embaucher deux conseillers en développement pour recruter de nouveaux étudiants et de faire la promotion non seulement de la formation continue, mais aussi de ses autres programmes.