Quel opéra pour quels citoyens ?
Le citoyen moyen ne s’en est peut-être pas rendu compte, mais l’Union européenne a décrété 2013 année des citoyens, pour mieux faire connaître justement les droits découlant de la citoyenneté européenne.
- Publié le 08-04-2013 à 04h30
- Mis à jour le 17-06-2013 à 00h12
Le citoyen moyen ne s’en est peut-être pas rendu compte, mais l’Union européenne a décrété 2013 année des citoyens, pour mieux faire connaître justement les droits découlant de la citoyenneté européenne.
Opera Europa, la réunion des maisons lyriques européennes (voir ci-contre), n’a pas laissé passer cette occasion et réunissait la semaine dernière ses membres à Vienne pour réfléchir à cette question centrale : que peut offrir l’opéra aux citoyens qui le financent ? Des spectacles de qualité, bien sûr, mais pas seulement puisqu’ils ne sont de toute façon qu’une faible minorité à entrer dans les temples lyriques. Dans son texte d’introduction, Peter de Caluwe posait la question tout à la fois en termes de responsabilité sociale, d’éducation et d’émancipation, mais aussi de droit à la culture. Il fallait confronter les expériences, partager les acquis, réfléchir ensemble à de nouvelles pistes.
C’est là qu’on mesure les richesses et les limites de telles rencontres. On mélange ici des latins et des germains, l’Est et l’Ouest, les grandes maisons et les petites. Et, plus encore, des intendants et des chargés de marketing, des responsables de programmes éducatifs et des directeurs techniques, plus même quelques universitaires dont les travaux semblent pertinents pour le thème traité. Star cette fois, un vrai mélomane passionné : Jose Manuel Barroso vient parler de citoyenneté et de culture, mais dépasse peu les belles citations et quelques lieux communs.
Parmi ceux qui viennent présenter une communication, tout n’est pas d’un même niveau de préparation, de rigueur et de concision. Inévitablement, malgré l’anglais international qui sert d’esperanto et les traductions simultanées (allemand et français), on ne parle pas la même langue. Quand on demande aux directeurs des opéras de Vienne de parler de responsabilité sociale, ils se contentent de donner les taux de remplissage (enviables, certes) de leurs salles ou, comme le directeur de la Staatsoper, en racontant que le matin même, cinq citoyens anonymes et nullement abonnés à l’opéra lui ont demandé si Jonas Kaufmann chanterait ou non Parsifal le soir même. La responsabilité sociale, pourtant, peut être bien plus que cela.
Elle peut être la diffusion par les médias, anciens ou nouveaux. France Télévisions revendique près d’un million de spectateurs pour une diffusion en direct et en prime time qui fait l’événement, et quelques centaines de milliers pour les autres. Arte peut en faire autant, avec en plus le canal d’internet et ses diffusions sur arteliveweb : la récente "Traviata" de la Monnaie a ainsi réuni quelque 30 000 internautes sur la chaîne internet, environ trois fois plus que les dix mille qui ont été regarder le spectacle sur le site de la Monnaie. Arteliveweb prépare d’ailleurs une année Verdi assez intense, mais l’avenir est sans doute plus encore dans des initiatives comme thespace.org, ce formidable site créé par la BBC et le Arts Council britannique qui diffuse tous les arts, et notamment des concerts et opéras avec choix de la caméra et possibilité de passer de la scène aux coulisses.
Opéra et citoyenneté, ce sont aussi toutes ces initiatives qui font entrer les citoyens dans les opéras, ou simplement les rendent sensibles à leur existence. L’Opéra flamand est venu ainsi à Vienne raconter sa récente collecte de sang liée à "Parsifal", ou ce flash mob organisé avec la ville pour promouvoir la propreté. Comme le rappelle un participant, le but n’est pas de faire venir toute la population de la ville à l’opéra, mais de rendre toute la population de la ville fière de son opéra.