La productivité a un problème d'image. Son nom est devenu presque synonyme de coups de fouet. Pourtant, il n'en est rien.

« La productivité, ce n'est pas travailler plus fort », corrige d'emblée Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal.

« C'est carrément autre chose. C'est travailler mieux. Ce n'est pas la quantité de travail que l'on fournit, c'est la qualité. »

L'économiste Don Drummond, de l'École des politiques publiques de l'Université Queen's, renchérit : « Être productif, ça pourrait être de travailler moins. Avec le gain de temps, on a le choix de faire différentes choses, dont augmenter ses loisirs. Mais si on n'est pas productif, on n'a pas ce surplus de temps et on n'a pas le choix. »

La mauvaise image associée à la productivité fait en sorte que même les gouvernements ont tendance à éviter le sujet, selon M. Drummond. « Vous ne verrez pratiquement jamais le mot dans les communications gouvernementales. On préfère parler "d'innovation", que les gens semblent mieux accepter. »

En termes scientifiques, la productivité du travail se mesure en divisant la valeur produite par le nombre d'heures travaillées.

Au Québec, il se produit en moyenne 49,90 $ par heure travaillée. C'est nettement moins qu'au Canada (55,06$), aux États-Unis (66,66 $) ou encore que dans la moyenne de 20 pays de l'OCDE (59,96 $), selon les données du CPP.

La productivité est une donnée déterminante du niveau de vie d'une société. « Elle est très importante, explique M. Drummond. Si elle est basse, le revenu sera faible et il faudra travailler très fort pour compenser. »

« Dans la plupart des pays, toute la croissance du niveau de vie s'explique à long terme par la croissance de la productivité », affirme quant à lui M. Gagné.

Un remède au vieillissement

Le vieillissement de la population augmente l'importance d'accroître la productivité, selon les deux experts. Si moins de gens travaillent, il faudra absolument que ceux qui restent produisent davantage pour que le Québec conserve son niveau de vie.

« La croissance ne viendra pas de l'augmentation de la main-d'oeuvre, mais d'une meilleure productivité », résume M. Drummond.

Le Québec n'est pas la seule province canadienne aux prises avec une faible croissance de sa productivité. Le cas s'applique au Canada entier, bien que dans une mesure un peu moindre. Les causes sont toutefois difficiles à cerner.

La concurrence, ou plutôt l'absence de concurrence, est régulièrement montrée du doigt. « La concurrence entre les entreprises n'est pas si élevée que ça au Québec et au Canada, note M. Gagné. Quand une entreprise n'a pas de concurrence, elle ne se sent pas menacée et ne sent pas le besoin d'être à la fine pointe. »

La faiblesse du dollar canadien a longtemps nui, estime aussi M. Drummond. Cet avantage artificiel permettait aux exportateurs canadiens d'être concurrentiels malgré un déficit de productivité.

« On commence à peine à sentir que les entreprises profitent de la hausse du dollar pour renouveler leur équipement, selon M. Drummond. Les échos que j'ai, c'est que la plupart se disaient que le dollar allait bien finir par redescendre un jour, alors ce n'était pas nécessaire. »

Les investissements dans la machinerie ou les logiciels sont généralement considérés comme d'excellents moyens d'augmenter la productivité. Mais il y en a d'autres, notamment la formation du personnel.

JEAN-FRANÇOIS.CODÈRE@TC.TC