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Bêtes et plantes, exilées du climat

Une compilation d'études sur plus de 2000 espèces animales et végétales montre que le réchauffement entraîne des migrations accélérées en latitude ou en altitude.

Par Pierre Le Hir

Publié le 19 août 2011 à 14h50, modifié le 02 mars 2012 à 09h45

Temps de Lecture 3 min.

En Grande-Bretagne, le papillon moyen nacré (Argynnis adippe) a régressé en raison de la contraction de son territoire.

Chaud devant ! Poussés par la montée de la colonne de mercure, nombre d'animaux et de plantes gagnent des hauteurs ou des latitudes qui leur sont plus propices. Et cette migration s'effectue à un rythme beaucoup plus rapide que le suggéraient les études antérieures. C'est ce que met en évidence, dans la revue Science du 19 août, une méta-analyse portant sur plus de 2000 espèces animales (insectes, oiseaux, reptiles, poissons ou mammifères) et végétales.

I-Ching Chen, ancien doctorant de l'université britannique de York, aujourd'hui chercheur à l'Academia Sinica de Taïwan, et quatre biologistes anglais ont rassemblé les données d'une trentaine de publications scientifiques traitant de l'impact du changement climatique sur la faune et la flore, à partir de résultats collectés depuis les années 1960 ou 1970.

Le panorama reste toutefois parcellaire, puisqu'il repose sur des observations effectuées pour la plupart en Europe et en Amérique du Nord, avec quelques incursions au Chili, en Malaisie et sur l'île Marion d'Afrique du Sud. Même partielles, les conclusions sont saisissantes. En moyenne, bêtes et plantes se sont déplacées vers des latitudes plus fraîches, au nord comme au sud, à la vitesse de 16,9 kilomètres par décennie. Soit presque 20 centimètres par heure. Lorsqu'elles n'ont pas changé d'aire géographique, elles ont grimpé vers des biotopes plus élevés, à raison de 11 mètres par décennie.

Ces délocalisations, horizontale ou verticale, sont respectivement trois fois et deux fois plus rapides que l'indiquaient les travaux précédents. "Ce processus est en cours depuis les quarante dernières années et il est parti pour se poursuivre au moins sur le reste de ce siècle", précise Chris Thomas, professeur à l'université de York.

La mobilité forcée de coléoptères, de papillons, d'oiseaux ou de plantes forestières a déjà été souvent décrite. En France, l'un des exemples les plus symptomatiques est celui de la chenille processionnaire du pin, redoutable défoliatrice aux poils urticants qui, naguère cantonnée au sud de la Loire, est arrivée aux portes de Paris. L'intérêt de la nouvelle étude est d'en dresser une cartographie à grande échelle, mais aussi d'établir un lien direct avec la hausse des températures.

"Ce travail montre que c'est le réchauffement global qui est la cause du déplacement des espèces vers les pôles et vers des étages supérieurs, note I-Chin Cheng. Nous avons montré, pour la première fois, que l'importance du changement de distribution des espèces est corrélée avec celle du changement de climat dans la région concernée." Pour s'en assurer, les chercheurs ont calculé les modifications d'aire de répartition qu'exigeait, pour retrouver des conditions de vie identiques, la variation des températures relevée dans chaque zone géographique. Les chiffres concordent avec les trajets moyens effectivement parcourus par les animaux et les végétaux.

Toutes les espèces de tous les milieux ne réagissent pourtant pas avec la même célérité. Dans leur exode, des libellules, des papillons, des araignées ou des cloportes poussent des pointes de 70 à plus de 100 km par décennie, tandis que d'autres arachnides ou certains oiseaux n'affichent que quelques kilomètres au compteur. Ce qui peut s'expliquer par des différences de rythmes biologiques. A rebours du mouvement général, une espèce sur quatre est même descendue à une altitude plus basse, et une sur cinq a reculé vers des latitudes plus chaudes.

D'autres facteurs que le climat entrent en effet en jeu. Pour certaines espèces, le moteur principal de la redistribution spatiale est la destruction ou la fragmentation de leur habitat naturel. C'est ainsi que, en Grande-Bretagne, le papillon moyen nacré (Argynnis adippe) a régressé en raison de la contraction de son territoire, alors qu'un autre lépidoptère, le robert-le-diable (Polygonia c-album) a progressé de 220 km vers le nord en vingt ans. Durant la même période, un petit oiseau, le bruant zizi (Emberiza cirlus), a reculé vers le sud de 120 km, tandis qu'un autre passereau, la bouscarle de Cetti (Cettia Cetti), avançait de 150 km.

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A terme, le réchauffement, même s'il ouvre de nouveaux espaces où peuvent s'acclimater certains animaux ou végétaux, "représente un risque sérieux d'extinction pour au moins 10 % des espèces mondiales", préviennent les chercheurs. "Il y aura des gagnants et beaucoup de perdants", pense Chris Thomas. Pour l'heure, la dégradation des milieux naturels constitue la plus forte menace pour une faune et une flore déboussolées.

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