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Contrôle d’Internet : la tendance inquiétante des coupures du réseau par les Etats

Melody Patry de l’ONG Access Now pointe des velléités de plus en plus marquées de certains Etats de renforcer leur mainmise sur Internet, sur fond d’enjeux pour la liberté d’expression et les droits humains.

Propos recueillis par  (Propos recueillis par)

Publié le 07 avril 2021 à 17h00, modifié le 09 avril 2021 à 08h27

Temps de Lecture 3 min.

Melody Patry, de l’ONG Access Now.

En 2020, pas moins de 109 épisodes de coupures d’Internet ou de restrictions à la navigation en ligne ont été recensés par l’ONG Access Now en Inde, souvent accompagnés de justifications sécuritaires. En Russie, comme en Iran, réapparaissent ces derniers mois des velléités de constitution d’un réseau Internet souverain, donnant la part belle à des services hébergés sur le sol national, tout en contrôlant plus fermement les services étrangers. Si les stratégies diffèrent, de nombreux pays continuent de resserrer leur mainmise sur les télécommunications, sur fond d’enjeux cruciaux pour la liberté d’expression et les droits humains des populations.

Melody Patry est directrice de campagne pour Access Now, une organisation en pointe qui milite pour la protection des libertés et le maintien de l’accès à Internet face aux Etats qui y voient un espace à contrôler fermement. Elle s’inquiète de voir des gouvernements aller au-delà de simples restrictions, n’hésitant plus à couper directement l’accès au réseau sur certains territoires, par exemple en période électorale ou lors de manifestations. Une tendance décrite dans un récent rapport de #KeepItOn, une campagne contre les coupures d’Internet lancée par Access Now.

Comment expliquer les nouvelles velléités de certains Etats, comme la Russie ou l’Iran, de créer un Internet national plus fermé avec des services essentiellement hébergés sur le sol national, plus contrôlés ?

Créer des infrastructures nationales pour avoir un meilleur contrôle d’Internet, c’est tout simplement avoir un meilleur contrôle de l’information, et censurer plus facilement, tout en limitant les conséquences économiques des coupures sur la Toile. Si, par exemple, on accède à Internet par le biais des infrastructures de plus en plus locales, on peut se permettre de couper l’accès à des réseaux sociaux comme Twitter et Facebook tout en conservant, par exemple, l’usage des sites gouvernementaux et des sites officiels d’information contrôlés par l’Etat.

On entend souvent parler des pays qui surveillent ou restreignent fortement l’usage d’Internet, beaucoup moins de ceux qui coupent purement et simplement le réseau sur tout un territoire, mais vous dites que c’est une tendance forte ces dernières années ?

Oui, c’est relativement récent. Depuis deux ou trois ans, le phénomène a vraiment pris de l’ampleur, parce qu’il y a eu une grande impunité par rapport aux coupures d’Internet et les pays ont aussi appris les uns des autres sur les techniques.

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Ces coupures sont-elles généralement localisées ou nationales ?

Certains pays n’ont fait aucune discrimination et ont simplement déconnecté la totalité de leur territoire. Ça a été le cas en Tanzanie lors des dernières élections, et dans plusieurs autres pays. D’autres Etats ont des stratégies plus ciblées et coupent Internet à certaines régions seulement. Parfois même à certaines villes. Ça a été le cas notamment de la Birmanie en 2020, l’Inde aussi le fait très fréquemment.

Pourquoi un gouvernement coupe-t-il l’accès à Internet sur un territoire plutôt que de restreindre ou surveiller l’accès à certains sites ?

Il y a plusieurs types de « shutdown » : les coupures Internet totales, mais aussi ce que l’on appelle parfois des coupures partielles si, par exemple, on coupe Internet, mais seulement sur les réseaux mobiles. Les coupures très ciblées, où l’on va restreindre l’accès à certaines formes de communication – comme WhatsApp et les réseaux sociaux –, requièrent certaines capacités techniques que tous les pays n’ont pas. C’est donc plus facile de tout débrancher.

Quelles sont les conséquences directes pour les citoyens de ces pays ?

La première, évidemment, c’est le fait de ne plus pouvoir partager d’informations. Cela n’impacte pas seulement un journaliste qui veut partager un article, ça a aussi des conséquences si on est un citoyen lambda et que l’on veut avoir accès, notamment pendant la pandémie, à des informations sur la crise sanitaire, ou même si on a besoin de se rendre quelque part et qu’on veut vérifier le trafic routier.

Il y a beaucoup d’autres conséquences, auxquelles parfois les autorités ne pensent pas elles-mêmes. De plus en plus, les hôpitaux et les personnes qui travaillent dans le domaine de la santé, par exemple, utilisent Internet dans la dispensation des soins, mais aussi pour acheminer, par exemple, les médicaments. Et, tout cela se retrouve aussi perturbé. On a récolté des témoignages tragiques de personnes qui n’ont pas pu avoir accès à des soins ou contacter leur médecin à cause d’une coupure d’Internet.

Que peut faire la communauté internationale ?

Quasiment chaque année, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies se prononce sur le sujet. Le problème, c’est que ce n’est pas toujours suivi par des actes. On ne dit pas que tous les pays qui coupent Internet devraient subir des sanctions, mais il faudrait une condamnation cohérente avec les faits imputés, pas seulement une déclaration de l’ONU. Et c’est à ce niveau-là que la communauté internationale a failli.

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