Le portrait du dimanche Monseigneur Marc Stenger en robe de Bure

L’évêque mosellan de Troyes, Marc Stenger, est le « Mgr Environnement » de l’Église de France. À ce titre, il a lancé une réflexion sur le projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Un engagement qui fait des vagues.
Philippe MARQUE. - 17 mars 2013 à 05:00 | mis à jour le 17 mars 2013 à 08:30 - Temps de lecture :
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« L’Église ose faire bouger les lignes », explique  M gr Stenger  en évoquant  la nomination du nouveau pape François. L’évêque   de Troyes essaie de faire de même sur les questions d’environ-nement.    Photo  Anthony PICORÉ
« L’Église ose faire bouger les lignes », explique M gr Stenger en évoquant la nomination du nouveau pape François. L’évêque de Troyes essaie de faire de même sur les questions d’environ-nement. Photo Anthony PICORÉ

Il reconnaît que son dernier engagement lui vaut « des objections. » Mgr Marc Stenger, Phalsbourgeois d’origine et évêque de Troyes depuis 1999, est le cosignataire du document « Gestion des déchets nucléaires. Réflexion et questions sur les enjeux éthiques ». « C’est le fruit de deux ans de débat avec des opposants et des personnes se posant des questions », témoigne celui qui a dirigé le Grand séminaire de Metz. Mais que diable l’Église vient-elle faire dans ce dossier ? Mgr Stenger l’explique avec une simplicité… biblique : « L’Église n’est pas scientifiquement compétente sur le sujet, mais elle a des choses à dire sur le plan éthique. Par ailleurs, la nature est un cadeau fait à l’homme par Dieu. Non pas pour qu’il l’accapare, la domine et la gaspille, mais pour qu’il gère avec respect l’endroit où il est appelé à vivre. »

En tant que président du groupe de travail Écologie et Environnement au sein de la conférence des Evêques de France, l’ancien interne du collège de Bitche, aujourd’hui polyglotte (il maîtrise cinq langues), est devenu le « Monseigneur Environnement » de l’Église de France. Une trajectoire que rien ne prédestinait. « Il a toujours été militant. Il préside Pax Christi, le mouvement catholique international pour la paix. Les questions de frontières, de justice et de paix l’ont toujours animé. L’environnement est venu s’y rajouter », confie Jean Gantzer, archiprêtre de Thionville, ordonné à ses côtés.

Un religieux qui dérange

Les opposants au futur centre d’enfouissement en Meuse et Haute-Marne l’ ont accusé de se défiler. « Je leur ai proposé un groupe de travail pour aider à la réflexion, sortir les gens de leur béatitude et obliger les responsables à répondre aux questions. À condition que ce ne soit pas une officine anti-Bure. » Sauf que le rapport, qui conclut que « l’enfouissement en profondeur pose des questions éthiques majeures » est plutôt engagé. Marc Stenger ne le nie pas : « Enfouir les déchets, c’est finir par les oublier et transposer le problème du nucléaire de génération en génération. Laissons-les en subsurface, cela nous oblige à continuer à réfléchir sur des techniques qui permettront de les maîtriser. »

Un autre chapitre invite les élus à s’interroger sur les compensations financières versées à leur territoire : « Je ne vais pas jusqu’à dire qu’ils ont été achetés. Mais ce procédé est-il éthiquement acceptable ? »

Des prises de position qui dérangent. Elles lui ont valu le coup de fil furibard d’un élu haut placé. « Il m’a dit a utant je suis d’accord avec votre position sur le mariage pour tous, autant là, pas du tout ! », s’esclaffe le religieux. Et un autre appel du ministère de l’Intérieur qui a pris au premier degré un mail des opposants annonçant par son entremise la venue de Benoît XVI à Bure !

Peut-être parviendra-t-il à faire venir son successeur, le pape François, que ce chargé des relations avec l’Église d’Amérique latine a déjà rencontré dans son appartement « très simple » de Buenos Aires.

Récupéré par les anti ?

On sent également l’Andra, l’agence chargée de la gestion des déchets, un brin gênée par son émergence. Car l’évêque fédère. Ceux de Verdun, Langres et Saint-Dié l’ont rejoint. « Je savais que ce dossier était hors normes. Mais avoir affaire à des évêques, je n’y aurais pas pensé », lâche mi-amusée, mi-surprise Marie-Claude Dupuis, la directrice. Elle regrette que son agence n’ait pas été associée à ce groupe de travail et soulève des « ambiguïtés » dans son positionnement : « Est-il habilité à parler au nom de l’Église sur ce dossier ? Ou en son nom ? Ce n’est pas toujours clair. Il m’a dit qu’il souhaitait porter le débat sur le plan national. J’attends. Nous pourrions ainsi y participer à égalité. »

Une polémique qui fait le miel des anti, qui ont besoin de figures pour incarner leur combat : « C’est quelqu’un d’écouté, de connu et de reconnu. Son nom remplit les salles, reconnaît l’opposant Michel Marie. Il est politiquement incorrect dans un milieu politiquement correct. C’est courageux. »

Une belle prise ? L’évêque ne se sent pas récupéré : « Je ne suis pas militant, je ne participe à aucune manifestation. Mais je ne suis pas dupe. Bien sûr que ma présence les aide. Et après tout pourquoi pas ? Leur combat est honnête et on a besoin de militants dans la société. Je ne dis pas qu’ils ont raison mais si cela peut les aider à rendre leur cause visible… »