Etat de l’art à l’ère du net

par Marie Lechner
publié le 9 janvier 2012 à 13h01

L'anecdote est du musicien electro Moby et date d'il y a sept ans déjà. La maison de disques EMI fait écouter de la musique à un panel d'une vingtaine d'ados, les invitant à emporter les CD à la fin de la session. A leur grande surprise, pas un seul ne prend de CD. Napster est passé par là, qui a rendu le partage de MP3 si simple que «même ta grand-mère de l'Iowa pouvait le faire» , résume Sean Parker, cofondateur de Napster. Premier coup de semonce pour une industrie qui n'a pas pris la mesure de la révolution numérique.

Plutôt que de se joindre aux lamentos sur le piratage, le docu (en anglais) PressPausePlay (1) s'est intéressé aux effets de ces mutations technologiques sur la création. Quiconque équipé d'un ordinateur, d'une caméra et d'une poignée de logiciels peut -- en toute simplicité et pour pas cher -- faire de la musique, des photos, des clips, des livres et les diffuser dans le monde entier pour le meilleur et pour le pire.

D'où cette question en toile de fond : l'accès aux outils a-t-il pour effet une régénérescence de la création ou le vrai talent se retrouve-t-il noyé dans un océan d'inanités digitales ? Sur les 48 heures de contenu chargées chaque minute sur YouTube, qu'est-ce qui passera à la postérité ? Vivons-nous une réelle démocratie culturelle ou sommes-nous à l'aube d'un nouvel «âge sombre» , comme l'avance le techno-pessimiste Andrew Keen ( le Culte de l'amateur ) qui estime que «le monde créatif est en train d'être détruit, cédant la place à la cacophonie» et à la médiocrité généralisée ?

David Dworsky et Victor Köhler, les réalisateurs suédois de PressPausePlay , laissent la question ouverte, interrogeant des cinéastes, écrivains, musiciens qui bricolent avec ces technologies. L'Islandais Olafur Arnalds, 25 ans, apprécie la grande proximité avec les fans devenus collaborateurs (le clip qui l'a fait connaître a été réalisé par l'un d'eux).

Hot Chip regrette qu'écouter de la musique se résume à une distraction parmi d'autres, comme lire ses tweets ou relever ses mails, quand Robyn se réjouit que le live redevienne central. «Nous vivons une époque où ce sont les artistes qui ont le pouvoir» , estime la productrice et DJ Brenda Walker, conclusion optimiste même si la question du financement est tout juste effleurée et le modèle reste à trouver.

(1) Le docu, qui existe en version interactive, avec interviews et bios, est vendu 15 dollars sur iTunes et Amazon. Disponible en téléchargement gratuit.

Paru dans Libération du 7 janvier 2012

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