C’est une photo figée dans le temps, comme un Polaroid qui ne s’efface pas. Une image qui revient hanter la mémoire à la simple évocation d’un prénom, Grégory, ou plutôt le « petit Grégory », celle d’un bambin au regard pétillant de vie dont le visage rond se détache sur fond bleu, cheveux en bataille et vêtements à la mode des années 1980, sweat gris à motif orange vif, pantalon assorti. Le symbole poignant d’un des faits divers qui, 33 ans plus tard, continue de passionner la France alors que l’affaire connaît un énième rebondissement : la mise en examen et la détention puis la remise en liberté du grand-oncle et de la grand-tante.
Tous les éléments propices à la fascination semblent réunis : le mystère d’une énigme jamais élucidée, le huis clos familial, le mobile – la piste généralement privilégiée est celle de la jalousie à l’égard de la réussite sociale du père de Grégory, promu contremaître au moment des faits –, un corbeau et ses lettres venimeuses, le beau visage de la mère, mater dolorosa, soupçonnée dans un premier temps du meurtre de son fils, avant d’être innocentée. Mais aussi les prises de position dans les médias, avec en point d’orgue la tribune hallucinante de l’écrivaine Marguerite Duras, « Sublime, forcément sublime Christine V. », remarquable sur le plan littéraire, désastreuse sur le plan journalistique, publiée en 1985 dans les colonnes de Libération. Elle accréditait la thèse de l’infanticide sur la base du ressenti médiumnique : « Dès que je vois la maison, écrit-elle, je crie que le crime a existé. Je le crois. Au-delà de toute raison. »
Le succès littéraire des faits divers
L’affaire Villemin est de celles qui captivent, divisent, choquent, à l’instar de beaucoup d’autres dont les noms, de famille ou de patelin, résonnent comme autant de petites musiques inquiétantes et familières dans l’inconscient collectif : Dominici, Romand, Courj
Article paru dans :
L'attrait du crime
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