A ses yeux, c'était la seule fenêtre de tir. En déclenchant maintenant son "hold-up" sur la Défense, selon l'expression d'un bon connaisseur des Hauts-de-Seine, Jean Sarkozy savait qu'il allait au-devant des pires attaques sur son nom, son âge et le "népotisme" supposé de Nicolas Sarkozy. Mardi 13 octobre, l'onde de choc a atteint le groupe UMP de l'Assemblée nationale. Le député des Yvelines, Pierre Cardo, s'est fait applaudir lorsqu'il s'est inquiété du possible impact de "l'affaire de l'EPAD" sur le second tour, dimanche, de la législative partielle qui se déroule dans son département.
"J'irai jusqu'au bout", a riposté quelques heures plus tard sur France 3 le fils cadet du président de la République. Pour Jean Sarkozy, il était préférable de précipiter les événements, plutôt que de provoquer un tel tollé au moment des régionales de mars. Son calendrier est serré : il veut prendre la tête de l'EPAD dès le 4 décembre pour pourvoir ensuite accéder avec le moins de contestation possible à la tête du futur établissement d'aménagement de la Défense-Seine-Arche (Epasa) qui doit voir le jour au printemps, et qui gérera l'aménagement de Nanterre englobant au total près de 800 hectares. "Je veux être jugé sur des actes", proclame celui qui espère acquérir une légitimité suffisante pour pouvoir prétendre en 2011 à la conquête du conseil général des Hauts-de-Seine aujourd'hui présidé par le ministre de la relance, Patrick Devedjian.
Pour concevoir et mettre en œuvre sa stratégie, M. Sarkozy s'est appuyé sur les conseils d'un ex-publicitaire qui l'a rejoint pour l'occasion, Christophe Lambert. Ex-patron de Publicis, membre de la cellule stratégique de communication de l'UMP, M.Lambert est proche de Jean-Michel Goudard, le conseiller en stratégie de Nicolas Sarkozy à l'Elysée. JeanSarkozy et Christophe Lambert ont décidé ensemble du moment opportun pour agir et du plan média destiné à répondre à l'indignation suscitée par cette candidature.
Le scénario ne s'est toutefois pas tout à fait déroulé comme prévu. Jean Sarkozy aurait préféré que M.Devedjian le porte, lui-même, sur les fonts baptismaux de l'EPAD. Mais le président (UMP) du conseil général s'y est refusé.
Frappé par la limite d'âge qui lui interdit de présider l'établissement au-delà de 65 ans, M. Devedjian a été fort déçu de ne pas être prolongé dans sa mission.
Avant l'été, une première rédaction du projet de décret prévoyant la fusion de l'EPAD et de l'Epasa comprenait une dérogation à cette limite d'âge. L'entourage du ministre de la relance affirme que cette version avait été "bleuie par Matignon" laissant entendre que le cabinet de François Fillon aurait donné initialement son accord à cette prolongation.
Mais en août, le projet de décret transmis pour avis au conseil général ne comportait plus de disposition sur l'âge. Contraint de démissionner de la présidence de l'EPAD le 4 décembre, M.Devedjian a décidé d'en rester administrateur. Jean Sarkozy a dû compter sur la démission d'Hervé Marseille, vice-président (Nouveau Centre) du conseil général de son poste d'administrateur de l'EPAD, pour pouvoir prendre sa place. Celui-ci était certain depuis le 15 juillet d'être nommé membre du Conseil économique, social et environnemental.
M. Sarkozy n'aurait toutefois pas pu mener à bien son plan s'il n'avait obtenu le soutien unanime des élus UMP du département le 8 octobre. A la tête du groupe UMP depuis juin 2008, le conseiller général du canton sud de Neuilly a mené la vie dure à M. Devedjian qui avait entrepris, selon son expression, "de corriger la mauvaise image du département" en faisant le ménage dans les dépenses, au grand dam des élus. "Devedjian avait réussi à se mettre à dos tous les conseillers généraux, commente Arnaud Teullé, conseiller municipal (UMP) de Neuilly. Jean a réussi tout seul à prendre le fruit mûr qui était prêt à tomber."
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